I like to be in Amerrika

Publié le 25 juin 2009 par Boustoune


Pour son premier long-métrage, la jeune cinéaste Cherien Dabis a choisi de traiter d’un sujet très personnel, puisqu’il évoque de manière indirecte l’histoire de sa famille.
Ses parents ont fui la Palestine après la guerre des six jours et ont émigré aux Etats-Unis, où ils se sont installés définitivement. La réalisatrice est la première des enfants du couple à être née sur le sol américain et a vécu en première ligne la difficile intégration de sa famille dans des bourgades du Nebraska puis de l’Ohio, où la xénophobie est toujours monnaie courante, et éclate régulièrement, au gré des relations heurtées entre les Etats-Unis et le Monde Arabe…
 
Amerrika raconte ici l’histoire de Mouna, une palestinienne divorcée qui élève seule son fils Fadi dans les territoires occupés. Un jour, elle a la surprise de découvrir que sa demande d’attribution d’une carte verte, qui lui permettrait d’émigrer aux Etats-Unis, a été acceptée. D’abord déchirée par l’idée d’abandonner son pays, sa famille, elle décide néanmoins de partir pour le bien de son fils, pour lui donner la chance de faire des études dans un climat plus stable, plus serein… Ils rejoignent l’Illinois, où sa sœur s’est installée quinze ans auparavant. Sur place, ils découvrent que l’Amérique tant fantasmée, symbole de la grandeur occidentale, n’est pas forcément un endroit très hospitalier.
Le film se déroule après les attentats du 11 septembre 2001 et le début de la seconde guerre du Golfe et le ressentiment de la population est très fort vis-à-vis de tout ce qui ressemble de près ou de loin à un musulman ou un irakien… Une réaction absurde, stupide, mais hélas très répandue parmi les américains moyens… Le beau-frère de Mouna, médecin pourtant bien installé, a perdu plus de la moitié de sa clientèle à cause de cette xénophobie ridicule. Les finances du foyer sont donc dans le rouge, d’autant que la vie est très chère. Mouna doit donc trouver un travail très vite, pour participer aux revenus de la famille. Cela ne devrait pas être difficile, puisqu’elle est bardée de diplômes et possède une grande expérience dans le domaine de la banque et des finances. Mais les préjugés ont aussi libre cours dans le monde du travail. Les employeurs rechignent à engager une femme à l’accent arabe aussi prononcé. Cela effraierait les clients. Le seul poste que Mouna réussit à trouver est un poste d’employée de fast-food, et encore, pour y exécuter les tâches les plus ingrates.
Même amertume pour Fadi, confronté à l’intolérance de ses camarades et aux tentations offertes par le mode de vie occidental.
Le mal du pays n’est pas loin… Mouna, Fadi et leurs proches sauront-ils trouver en eux la force morale nécessaire pour s’imposer et gagner le respect de leurs nouveaux voisins ? Tel est l’enjeu de cette chronique parfois drôle, parfois émouvante, mais toujours tendre et juste.
 
Certains s’agaceront sans doute de quelques situations un peu convenues et de certains personnages un peu trop beaux pour être vrais, comme ce professeur accueillant, compréhensif et tolérant qui se prend d’affection pour Mouna. Pourtant, aux dires de la cinéaste, tout est inspiré de faits et d’individus bien réels, issus de sa propre expérience.
De toute façon, cela n’enlève rien au beau message humaniste véhiculé par le film, prônant tolérance et brassage culturel pour parvenir à plus de paix et d’harmonie. Ni à la formidable énergie qui l’anime, et que l’on doit essentiellement aux interprètes, à commencer par Nisreen Faour, touchante et irrésistible révélation dans le rôle de Mouna. A ses côtés, on retrouve l’excellente Hiam Abbass, toujours aussi juste, et une autre découverte, Melkar Muallem, parfait dans le rôle de Fadi.
 
Amerrika est typiquement le genre de petit film qui, dépourvu de « vedette » et d’exposition médiatique, construit sa réputation de festival en festival, grâce au bouche-à-oreille. Alors il est de mon devoir de cinéphile privilégié de défendre ce beau premier film qui possède toutes les qualités requises pour toucher un assez large public.
L’affiche proclame d’ailleurs fièrement qu’il s’agit du « coup de cœur du festival de Cannes 2009 ». Ce qui est loin d’être faux, tant le film a été applaudi lors de sa présentation à la Quinzaine des réalisateurs.
Allez donc faire un petit tour en Amerrika. Avec la fête du cinéma, qui démarre le samedi 27 juin prochain et dure cette année jusqu’au 3 juillet, cela ne vous coûtera qu’une somme modique, et il est fort à parier que vous aussi serez séduits par Mouna, Fadi et leur joyeux entourage…
Note :