"Ah bon, seulement à partir de 13h les visites? Bon, ben l'on va patienter à la buvette."
Au commencement
Tout a commencé avec le prince Vladislav 1er. On ignore quand il est né, ce qui somme toute n'est pas spécialement important, mais l'on sait qu'il fut à la tête de la Bohême de 1109 à 1117, puis de 1120 à 1125, date de sa mort. Entre 1117 et 1120, c'est son frère "Bořivoj II" qui dirigea le pays, Vladislav ayant volontairement quitté ses fonctions, officiellement pour raison personnelle (il prit un congé sabbatique pour grimper sur l'Everest),
Anecdotes d'au commencement
Vous vous souvenez, au commencement, l'histoire des moines tchèques et allemands... En fait on a des détails, plein, parce que l'un des premiers moines allemands à être venu à "Kladruby" n'était autre que le chroniqueur Berthold.
En 1120, Vladislav 1er reprit du service, son emmerdeuse de "Richinza" avec, et après avoir fait le tour des armoires afin de s'assurer que rien ne manquait, elle s'écria "Vlad'o, ils sont où mes moines?" Re-coup de fil à Heinrich, re-fus de "Udalrich", re-chantage à la kermesse, et re-tour de 20 moines (re-15 Kilometer Stau) à "Kladruby". Sauf que cette fois-ci, les Germains allaient faire tourner le clandé à l'allemande. Ils commencèrent par mettre à la tête de l'abbaye l'un des leurs, l'abbé "Wiziman" (sans doute "Wiesmann"), et le clandé commença réellement à carburer à l'allemande (proche variante d'à la suédoise). Une (très) grande partie de ce que l'abbaye percevait en cadeaux (bijoux, argent, fourrures, reliques, art...) était aussitôt envoyé à "Zwiefalten" comme en 40 (c'est consigné dans les chroniques de Berthold), et ça faisait hurler les moines tchèques, malheureusement impuissants. En 1125, Vladislav 1er décéda, et son frère "Soběslav 1er" prit la suite à la tête de l'épicerie de Bohême. Il n'avait pas pour usage de prendre des gants ni causer noble, et rien ne l'agaçait plus que lorsque l'étranger (surtout germain) essayait d'imposer son opinion en terre de Bohême. Ainsi, lorsqu'en 1126, l'empereur Lothaire III ("Lothar von Süpplingenburg") essaya par la force (invasion militaire) d'imposer le cousin de "Soběslav"
Bon, et comme vous le savez sans doute, "Soběslav 1er" et Lothaire finirent par se rafistoler (longue histoire, je vous raconterai tout ça une autre fois), et en 1130 les moines germains étaient de retour à "Kladruby", mais sans les bonnes manières... Tiens, pour preuve de leur mauvais apprentissage: en cette époque, le prince "Soběslav 1er" n'avait vraiment pas de bol,
L'affaire du Jean de Pomuk
Pis comme on en est aux anecdotes, continuons sur la lancée. Signalons d'abord que vous le trouverez sous divers noms, "Jan z Pomuku", "Jan z Nepomuku", "Jan Nepomucký", parfois précédé de la mention "saint", parfois pas, et parfois sont prénom est amoindri (diminutif) en "Johánek" (petit Jean). Mais c'est toujours le même dont on se parle. Ah bon, et pourquoi?
Alors la légende a été au départ un peu déformée, parce que pendant longtemps l'on a attribué les raisons de la torture au fait que "Jan z Pomuku", confesseur de la reine Sophie de Bavière, épouse du roi "Václav IV", avait refusé de trahir la confession d'icelle que le roi soupçonnait d'infidélité sexuelle. Aussi la langue de Jean de Népomucène était devenue la relique la plus précieuse du pays, à laquelle se rattachaient des milliers de légendes.
Retour à l'histoire
Bon, après les affaires de la tentative d'évêché et du massacre de St Jean de Népomucène, l'abbaye tomba un peu... en manque d'intérêt pour le roi. Rajoutez à cela un peu de Jan Hus, un peu de désobéissance populaire envers l'église de Rome (non paiement des taxes, refus des travaux de servage...), et vous comprendrez que la vie se compliqua pour nos moines, genre moins de beurre dans les pinards, et nécessité de bradez certains objets liturgiques (de valeur) afin de maintenir un cash flow correct. Mais le pire était à venir. Les premières incursions hussites arrivèrent dans la région de "Plzeň" en 1419, et la dévastation des biens commença dans les alentours de l'abbaye (la forteresse de "Komberk" tomba en 1420). Or malgré que les moines avaient signé des traités d'assistance et de soutien militaire avec les sieurs des environs (souvent en échange de domaines), rien n'arrêtait les troupes de "Jan Žižka" qui s'en marchaient au devant de "Bohuslav ze Švamberka",
Après les guerres hussites, l'abbaye avait perdu une grande partie de ses biens, et nombreux domaines furent confisqués aux profits de la noblesse des uns comme des autres (catholiques comme hussites). Ainsi sous le roi "Jiří z Poděbrad", les sieurs de "Rýzmberka" récupèrent le domaine de "Přeštice" (vous savez, le fameux domaine confisqué par "Václav I", refourgué à sa frangine Agnès, puis revendu chèrement à l'abbé "Reiner" de "Kladruby"), "Nedražice" et "Honezovice" passent chez les "z Metelska", "Lšelína" et "Kočov" sont vendus aux "Lobkovic na Horšovském Týně", l'archevêque (non reconnu parce que hussite) "Jan z Rokycan" reçoit jouissance de l'étang de "Vrhaveč", etc... etc... Bref, les moines eurent à batailler comme des furieux avec le manque de pognon jusqu'à la fin du XV ème siècle, et ce n'est qu'au début du siècle suivant que les choses commencèrent à s'améliorer: découverte et exploitation de mines d'argent (et de fer), création et exploitation d'étangs de pêche, prospération lente mais certaine des villages alentour... Tiens, et pour l'anecdote, le fameux domaine de "Přeštice" (confisqué par "Václav I"... Agnès... "Reiner") sera restitué à l'abbaye de "Kladruby" en 1511 par le roi W ("Vladislav II. Jagellonský"). En 1561 arriva sur le trône de l'abbaye un certain "Josef Wron z Dorndorfu a Biskupova"
Ainsi. les villages assujettis à "Kladruby" jouissaient en ce début de XVII ème siècle de privilèges que nombreuses villes royales leur auraient enviés. Mais arriva un évènement inattendu. En 1618 décéda la plus fortunée des habitantes de "Kladruby", et elle légua sur son lit de mort une petite fortune à la commune, comme à l'abbaye. Et oui, mais le conseil municipal protestant avait décidé d'un usage différent de la somme destinée aux moines. Il la prêta au directoire d'à Prague qui en avait grandement besoin afin d'armer ses troupes protestantes face à la menace impériale (les Habsbourg) enflammée par la défenestration praguoise de cette même année. Et le directoire remercia généreusement le conseil municipal en lui attribuant nombreux domaines alentours supposés être propriété de l'abbaye. Ca allait mal pour les moines, plus de terrains pour cultiver, plus de moulins pour moudre, plus d'esclaves pour travailler, plus d'impôt à extorquer, la dèche totale, genre ça ressemblait à comme si l'abbé allait devoir remonter ses manches et suer sa propre huile de coude. Mais les événements sont vicieusement retors.
En 1657, il y eu un incendie dans le village, bon, classique. En 1696 les germains avaient convenablement envahi les terres et l'administration comme spécifié dans une archive "Od toho času počata Niemčina v aučtech Kladrubských“ (abhinc est introduit l'Allemand dans les comptes Kladrubéens). Et ces retors de paysans avaient encore essayé de se révolter contre l'abbaye, ce qui somme toute n'avait rien d'exceptionnel dans le contexte de cette fin du XVII ème siècle, c.f. la révolte des "Chod" menée par "Jan Sladký" dit "Kozina", la répression "na Ovčím vrchu u Bezdružic"... Bon, mais l'abbaye se remettait de tout ce chambard quand même vachement mieux que les autres. En 1711, l'état de délabrement avancé d'une des plus grandes églises de Bohême, celle dont on se parle, dans l'abbaye, conduisit l'abbé "Maurus Finzgut" à soumettre un appel d'offre pour sa réfection (ah oui, et elle s'appelle "Nanebevzetí Panny Marie" l'église, Ste Marie de l'assomption).
L'abbaye sans moines
Bon, et se posait donc la question du "qu'est-ce qu'on en fait"? En 1797, le gouverneur général trouva la réponse: dans le collège et les bâtiments imposants l'on improvisa un hôpital militaire, et dans l'église un entrepôt de poudre à canon. Pendant quelques temps, l'on y entreposa même quelques moines trappistes jetés hors de France par la révolution, mais une fois reposés, repus et réchauffés, ils poursuivirent leur chemin vers la Russie. Pis lorsqu'en 1800, Napoléon (ou ses acolytes) nous massacrait les soldats autrichiens (batailles de Marengo, Hohenlinden...) à la pelle, l'on transforma un bâtiment de l'abbaye en lazaret. Au plus fort de sa production, il comptait 800 soldats rapatriés des campagnes de France... ou plutôt contre la France, mis en quarantaine pour avoir été en contact avec le Français et donc potentiellement contaminés d'une redoutable maladie contagieuse :-) D'ailleurs on ne sait pas si c'est au contact des Français ou par la grâce d'une autre circonstance, mais en 1803 il y eut une effroyable épidémie de typhus qui couta la vie au curé du village de "Kladruby" venu confesser les mourants. Une fois le Napoléon dévissé et remplacé, l'hôpital en l'abbaye n'avait plus autant de besogne, et en 1818 l'on transforma sa fonction en hôtel des invalides pour les vétérans des armées impériales (autrichiennes).
Cette fripouille de prince "Alfréd Candidus Ferdinand Windischgrätz" (parfois "Windisch-Graetz") se porta donc acquéreur du fantastique domaine pour la somme 60.000 florins d'or alors que la valeur en était de 275.000. L'histoire raconte que l'empereur en personne (lequel?) lui aurait fait grâce de la différence en remerciement de son engouement à réprimer le printemps des peuples dans son empire, ce qui semble pour le moins anachronique puisqu'il acheta le domaine en 1825, et le printemps des peuples eut lieu en 1848!? Enfin bref... L'Alfred, vous le verrez peint en grand à "Kladruby", car il était petit, et généralement il est représenté sur un splendide canasson afin qu'on ne puisse pas remarquer son handicap. Cet animal hypra-conservateur d'Alfred avait fait toute sa carrière dans l'armée. Jeune galonnard, il s'était frotté à Napoléon, mais fut fait prisonnier à la bataille d'Ulm (en octobre 1805), et dans ce contexte il aurait même rencontré l'empereur en personne (selon la légende). Il fut libéré quelques temps plus tard et retourna en Autriche pour continuer son métier de fifrelin. Il aurait même pris part à la bataille d'Austerlitz
Après le premier Alfred, il y eut son fils, l'Alfred II, "Alfréd Josef Mikuláš Windischgrätz". "Kladruby" deviendront sa résidence principale,
Et comme jamais d'oeufs sans toi, il y eut un 3 ème Alfred, fils du second Alfred, "Alfréd August Karel Windischgrätz", mais celui-là je vais vous en faire l'impasse parce qu'il était nettement plus actif en politique à Vienne qu'en n'importe quoi d'autre à "Kladruby", et Vienne n'est pas le sujet. Si, encore une anecdote sur la famille "Windischgrätz" dont beaucoup tiennent pour responsable de l'état dévasté du domaine (aujourd'hui). En 1874, l'Alfred II décida de transférer la tombe familiale de "Tachov" à "Kladruby", juste sous la sacristie de la fameuse église où résidaient déjà depuis le début du XVIII ème siècle les moines et les abbés de l'abbaye dans un état de semi-momification. Bon, ben on déménagea la centaine de boîtes dans un coin inutilisé, où que les macchabs n'iraient pas encombrer son monde avec leurs vieux os. Mais les travaux de remise en état du caveau n'avançaient pas aussi vite que prévu, aussi ce n'est qu'en 1886,
En 1916, alors que l'empire austro-hongrois s'en bataillait avec le reste de l'Europe, l'on réquisitionna les 3 cloches de l'abbaye d'un poids de 17, 49 et 78 Kg pour en faire du canon. Ce n'est que plusieurs années après la guerre, que les fidèles firent une quête et installèrent une nouvelle petite cloche en l'abbaye, en remplacement des 3 originelles fondues au front. Cette dernière sonne encore lors des offices. En 1927, l'Alfred III décède sans descendance (enfin si, il en avait une, mais elle se suicida en 1913 à Rome pour des histoires de dettes), et c'est un lointain parent de Hongrie qui hérite du domaine: "Ludvík Aladár Windischgrätz". Non intéressé par l'abbaye (au début tout au moins), il n'y vécut pas (au début tout au moins, parce que selon d'autres sources si, il y vécut), et l'intendance des terres se faisait par l'intermédiaire de son régisseur à Prague. Il ne réussit même pas à vendre l'affaire, car trop chère, trop à réparer et trop à entretenir. Le délabrement gagnait. En 1936 le Ludwig aménagea une pièce en bibliothèque et y fit emmener tous les livres et archives de la famille. Bon, pis il y eut 39-45, les décrets du président "Beneš", l'étatisation, 1948, 1968, 1989... et aussi curieux que cela puisse paraître pour un site d'une telle importance, l'abbaye de "Kladruby" ne fut déclarée patrimoine culturel national qu'en 1995.
Visite guidée
Les bénédictins
Alors le premier truc que vous allez voir, c'est une expo sur les moines bénédictins (O.S.B. = Ordo Sancti Benedicti) qui vivaient en l'abbaye. Bon, ouais, si on s'intéresse à la bénédictine... correctement nichue... faut voir... bref, alors rapidement. En 973 est crée le premier couvent de bénédictines derrière la basilique St Georges, au château de Prague ("klášter svatého Jiří"). Quelques 20 ans plus tard est né le premier couvent de bénédictins à "Břevnov". A partir du XII ème siècle, les bénédictins sont doucettement remplacés par les cisterciens (Ordo Cisterciensis) et les prémontrés (Ordo Praemonstratensis), parce que moins chers à l'entretien. Puis guerres hussites, réformes à Joseph II, interdictions con-munistes, hop, y a plus. Aujourd'hui il n'existe plus qu'un seul couvent bénédictin en service (il me semble): "Břevnov".
Jan z (ne)Pomuku
La piaule de l'abbé
Et donc s'il est un truc qu'on peut dire sans se tromper de vachement, c'est que l'abbé vivait dans le velours doré. Autant le moine commun vivait dans une cellule sombre, humide, froide et pleine de vermine, que l'abbé, lui, il était peinard. Déjà en montant à l'étage, vous verrez de riches statuettes de St Jean de Népomucène (ben tiens, et ouais, encore), de St Antoine, de St Dominique et de St André (le patron des coiffeurs pour chien). Dans l'antichambre se trouvent encore de nombreux tableaux d'apôtres (évangélistes), Matthieu, Marc, Luc et Jean, au-dessus de la porte un tableau des vacances de Jésus en Egypte... mais passons dans la chambre de réception. Les meubles sont de style baroque tandis que le set à bouffe (table, chaises) est rococo (l'abbé avait bon goût). Les tableaux représentent des prélats du XVIII ème siècle, et le dernier au fond, c'est l'archevêque de Prague "Ferdinand, comte de Khuenburg" (parfois "Küenburg") qui fit canoniser notre St Jean de Népomucène. La bibliothèque n'est pas accessible, mais par la porte vous pourrez y voir des livres (ben tiens) et des portraits de prélats (eh ouais, encore). Dans la salle-à-manger se trouve un splendide portrait de St Benoît de Nursie en vélo à la découverte du Luberon, fondateur de l'ordre des bénédictins dont la formule est "Ora et labora" (pédale et tais-toi). Notez la splendide faïence bleue de Strasbourg, unique, commandée spécialement pour l'abbaye de Cladraux (de l'Allemand "Kladrau", pour "Kladruby"). Ensuite il y a le petit salon rond, dans le coin, qui permettait à l'abbé d'avoir une vue à 270° sur l'abbaye, et repérer ainsi les moines qui faisaient les cons dans la cour à la récré. Pareil c'est décoré de tableaux bondieusardiques.
Le grand réfectoire d'hiver
Il a été entièrement retapé en 1977, car il servait d'entrepôt à foin pour l'élevage du bétail que les camarades paysans avaient installé dans l'abbaye à la demande des camarades ingénieurs agricoles (c'est stupéfiant). Aussi le mobilier n'est pas d'origine, mais importé là de divers endroits qui ont eu la chance de ne pas contribuer au dépassement des objectifs du plan quinquennal de développement agricole stratégiquement bâtit par le camarade secrétaire général du comité central pour l'aménagement agraire et la construction de la paix socialiste pour la prospérité selon Lénine dans le monde prolétaire. Donc sur la table, de la vaisselle en étain, et sur les murs, du tableau à l'huile (d'olive). Une croûte intéressante, est celle du fond, la dernière bouffe en trois actes. Sur la gauche, Jésus à table piochant dans les cacahuètes de l'apéro avant le repas, au milieu une espèce de banquet et à droite, encore Jésus et le lavement des pieds aux apôtres (décidément il est partout à la fois).
La bibliothèque des Windischgrätz
Comme dit précédemment, c'est "Ludvík Aladár" qui récupéra toutes les archives et tous les bouquins des divers domaines pour les concentrer ici. Il s'y trouve quelques 30.000 livres, plans, catalogues, etc... dont par exemple le plan de la fameuse brasserie. Sinon vous y verrez le fabuleux portrait d'Alfred 1er ("Alfréd Candidus Ferdinand Windischgrätz") sur sa blanche bourrique, peint par le talentueux "Friedrich von Amerling" (il peignit le fameux portrait de Ferdinand I., Kaiser von Österreich). Et comme le bougre était orgueilleux proportionninversement à sa taille, vous le verrez encore sculpté dans du marbre blanc par un autre talent tchèque cette fois, "Emanuel Max" (c.f. les statues du pont Charles).
Les statues de Matyáš Bernard Braun
Dans le lapidarium (dans un couloir de l'abbaye) se trouve toute une collection de fantastiques originaux sortis de l'usine "Matyáš Bernard Braun" entre 1730 et 1733. Ces sculptures étaient, jusqu'en vers 1960, dans le jardin du palais de "Valeč" ("okres Karlovy Vary") et ont été déplacées à "Kladruby" afin de les protéger des intempéries (et des imbéciles). Une complète collection se rapportant à la mythologie, vivante, gaie, enfin moi j'adore. Je reviendrai sur le Matthieu dans des publies à viendre, parce que ces derniers temps, on en a prospecté dodu des castels/couvents baroques, et du "Matyáš Bernard Braun" dans ces édifices, il s'en trouve comme du monseigneur au Vatican.
L'église Ste Marie de l'assomption
Pis je vous ai gardé le gros morceau pour la fin, la splendidéblouissantextraordinaire église de l'abbaye. C'est la 3 ème plus grande église (basilique, cathédrale, enfin maison du seigneur) de Tchéquie après la cathédrale St Guy de Prague et l'église de "Sedlec"
Bon, alors justement, passons maintenant à cette église.
Le maître-autel comme l'église sont dédiés à la Vierge-Marie, aussi vous la retrouverez en plein milieu du bahut, mais surtout cet autel affiche quelques curiosités. Au-dessus de la Vierge, se trouvent la première curiosité, les 4 tétramorphes (l'ange, l'aigle, le taureau et le lion aillés) qui représentent les 4 évangélistes, respectivement St Matthieu, St Jean, St Luc et St Marc.
L'autel plus petit sur la droite représenterait "Sv. Jukunda" avec des reliques dedans, mais sans certitude (ni le saint, ni le nom dont je n'ai aucune idée de la traduction en Français), parce que d'abord c'est un saint (ou une sainte?) plutôt obscure, enfin on ne le voit pas souvent à la téloche, et ensuite parce que je n'écoutais pas trop la petite, absorbé que j'étais par mes photos. Alors passons sur la gauche, parce que c'est un autre genre de café ce morceau là. L'autel sur la gauche, c'est carrément le sarcophage de l'initiateur de l'abbaye, du 18 ème duc Prémyslide de Bohême, de "Vladislav 1er" en personne. Avant, il était enterré... conservé dans la basilique d'avant l'église de Santini, mais on ne sait plus où, ce qui somme toute n'est pas vraiment important puisqu'elle n'est plus, la basilique. Dans l'autel actuel, il y est depuis 1728. Enfin il y est... parce que pareil, on n'a aucune certitude. Tiens, lorsque le paléoanthropologue "Emanuel Vlček" (il a étudié la plupart des restes des célébrités tchèques à partir de 1955) a demandé à ce qu'on lui ouvre l'autel afin qu'il étudie le squelette de Vladislav,
Toujours dans le choeur principal, si vous levez les yeux au plafond, alors vous verrez de fantastiques voûtes portant mention CSSML et NDSMD (Crux Sacra Sit Mihi Lux - Non Draco Sit Mihi Dux, soit que la sainte croix soit ma lumière - que le dragon ne soit pas mon guide)
Au-dessus des stalles du choeur, se trouvent des statues en bois, toujours et encore estampillées "Matyáš Bernard Braun". Alors on en reconnaît quelques uns des gaillards, St Benoît (il tient dans sa main le livre des règles bénédictines,
Au niveau de la coupole séparant la nef principale de l'abside... encore que dans notre cas, ce n'est pas vraiment une abside, donc plutôt la coupole à la croisée du transept, se trouvent inscrits des textes se rapportant à St Ambroise. "Te Deum Laudamus" (nous te louons seigneur) en référence au baptême de St Augustin par l'évêque de Milan (St Ambroise), en 387 (il aurait chanté le "Te Deum" pour la première fois, mais c'est un fait assez controversé aujourd'hui). Puis tout autour de la coupole: "Quae est ista quae ascendit de deserto, deliciis affluens"
Les fresques du transept sont attribuées (sans certitude toutefois) aux frères Asam (ceux qui ont couté si cher à Santini).
Au milieu de la nef principale, sur la gauche se trouve l'autel dédié à la Vierge, avec la statuette de la Madone de "Kladruby", que l'on appelle aussi la Madone au rosaire ("Růžencová Madona") parce qu'elle tient un rosaire (eh ouais) dans la main au lieu du Jésus n'enfant joufflu.
L'orgue de "Kladruby" est une oeuvre du fameux facteur "Jan Leopold Burkart" (de 1726). L'emballage est bien évidemment d'inspiration... non, pas de la Vierge-Marie, mais... Santini, eh oui. Outre le fait qu'il se compose du fantastique nombre de 1270 tuyaux, il est un des rares exemples encore existants de clavier dit à "feinte brisée", très populaire en période baroque. En fait, comme l'on n'utilisait pas l'échelle chromatique dans les graves, l'on supprima les notes (et donc les tuyaux longs, et onéreux) afin d'arriver à la gauche du clavier à une octave courte de notes diatoniques (au début). Mais vers le début du XVIII ème siècle, les sons chromatiques absents vinrent à manquer, alors on rajouta ces notes diatoniques derrières les touches,
Ah si, encore avant la chaire, ben justement entre elle (la chaire) et le milieu de la nef se trouvent 2 autels reliquaires. L'un est consacré à St Victorien (proconsul de Carthage, martyrisé en 484 lors des persécutions vandales en Afrique du nord sous le roi Hunéric, pour avoir refusé de renier sa foi chrétienne), l'autre est consacré à St Aurélien (patron des bouchers) mais là, je ne sais pas duquel on se parle.
Concernant la couronne kitch sur le sommet de l'église, c'est bien évidemment une idée de Santini (aussi), mais curieusement l'on ne sait pas vraiment en l'honneur de qui elle est là. Les uns prétendent que c'est la couronne mariale que vous pouvez voir sur la statuette de la Vierge au rosaire, d'autres que c'est la couronne du fondateur de l'abbaye, Vladislav 1er, et il se trouve même des ânes bâtés pour affirmer que c'est la couronne de cette infecte trapouillerie de "Krušovice", ce qui est totalement impossible parce que tout le monde sait que la couronne de "Krušovice" est celle du bougre excentrique Rudolf II qui avait acheté la brasserie en 1583, à une époque où leur bière pouvait s'appeler ainsi, bien avant que les Allemands de la "Binding Brauerei AG" n'en fasse l'imbuvable jus de semelle et chaussettes sales d'aujourd'hui.
P'tites anecdotes pour se finir
Bon, chais pas si vous venez en voiture quand vous venez à Prague, mais si oui, alors vous passerez fort probablement la frontière tchéco-allemande à "Rozvadov". Moi je passe par là régulièrement lors de mes fréquentes visites outre Bohême, et comme j'ai une carte Shell pour repaître mon véhicule, je m'arrête au retour de l'étranger à la station (Shell) de "Svatá Kateřina" (Ste Catherine) qui se trouve à quelques 6,5 km après (la frontière). Ce nom me semblait curieux, parce que je me demandais qu'est-ce qu'une Ste Catherine pouvait bien fiche si près de la frontière (mais pourquoi pas après-tout), pis surtout pourquoi Ste Catherine, la patronne du lèche-vitrines, et pas Ste Gudule (la patronne des qui reculent) ou Ste Hortense (la patronne des qui avancent)? Pis la réponse m'est viendue l'autre jour (enfin presque)... Vous vous souvenez qu'à l'époque du rayonnement de l'abbaye, fin du XIII ème siècle, passait en plein milieu du domaine une des plus importantes routes de l'époque, qui reliait Nuremberg à Prague, en passant bien entendu par "Kladruby".
Alors si jamais la cupidité vous motiverait plus que la richesse historique, je me dois encore de vous parler d'une légende extrêmement bien encrée dans la tête des croyances populaires locales. Vous vous souvenez lorsque l'empereur Joseph II fit fermer boutique aux bénédictins dans le cadre de ses réformes illuminées, ben il semblerait que les moines eurent le temps de planquer un fabuleux trésor, les roublards. A quelques 2,5 km vers l'est de l'abbaye se trouve la colline de "Jirná", entourée d'une forêt du même nom ("Jirenský les"). Et dans cette forêt, quelque part, les moines auraient creusé une cave profonde, une sorte de chapelle souterraine dans laquelle ils auraient planqué 12 statues grandeur nature des 12 apôtres, tout en or fondu, les 12 statues.
Le mot de la faim
Parce que je me rends compte qu'il faut que j'aille mettre les nouilles sur le feu si je ne veux pas manger trop tard... Alors oui, la première impression lorsqu'on voit le mur d'enceinte de l'abbaye, c'est qu'il reste encore du boulot pour tout retaper, est c'est vrai que du boulot de restauration, il en reste charnu. Ceci dit l'église est entièrement rafraîchie, elle est splendide, et mérite vraiment à elle seule le déplacement. Aussi pour ceux qui viendraient en voiture par la frontière "Rozvadov", faites une halte à "Kladruby", c'est à 4 min de l'autoroute, c'est facile à trouver et c'est incontournable, vous n'avez pas d'excuse.