Le hérisson est là, pas l'élégance…

Publié le 13 juillet 2009 par Boustoune


Second roman de Muriel Barbery, « L’élégance du hérisson » (*) fut assurément le gros succès éditorial de l’année 2006, avec plus de 600000 exemplaires vendus et autant de lecteurs touchés en plein cœur par la rencontre improbable de Renée, une concierge revêche et mal fagotée, avec deux des habitants de l’immeuble parisien dont elle s’occupe : la jeune Paloma, adolescente rebelle et suicidaire, et Kakuro Ozu, un nouveau voisin japonais, charmant et attentionné.
Il était tout naturel que quelqu’un cherche à porter à l’écran cette histoire drôle et poignante, capable d’attirer massivement le public dans les salles obscures. Mais, alors que l’on aurait pu s’attendre à voir le projet confié à un réalisateur confirmé, c’est une débutante, Mona Achache, qui se charge de la version cinématographique de ce best-seller, rebaptisée Le hérisson. La jeune cinéaste, tombé amoureuse du roman dès sa sortie, bien avant son incroyable succès en librairie, a en effet pris tout le monde de vitesse et a réussi à obtenir le droit d’en réaliser l’adaptation pour le grand écran.
 
Une réalisatrice novice pour adapter le roman d’une écrivaine quasi-débutante, l’idée est audacieuse, mais loin d’être idiote. Cela permet d’évoluer loin des contraintes techniques, budgétaires et administratives qu’un cinéaste confirmé et un gros studio de production auraient induites. Et d’évoluer ainsi dans un relatif dépouillement et une simplicité qui siéent bien à la fraîcheur du texte original. Mona Achache a eu le temps de travailler son script en collaboration avec la romancière elle-même, pour rendre l’histoire moins littéraire – le roman consistait en des extraits des journaux intimes des protagonistes – tout en en préservant l’essence. De ce point de vue là, rien à dire, l’adaptation est plutôt intelligente et l’histoire, telle qu’elle a été reconstruite, devrait plaire à un large public.
Le problème, c’est qu’au niveau de la réalisation, on ressent nettement l’inexpérience de la cinéaste. La mise en scène est bien trop plate, bien trop sage, trop en retrait, alors que c’est elle qui, comparable au style de l’écrivain, aurait dû transcender l’œuvre.
Et la photo n’est guère mieux. L’image est assez laide, granuleuse, et ne rend pas justice au travail qui a été accompli sur les décors, qui confèrent au film un ton un peu onirique et poétique. Il manque un brin de folie, de couleur, de luminosité dans cet univers finalement assez froid et peu attachant. En bref tout ce que Jean-Pierre Jeunet avait su conférer à son Fabuleux destin d’Amélie Poulain. Evidemment, il peut sembler assez injuste de comparer le travail d’un cinéaste confirmé et d’une débutante. Mais il faut se souvenir qu’à ses débuts, Jeunet possédait déjà ce style graphique unique qui le caractérise et cette imagination débordante. Des attributs qui ne semblent hélas pas faire partie des qualités de Mona Achache….
 
Restent une belle partition musicale signée Gabriel Yared, en phase avec l’ambiance du film, et des acteurs très bien choisis, et utilisés dans leur emploi de prédilection.
Josiane Balasko est l’impeccable incarnation du hérisson du titre : « A l'extérieur, elle est bardée de piquants, une vraie forteresse, mais (…) à l'intérieur, elle est aussi simplement raffinée que les hérissons, qui sont des bêtes faussement indolentes, farouchement solitaires et terriblement élégantes ». De fait, elle restitue parfaitement la complexité de cette femme cultivée et érudite, qui s’abrite derrière l’apparence d’une concierge peu avenante et assez asociale. Face à elle, Togo Igawa est brillant dans le rôle de Kakuro Ozu, un personnage discret, élégant, bienveillant, que l’on croirait tout droit sorti d’un des films de… Yasujiro Ozu, le maître du cinéma nippon. Quant à la jeune Garance Le Guillemic, elle se tire très bien du rôle le plus difficile à jouer, celui de la gamine trop mature pour son âge, mais en même temps encore naïve et innocente…
Et le reste du casting est à l’avenant, de Wladimir Yordanoff à Jean-Luc Porraz, d’Ariane Ascaride à Anne Brochet. Tous sont parfaits.
Le hérisson est une adaptation assez soignée.qui a le mérite d’avoir su préserver la force mélodramatique du matériau littéraire original. Cela devrait suffire aux spectateurs les moins exigeants, à condition qu’ils n’aient pas lu le roman avant. Les autres regretteront amèrement le manque d’inspiration de la mise en scène, bien trop lisse en regard du style de Muriel Barbery, qui donnait tout son charme au bouquin.
Pour résumer, disons que si le hérisson est bien là, l’élégance, elle, a disparu. Et c’est bien dommage…
Note :
(*) : « L’élégance du hérisson » de Muriel Barbery – coll. Folio – ed. Gallimard

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