En plein Paris, un commando de 50 néo-nazis

Publié le 19 juillet 2009 par Zelast

Lu sur Anarchosyndicalisme : "Alerte ! En plein Paris, un commando de 50 néo-nazis, crânes rasés, tenue de combat, fait irruption sur le marché de la Goutte d’Or et procède à la "Libération" (c’est le terme qu’ils osent employer !) de l’espace public "occupé" indûment par des dizaines de sanspapiers et les métèques qui les soutiennent... : des femmes frappées à coup de barre, des enfants de trois ans gazés en plein visage à la lacrymo, envoyés direct à l’hôpital,... tout cela se passe sous l’oeil complice des CRS qui se gardent bien d’arrêter un seul des agresseurs.

Scandaleux ! Incroyable...mais vrai. Vrai ?

Oui, il suffit de remplacer le mot "néo-nazi" par le mot "cégétiste" [1]
et les mots "marché de la Goutte d’or" par ceux de "bourse du travail".

Une fois faites ces deux modifications sémantiques minimes (puisqu’elles
ne changent rien au fond de l’affaire), vous avez une description exacte
de ce qui s’est passé ce 24 juin 2009. Même le mot "libération" est exact
: c’est celui du titre du communiqué vainqueur publié par la "Commission
administrative de la Bourse du travail de Paris : Libération de la Bourse
du Travail de Paris". Fallait oser évoquer la Libération... pour ce qui
ressemble plus à du nettoyage ethnique qu’à l’entrée des chars de la
Division Leclerc dans les rues de Paris.

LES ENJEUX

Pour les politiques de droite comme de gauche ; pour les patrons comme
pour les syndicats, les sans-papiers sont un enjeu important. La droite,
en les maintenant dans leur condition, alimente le discours nationaliste
et renforce celui sur "l’identité nationale", base de ses performances
électorales ; la gauche (qui les a aussi maintenus dans cette condition)
se donne une apparence humaniste en les soutenant du bout des lèvres quand
cela semble électoralement payant. Les patrons les exploitent à mort, les
syndicats y voient une masse de manoeuvre à s’approprier (et, à travers
eux, tous les salariés issus de l’immigration). On comprendra que personne
(en dehors des principaux intéressés) n’ait intérêt à trouver une
solution.

Dans ce contexte, il y a un véritable pacte Sarkozo-cégétiste : pendant
qu’Hortefeux expulse, la CGT dispose d’un quasi-monopole, accordé Sarkozy,
pour les dossiers de régularisation. Ce sont le deux mors d’une même
pince. De tous les côtés, les sanspapiers sont donc appelés à la
soumission : les patrons ont les mains libres pour les licencier à la
moindre protestation, l’Etat pour les terroriser à petit feu par les
rafles, la CGT pour les encarter moyennant des promesses réalisées au
compt e - g o u t t e s . "Tous ensemble, tous e n s e m b l e " , quand
il s’agit de contrôler les sans-papiers et d’éviter la révolte des damnés
de la terre, ils sont vraiment "tous ensemble" !

Dans ce m é c a n i s m e bien huilé, il y avait à Paris un gros grain de
sable : la Coordination Sans Papiers 75 (CSP 75), qui, pour se faire
entendre du pouvoir et dénoncer le monopole cégétiste occupait l’annexe
Varlin de la Bourse du travail depuis le 2 mai 2008. C’est cette
opposition que la CGT, avec la complicité unanime des autres syndicats, de
la Mairie de Paris et du gouvernement, a cherché à abattre en organisant
une ratonnade.

LA COUPABLE

Courageuse quand il s’agit d’envoyer un Kommando aux méthodes fascistes
frapper des femmes et des enfants, la CGT l’est moins quand il s’agit de
s’expliquer. "Nous n’avons pas été avisés" tente de faire croire, sans
rire, la direction nationale cégétiste. D’après elle, la décision aurait
été prise au niveau départemental, sans que la tête cégétiste nationale
soit informée. Il faudrait vraiment mal connaître la CGT, dont le
fonctionnement stalinien est une caractéristique forte, pour accepter un
tel bobard : rien de la moindre importance ne se décide à la CGT sans que
la hiérarchie n’en soit informée. La technique de défense utilisée
aujourd’hui n’est pas franchement nouvelle. C’est celle du "mur du
silence", comme au plus beau temps du goulag (quand les cégétistes n’en
parlaient pas, puisqu’ils n’avaient pas été informés non plus).

Si vraiment "ils ne savaient pas", maintenant qu’ils savent, qu’est-ce
qu’ils attendent pour dire ce qu’ils en pensent ? Le silence pesant de
Bernard Thibault et de toute la hiérarchie est l’aveux le plus explicite
qui soit. On peut en conclure que non seulement "ils savaient", mais que
c’est probablement eux qui ont décidé. C’est donc la CGT dans son ensemble
qui porte la responsabilité de cette exaction.

LES COMPLICES

La Bourse du travail de Paris appartient à la Mairie. Elle est gérée par
une commission administrative composée des organisations syndicales
suivantes : CFDT, CGT, FO, CFTC, CFE-CGC, UNSA, Solidaires (SUD). Toutes
ces organisations ne contestent pas avoir donné leur accord au matraquage
et gazage des sans-papiers, sauf une : SUD qui dit... ne pas avoir été
avisé (curieux, tous ces gens qu’on aurait "oubliés"...), et qui vendredi
26 juin 2009, s’est même fendu d’un communiqué prétendant que : "Cette
expulsion n’a pas été décidée par la Commission Administrative de la
Bourse dont fait partie Solidaires Paris." Ah !, bon ? Mais alors
pourquoi, le 5 février 2009, SUD, participant à la Séance plénière de la
dite Commission administrative a-t-il adopté, avec l’ensemble des
complices, un communiqué dénonçant "Cette occupation, [qui] empêche le
fonctionnement normal des syndicats parisiens : CGT, CFDT, FO, CFTC, CGC,
UNSA, Solidaires qui ne peuvent plus accéder aux salles de réunions et aux
services de ce bâtiment" et se concluant par la menace très claire : "Dans
ce contexte, l’outil Bourse du Travail doit redevenir disponible pour les
salariés afin qu’ils puissent se défendre, avec leurs syndicats, contre
tous les mauvais coups.". Et pour "redevenir" l’outil disponible des
syndicats, la Bourse n’avait besoin que d’un bon nettoyage au Karcher.
C’était écrit depuis le 5 février, date à laquelle l’opération militaire
contre les sans-papiers était manifestement en route. [2]

LES HYPOCRITES

Sud mal à l’aise s’en sort en mentant, d’autres en tentant un double jeu.
Ainsi, les "élus Verts de Paris" dénoncent une "violence injustifiable" et
le "Nouveau parti anticapitaliste" (le fameux NPA de Besançenot), "des
méthodes brutales". Mais, on ne peut pas dire qu’ils en tirent les
conclusions qui s’imposent : les Verts restent dans la majorité de la
mairie de Paris, laquelle n’a pas nié avoir prêté main forte aux
nervis,... Bref, c’est une protestation toute platonique, pour la façade.
Comme celle de Besançenot : ses militants sont pratiquement tous adhérents
à la CGT, à SUD, ou à une des autres organisations complices. On n’a pas
entendu qu’ils aient massivement déchiré leur carte... Les trotskistes
disent une chose (dénoncer des méthodes brutales) tout en... participant à
fond aux organisations qui commettent ce qu’ils viennent de dénoncer...

Ça s’appelle de la politique. C’est pas franchement ni anticapitaliste ni
nouveau... La remarque précédente vaut aussi pour certains libertaires :
ceux d’Alternative libertaire, de la F.A. ou autres groupes sont
généralement encartés dans un des syndicats mentionnés ci-dessus ? Ça ne
les gêne pas non plus ? Ils ne voient pas le lien ? Il faut qu’on leur
explique davantage ? Elle vaudra aussi pour les organisations qui
prétendent soutenir les sans-papiers et co-signeront des textes avec la
CGT. Maintenant, elles savent !

Enfin, l’hypocrisie finale revient à l’Etat, ce fameux Etat de Droit que
tous nous intiment de respecter. Figurez-vous que sur le plan du Droit
justement s’il y a une chose qui est bien interdite, c’est de se faire
justice soi-même, de faire sa police soi-même. L’opération Kommando de la
CGT et des syndicats était donc parfaitement illégale. Elle tombe sous le
coup d’une foultitude d’articles du Code pénal tous plus graves les uns
que les autres (allant du droit commun comme des coups et blessures sur
mineur de moins de 15 ans, à la violence en réunion et même à la
constitution de fait d’une bande armée...).

Or, tout ceci s’est passé sous les yeux de dizaines d’officiers de police
judiciaire qui n’ont rien vu, rien constaté. Aucun Procureur de la
République non plus ne s’est saisi de l’affaire pourtant devenue de
notoriété publique (ce qui leur permet de s’en saisir, sans même qu’une
plainte soit déposée) [3]. S’il fallait une illustration qu’il y a bien
une alliance objective entre la CGT, les autres syndicats et le pouvoir
sarkozyste, cette cécité juridico- policière en offre une magnifique
illustration.

M.

[1] Comparaison excessive ? Après tout, si la CGT et ses complices se
donnent le droit de se comparer à la "Libération" (avec une majuscule)
pour se vanter de ce qui n’est qu’une misérable réaction de propriétaire,
nous avons pour le moins tout autant le droit de dire que leurs méthodes
sont celles employées par les SA et les miliciens fascistes italiens dans
les années 30.

[2] Oui, le communiqué est écrit dans la langue de bois habituelle des
syndicats. Si, pour un profane cela peut ne pas sauter aux yeux, tout
militant avec un peu d’expérience (et à SUD, il y en a qui en ont une de
longue, dans les grandes centrales...) comprend tout de suite ce qui va se
passer.

[3] Les personnes incriminées après les événements de Strasbourg et de
nombreuses autres manifestations en ont fait beaucoup moins (aucune
violence sur des enfants en bas âge ou des femmes ne leur est reprochée)
et n’ont pas bénéficié d’une telle clémence.

Article paru dans Anarchosyndicalisme ! n° 113

On peut le télécharger ici :

http://www.cntaittoulouse.lautre.net/secteur.php3?id_rubrique=1〈=fr

On peut aussi demander à le recevoir gratuitement en écrivant à

CNT AIT,

7 rue St Rémésy

31000 TOULOUSE