"Si on coupe les gens de leur propre histoire, la nostalgie émergera, encore plus sentimental et crue qu'elle ne l'aurait été autrement. Pour le salut de nous tous, pour notre santé mentale et sociale, nous devrions vraiment laisser faire une période de deuil pour la mort de l'utopie communiste, même si la réalité était loin d'être idéale". Voici ce que Ravenhill explique de ses intentions, plutôt intéressantes. Mais son duo fraternel, allégorie des deux Allemagne, tourne à la caricature. Franzl, le Wessi, parle anglais, a pour religion les règles de management, se nourrit en abondance et porte en bannière le capitalisme. Karl, le Ossi, parle russe, consomme à tout va à la chute du mur avant de vomir ce monde trop coloré et regretter sa RDA "en noir et blanc". Puisque Franz n'arrive pas à se plier aux nouvelles règles, il faudra donc le convaincre ou le faire disparaitre. La réunification n'a pas été un mariage, plutôt du cannibalisme. L'ouest a fait disparaitre le monde de l'Est, disparues les idélogies, balayées l'histoire d'un peuple. Franz trouve un dernier refuge dans une forêt berlinoise, se réinventant un campement de Pionniers et balançant des slogans communistes. Sur scène la gemellité des deux acteurs se révèle intéressante, presque fascinante. Mais les pauvres ne pouvaient pas faire grand chose sur ce plateau blanc lumineux sans issue où rien ne vient alimenter l'histoire si ce n'est quelques rasades de ketchup et de nutella sur leurs corps nus. Ramin Gray, voulait ainsi faire "plus berlinois", moins anglais coincé. Tout cela tourne à vide. Sur ce thème préférer lire l'excellent ouvrage de Régine Robin "Berlin en chantiers", paru chez Stock en 2001.
© Heiko Schäfer