Revolutionary Road

Publié le 08 juillet 2009 par Ignatus

de Sam Mendes avec Kate Whinslet et Leonardo Di Caprio.

Une fois de plus l'american way of life est mise à mal de manière brutale, les têtes tombent et les héros meurent.

Franck et April, âgés d'une trentaine d'années vivent paisiblement et parfaitement dans une banlieue sérielle comme il y en a partout aux Etats-Unis. Ils ont deux enfants. Lui travaille dans la société où son père à cravaché toute sa vie, elle, s'occupe de la maison et des mômes. Malgré la surface luisante des appareils ménager, le vernis craque, le couple souffre et s'essouffle.

Même si l'action se déroule dans les années 50', le film parle de problèmes qui s'appliquent tout à fait à aujourd'hui lorsque l'on atteint la trentaine.

Avoir 30 ans, c'est se demander si l'on ne s'est pas trompé de chemin, c'est faire un premier bilan de sa vie indépendante, c'est réfléchir à comment être plus heureux, c'est commencer à s'imaginer dans le futur. C'est finalement à 30 ans que l'on devient non un adulte, mais un homme ou une femme. On dit toujours qu'avant - la génération précédente par exemple- on devenait adulte plus tôt, car on allait au boulot et l'on faisait des enfants plus jeunes .
Mais qu'est ce que devenir adulte ?
Je crois que devenir adulte n'est pas forcément une question de responsabilités mais plutôt de rêves ou d'abandons de ceux-ci.

Deux possibilités s'offrent :

Soit on accepte sa vie telle qu'elle est, dans la plupart des cas une vie moyenne et raisonnable et on accepte que nos rêves restent des fantasmes, en bref, on abdique.

Soit on décide de faire de sa vie son rêve. A 30 ans on commence à avoir une vision temporelle globale de la vie et se rendre compte que tout changements de vie implique la destruction des dogmes écrits précédement. On comprend aussi que ce changement prend du temps car il faut quasiment repartir de zéro. Choisir sa vie implique aussi et surtout de résister à la pression sociale et c'est peut être ce qui est le plus difficile lorsque l'on est quête de liberté ou lorsqu'on veut sortir du rang. Il faut inventer sa vie même si il faut aller contre sa propore éducation et le milieu duquel on vient.

La peur du changement implique l'attente - donc l'immobilité physique et mentale - . Pour certains, cette ligne droite les rend épanouis et comblés. Mais pour d'autres comme April, ce conformisme est insupportable. Le couple se déchirent, se dispute sans cesse comme...des gens qui demandent plus à la vie.

Franck cherche à devenir un homme, un homme selon la société, or dans les faits, il n'est pas vraiment de la sorte ou disons qu'il oscille entre ce qu'il veut être et ce que l'on attend de lui en tant qu'homme, c'est à dire grossièrement, entretenir femme et enfants, avoir une maîtresse, avoir de l'ambition et ramener un bon salaire. On pourra toujours reprocher à Di Caprio son visage poupon mais cette fois ci, l'alchimie fonctionne parfaitement car Franck est un personnage qui a beaucoup de mal à supporter ses responsabilités d'hommes. April est parfaite pour cette homme, amoureuse et même fasciné pour sa liberté de pensée et de refléxion, elle est prête à tout faire pour retrouver celui qu'elle a connu.

April propose à son mari - tout en lui mettant certaines réalités en face – de partir vivre à Paris. Elle, irait travailler, et lui, réfléchiras à ce qu'il veut vraiment faire en prenant tout le temps dont il a besoin. Elle veut tout simplement le revoir vivant et non dans cette fausse enveloppe de mâle dominant. Car ce couple est un jeune couple assez ouvert. Franck accepte le deal et décident de partir en mois de septembre, juste après cet été. Il faut alors expliquer aux autres hommes – collègues de travail, voisins - qu'il ne subviendra plus aux besoins de la famille, mais pour la société dans laquelle il vit, il n'est pas un homme - un vrai - si c'est la femme qui porte la culotte. . Heureusement ce changement de mode de vie est un plus accepté aujourd'hui, quoique...

Leur vie est à nouveau remplis d'énergie et d'envies. Un mois plus tard, au même moment Franck reçoit une promotion et April tombe enceinte et l'intrigue se resserre.


Après de nombreux siècles, cette idée que c'est l'homme qui doit subvenir aux besoins de la famille est profondément encrée et subsiste aujourd'hui. Elle s'inscrit même dans le cerveau en actionnant certaines zones qui sont développées pendant l'éducation. On discours – et aujourd'hui encore – toujours sur le malaise de la femme mais on ne prend pas encore en compte la difficulté de certains hommes à vouloir changer de mode de fonctionnement car la pression sociale est toujours présente et forte. Trouver sa place et gagner sa liberté lorsque l'on ne veut pas vivre "comme tout le monde" est une épreuve de force autant pour une femme que pour un homme. Mais les femmes ayant gagné ce droit, je crois que dans un pays développée comme le notre, dans un pays sans réelle religion – c'est à dire laique, spéaration de l'Etat et de la religion – il est peut être plus difficile pour un homme d'inventer sa vie sans le soutient inconditionnelle et la compréhension de cette difficulté par la conjointe. Cette difficulté que les femmes - la plupart comprennent cette difficulté, je parle toujours de la majorité - doivent comprendre est qu'un homme, même le plus ouvert possible doit se faire à l'idée de se sentir "moins homme" vis à vis de la société en prenant de telles décisions car il se passe un effet de rejet de la gente masculine . C'est une difficulté extrêmement difficile à surmonter qui peut même être un fardeau et provoquer des failles au niveau de l'amour propre. Pour prendre une comparaison un peu hasardeuse - car il n'y a pas d'échelle de la souffrance - mais à l'époque ou se passe l'action, je penses qu'il était tout autant difficile pour un homme de dire qu'il est entretenu par sa femme que de dire qu'il est homosexuel (et c'est encore le cas hélas aujourd'hui). Dans les deux cas, il perd sa virilité aux yeux de la societé grégaire. Il perd sa crédibilité, on l'accepte, mais non sans un à priori car l'on sort de la norme.

La force du film réside dans la confrontation inévitable qu'il nous propose en miroir avec nos propres choix de vie. Le noeud est là.

Avons nous vraiment choisi notre vie ou est-ce l'éducation de nos parents et le monde dans lequel nous vivons qui choisit notre voie ?

Il est question de libre arbitre ici et a quel point il est difficile de le garder. Le film incite à la remise en question dans une confrontation frontale, sèche et bouleversante tant il est impossible d'échapper à une introspection après visionnage.

J'ai choisit dans cet article de ne parler que de Franck tant il est plus facile de parler du rôle de Kate Whinslet/April représentant la lutte d'une femme en quête de liberté car il faut l'avouer, le film ne nous apprend rien que nous ne connaissions déjà (mieux vaut regarder la série MadMen pour en apprendre sur le conditionnement des femmes et leurs luttes).

Et il est assez rare de mettre en exergue un personnage masculin de la sorte.

Les dialogues sont très réalistes, il n'y a pas de langues de bois. Cette tension permanente dans le film est appuyée par une réalisation sobre et très pensée, élevée par le jeu des acteurs qui peuvent dévoiler ici tout leur talent. L'action baignant dans une photographie toujours adéquate rappelant celle du chef opérateur de Six Feet Under.

Bref, malgré quelques menus défauts, j'ai largement été touché par les problématiques que soulèvent ce très beau film.