Ariane Dayer a raison : il faut laisser fumer pépé et ... mémé. Mais ...

Publié le 14 juillet 2009 par Francisrichard @francisrichard
La loi vaudoise sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics (ici), du 23 juin 2009, applicable dès le 1er septembre prochain, n'a pas prévu de fumoirs dans les EMS [Etablissements médicaux sociaux, c'est-à-dire les maisons de retraite].

Son article 4 prévoit toutefois, entre autres exceptions :

Les chambres de lieux de soins ou d'hébergement dans lesquels les patients séjournent de manière prolongée et dont ils ne peuvent aisément sortir compte tenu de leur état de santé.


Il faut bien évidemment - on connaît la chanson depuis le vote de la loi fédérale du 3 octobre 2008 - qu'elles soient isolées, aérés ou ventilées de manière adéquate, désignées comme tels, et que le personnel n'y ait qu'un accès limité.
Les EMS ne peuvent donc pas légalement installer de fumoirs, mais ils peuvent autoriser de fumer dans les chambres ... à leurs risques et périls.
Car, comme le déclare Jean-Louis Zufferey, secrétaire général de la Fédération patronale des EMS vaudois, au Matin de ce jour (
ici) :

De nombreuses personnes âgées sont atteintes de troubles psychiques comme Alzheimer; fumer dans une chambre représenterait un danger.

Du coup Ariane Dayer [photo ci-dessus publiée (ici)], rédactrice en chef du quotidien vaudois, s'est fendue d'un édito intitulé Laissez fumer pépé ! (ici) :
Les dimanches de visite, il faudra donc rouler pépé dans sa chaise sous l'arbre d'à côté pour qu'il puisse s'en griller une. Et encore, tant qu'on n'a pas inventé une loi pour protéger les poumons de l'arbre ...
C'est une honte. Une véritable honte.

Difficile pour Ariane Dayer d'échapper au conformisme intellectuel sur la fumée passive qui serait mortelle :

La lutte contre la fumée passive est louable, continue-t-elle. 

Pour ajouter toutefois aussitôt :

Mais ne peut-elle pas s'accommoder d'une exception pour les personnes âgées ? N'est-il pas possible de décréter une sorte de moratoire pour laisser terminer paisiblement le chemin aux générations qui ont grandi dans la fumée et qui y puisent leurs derniers plaisirs ?

Fort bien. Cette considération à l'égard des personnes âgées est louable, MAIS une première question se pose : 

Comment Ariane Dayer compte-t-elle s'y prendre pour déterminer quelle est la dernière génération qui a grandi dans la fumée ?

Question suivie d'autres, tout aussi languissantes :
Pourquoi les personnes âgées auraient-elles seules le droit de trouver du plaisir dans la fumée ? Parce qu'elles ont grandi dedans ? Qu'est-ce que cela veut dire : grandir dans la fumée ? 

Ariane Dayer est beaucoup plus sensée quand elle écrit :

Sans discernement ni sens des nuances, notre trip hygiéniste est imbécile. Qui sommes-nous devenus, qu'avons-nous perdu en route pour prétendre faire ainsi la morale à nos ancêtres par la force ?

Nous avons perdu en route notre discernement - quand je dis nous, je ne me sens pas vraiment visé, modestie mise à part -, notre sens des nuances, notre courage de décider par nous-mêmes. Nous acceptons de plus en plus que notre vie soit entièrement réglémentée par d'autres, personnifiés par l'Etat, qui prétendent savoir mieux que nous-mêmes en quoi réside notre bien.
Je sais bien que la vie n'est pas seulement faite de plaisirs, que, si nous avons des droits, nous avons aussi des devoirs. Mais je me rends bien compte que les degrés de liberté laissés à chacun se réduisent gentiment - plus ou moins - comme une peau de chagrin  et que l'Etat intervient de plus en plus dans notre vie pour la diriger et se passe de plus en plus de notre consentement individuel.
Dans le même ordre d'idées je reçois encore des commentaires au sujet de mon article
Jacques Neirynck aime l'eau du robinet, grand bien lui fasse ! , mis en ligne il y a déjà un an. Je ne les publie plus parce qu'ils ne font que ressasser :

Vous n'avez pas honte de préférer votre petit plaisir égoïste à l'écologie !

Une internaute, qui boit de l'eau en bouteille, parce qu'elle ne peut faire autrement là où elle réside - dans une île espagnole - m'a même écrit que j'étais mesquin envers ce pauvre Jacques Neirynck...
Plutôt que de vouloir interdire l'eau minérale en bouteille, ne devrait-on pas enseigner le réflexe de mettre les bouteilles en PET dans les conteneurs ad hoc, comme je le fais systématiquement ? Car les bouteilles en verre, qu'excepte de sa vindicte Jacques Neirynck, sont lourdes pour ... les personnes âgées et je ne vois pas au nom de quoi tout le monde serait obligé de boire de l'eau du robinet.
Plutôt que d'interdire de fumer des cigarettes dans toujours plus d'endroits, sous le prétexte fallacieux de la fumée passive, ne devrait-on pas laisser les fumeurs prendre leur plaisir et leur responsabilité en connaissance de cause et les propriétaires de lieux accessibles au public, qui sont en fait des lieux privés, décider de ce que bon leur semble dans leurs établissements ?
Je sais qu'il existe maintenant des lois destinées à lutter contre ce bobard qu'est la fumée passive dans la plupart des cantons. Mais les lois imbéciles, basées sur une imposture, peuvent toujours être défaites par le souverain quand il s'apercevra qu'elles sont au bout du compte plus nuisibles que bénéfiques... et qu'elles empoisonnent la vie.
Francis Richard