Johanne Gurfinkiel: «Il s'agit d'un dérapage intolérable»

Publié le 09 juillet 2009 par Drzz

Un soldat SS avec un brassard aux couleurs du drapeau israélien; des prisonniers palestiniens en pyjamas rayés; un camp de concentration à Gaza et des charniers évoquant la Shoah; enfin, l'accusation d'antisémitisme présentée comme un bâillon contre toute critique visant la politique israélienne:les caricatures du dessinateur brésilien Latuff, visibles sur le site de la section genevoise du Collectif Urgence Palestine (CUP), scandalisent la Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation (CICAD).

Dans un communiqué envoyé hier aux rédactions, elle considère ces dessins comme «clairement intolérables», «outranciers» et «antisémites».

Comparer la politique israélienne avec celle des nazis ou tenir les juifs pour collectivement responsables des actions de l'Etat d'Israël sont des manifestations d'antisémitisme, selon la CICAD laquelle se fonde sur l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes, une institution indépendante fondée par l'Union européenne en 1997, remplacée en 2007 par l'Agence des droits fondamentaux.

La CICAD se dit heurtée par «cette campagne visant à banaliser la Shoah» et «porter atteinte au combat légitime contre l'antisémitisme».

S'interrogeant sur l'engagement du CUP «qui semble se muer en un combat peu recommandable», elle attend de celui-ci qu'il retire immédiatement les caricatures de son site.

Du côté du collectif, plusieurs membres contactés étaient injoignables hier. Sauf Tobia Schnebli. Mais il se trouve ces jours en Bosnie en vue de la commémoration du génocide de Srebrenica. 

Emprunté, il reconnaît que «les associations entre nazisme et politique israélienne sont toujours problématiques.Il n'y a pas besoin de surenchérir.» Voyant plus ou moins de quels dessins il est question – ils dateraient de plusieurs mois déjà –, il réfute toute provocation délibérée: une bonne partie de ce qui est posté sur le site l'est par la webmaster, sans que le comité de rédaction du CUP n'en décide, affirme le militant. Face à l'accusation d'antisémitisme, Tobia Schnebli demande si les dessins représentent d'abord le fait d'être juif ou des soldats, qui désignent par conséquent l'Etat israélien et non les juifs. «Je vais regarder de très près tout cela ce soir (hier soir, ndlr) à l'hôtel. Puis le comité décidera. On verra s'il y a lieu de les enlever et peut-être de présenter des excuses

Pour Johanne Gurfinkiel, secrétaire général de la CICAD, ces caricatures «mettent en accusation directement les Juifs lorsqu’elles parlent de "peuple élu", tendent à banaliser la Shoah, pratiquent un certain nombre de comparaison entre les SS et les nazis et l’armée israélienne et, cela, c’est clairement intolérable.»

Répondant à un journaliste qui se demande si «Israël ne porte pas une part de responsabilité dans cet amalgame», le secrétaire général explique: «Que la Shoah soit une partie intégrante, aujourd’hui, de l’histoire du peuple juif, c''est évident. Qu’Israël fasse partie, aussi, de cette histoire du peuple juif, c’est indéniable.


Mais je ne pense que l’on puisse aller sur le même terrain, en disant qu’Israël, aujourd’hui, amène des délégations étrangères et des gouvernements étrangers à visiter Yad Vashem, et en comparant cela avec des débordements sur des domaines politiques.Si Israël pratiquait l’amalgame en essayant de nous expliquer que sa politique serait liée à la question de la Shoah, on le dénoncerait avec la même vigueur. Ce n’est absolument pas le cas; là, c’est un véritable débordement et un dérapage qui est intolérable.»

Sources: Le Courrier,Radio Suisse Romande- jeudi 9 juillet 2009