Les belles histoires de l'innovation

Publié le 29 juin 2009 par Marianne Dekeyser @IDKIPARL
J'avais envie de commencer la semaine avec une étude menée par l'observatoire du Management et de l'innovation du cabinet Bearing Point...en 2007, une éternité ! Si l'innovation se périme de plus en plus vite, les belles histoires de l'innovation (tout comme pour les contes) gardent un fort pouvoir inspirationnel, voire éducatif.
Voici donc trois histoires extraites de l'étude "Repenser l'innovation : les grands groupes à la croisée des chemins" parue en septembre 2007 et téléchargeable sur le site après inscription.
Pour les curieux, faites un grand détour sur l'onglet "publications" (études, points de vues...) où vous trouverez aussi l'innovation sous tous ses états (RH, supply chain...).
L A B E L L E H I S T O I R E D E L O U I S V U I T T O N
Au-delà des processus, Louis Vuitton ouvre des portes sur le monde Propos recueillis auprès de Pietro Beccari, Senior Vice President Marketing & Communication, Louis Vuitton.
L’innovation chez Louis Vuitton n’est pas une affaire de processus mais de culture : une culture qui favorise l’ouverture totale au monde et la créativité sans limite.
C’est par une collaboration étroite et continue avec les meilleurs artistes d’aujourd’hui que Louis Vuitton parvient à “faire entrer le monde dans l’entreprise et ancrer l’entreprise dans le monde”. Shigeru Ban, Sylvie Fleury, Zaha Hadid, Bruno Peinado, Andrée Putman, Ugo Rondinone, James Turrell, Tim White Sobieski et Robert Wilson se sont tour à tour réappropriés le légendaire sac Vuitton. Chacun d’entre eux a laissé libre cours à son imagination, à travers une scénographie unique, totalement imprégnée d'un univers propre à chaque artiste.
Au-delà des produits, la collaboration avec le monde de l’art touche aussi les magasins, devenus de véritables centres culturels (chaque magasin consacrant un espace à l’exposition d’oeuvres) voire parties intégrantes d’expositions (au travers des magasins éphémères).
Si les idées viennent avant tout d’une collaboration réussie avec l’extérieur, leur développement est ensuite mené à bien par les ateliers maison : le studio de Marc Jacobs travaille en priorité sur les innovations éphémères et le département innovation, regroupant une vingtaine de designers, graphistes et artisans, travaille sur l’avenir des produits légendaires du Groupe.
Le projet “Tentation de l’espace” mené avec Philippe Starck conduit aujourd’hui le département innovation à imaginer les montres et les malles qui pourront voyager dans l’espace.
Si le monde du luxe et de la mode se prêtent plus que d’autres à la collaboration avec le monde de l’art, la belle histoire de Louis Vuitton peut néanmoins inviter d’autres secteurs à faire de la maxime “the sky is the limit” un des préceptes de tout processus d’idéation.
L A B E L L E H I S T O I R E D E B O U YG U E S T E L E C O M
Faire de tout collaborateur l’ambassadeur de l’innovation Propos recueillis auprès de Georges Passet, Directeur des Nouvelles Technologies, Bouygues Telecom.
Disposant d’une position de challenger sur un marché aujourd’hui consolidé, les enjeux pour Bouygues Telecom sont de quatre ordres : bouleverser les règles du marché par des offres innovantes et agiles (Néo, son DHR, Edge) ; favoriser l’émulation parmi les 7 000 salariés ; convaincre sur les innovations porteuses ; et créer un lien entre les chercheurs et le marketing.
Bouygues Telecom se distingue depuis son lancement par une force d'innovation marquante. C'est ainsi lui, dernier opérateur arrivé sur le marché après Itinéris / Orange puis SFR, qui le premier innova sur le mode tarifaire dès 1996 en proposant le forfait, suivi en cela par ses concurrents. L'innovation a toujours été une des valeurs du Groupe que ce soit dans le domaine marketing (le forfait ou plus récemment les offres illimitées telle que Néo) ou dans la dimension technique (les deux grandes réussites : le son DHR en 1997 ou le choix de la technologie EDGE par rapport à l'UMTS en 2001).
Pourtant, la taille de Bouygues Telecom joue a priori en sa défaveur face à ses deux principaux concurrents : l'effectif total de l'entreprise est à peine deux fois supérieur au nombre de chercheurs de France Télécom et, par ailleurs, il ne dispose pas a priori d'un réseau international comme SFR avec Vodafone. Malgré (ou grâce à) cette position défavorable, Bouygues Telecom a su mettre l'innovation au coeur de son dispositif. Le fait de disposer de bureau à Tokyo et à San Francisco témoigne de cette volonté, ainsi que des partenariats avec des écoles (Supélec, Eurécom, Fondation Louis Leprince Ringuet) ou les pôles de compétitivité.
Mais dans une entreprise à la fois grande (7 400 salariés, 8,7 millions de clients, 4,5 milliards d’euros de CA) et petite dans le champ de la recherche, la société a mis en place une véritable émulation interne autour de l'innovation, citée comme un “chromosome” de l'opérateur par Georges Passet, Directeur des Nouvelles Technologies.
Cette puissance de conviction se retrouve à trois niveaux. Tout d'abord un forum annuel de l'innovation ouvert à tous les collaborateurs dans un esprit de vulgarisation des innovations futures. Ensuite un trophée, récompensant en interne les projets les plus innovants. Cependant, la démarche la plus intéressante concerne le show room, espace de démonstration réservé aux invités prestigieux du Top 50 des dirigeants du Groupe. Dans ce lieu, situé au siège même de l'opérateur, les membres du comité de direction générale et leurs n-1 sont sensibilisés aux innovations.
C'est aussi un lieu d'échanges entre, par exemple, chercheurs et marketeurs. Le but du show room, ouvert depuis le 9 mai 2005, est de faire des technologies et de l'innovation une “évidence”.
Tous les mois le Top 50 des dirigeants du Groupe sont invités à assister à une présentation de quatre ou cinq innovations du mois. Le but est de considérer ce passage comme un élément clé de la transition de la phase amont de l'innovation (structure brownienne avec beaucoup d'idées à tester) à une logique plus “classique”. La sélection des projets se fait donc a priori, l'entreprise ne pouvant se disperser sur trop de sujets différents.
Le rôle du show room pour la direction, du forum ou du trophée pour l'ensemble de la population, témoigne à la fois de la volonté de convaincre les dirigeants sans pour autant oublier l'ensemble des salariés. Force de conviction, la direction de l'innovation est là pour assurer le “lien” entre l'innovation technologique et le reste de l'entreprise.
L A B E L L E H I S T O I R E D ’ I P S E N
Développer une innovation de rupture en coopération avec des tiers Propos recueillis auprès de Christophe Thurieau, Vice-Président Recherche, et Roland Cherif-Cheikh, Vice-Président, Recherche Galénique et Développement, Ipsen.
Somatuline® est le fruit d’une collaboration efficace entre Ipsen (centres de R&D de Boston, Paris et Barcelone) et une équipe de chercheurs de l’Université de Tulane (USA). Le Principe Actif est le lanréotide, un analogue de la somatostatine (facteur inhibant la libération de l’hormone de croissance). Initialement mis au point pour le traitement de l’acromégalie (trouble provoqué par une tumeur bénigne de l’hypophyse antérieure), Somatuline® a également été développée comme complément dans le traitement des symptômes associés à des tumeurs neuroendocriniennes (en particulier carcinoïdes). Somatuline® Autogel® constitue un progrès technologique significatif : il s’agit de la première formulation injectable semi-solide sans excipient, le principe actif contrôlant lui-même la libération prolongée.
C’est d’abord la démonstration d’un nouveau concept : l’injection d’un principe actif issu des biotechnologies (protéine, peptide) sous forme solide permet de réduire jusqu’à mille fois les volumes injectés, tout en maintenant l’efficacité thérapeutique.
Dans un second temps, l'équipe de Roland Cherif-Cheikh a montré que le Lanréotide avait des propriétés physicochimiques particulières : l'injection sous forme solide permet une libération prolongée. Contrairement à d'autres médicaments à libération prolongée, la Somatuline® Autogel® ne nécessite pas l'association à des mécanismes complexes à base de polymères/capsules. Ces autres mécanismes sont coûteux et plus difficiles à tolérer pour le patient.
Une démarche innovante pour l’industrialisation – production et galénique – Barcelone, Dreux et Signes (France). Pour mettre au point le produit fini, il a fallu d'une part modifier la machinerie de production pour l'adapter à la viscosité de cette nouvelle formulation en s'inspirant notamment des machines utilisées pour les ciments dentaires, et d'autre part exploiter des mécanismes utilisés pour la soudure en micro-électronique afin de produire des seringues pour des très petites quantités.
L’application à d’autres molécules issues des biotechnologies est en cours. Ipsen a notamment noué des partenariats avec Roche et Genentech.