On s'embrasse pas ? ***

Par Essel



Bernard, la quarantaine sonnée, la clope au bec et la bière facile, est pris d'une envie soudaine de rentrer au pays, charentais, revoir ses vieux et sa soeur qu'il a quittés voici quinze ans pour fuir ses 37 ans 1/2 de vie laborieuse à venir, un village étouffant et un amour déçu, pour courir le monde et vivre comme il l'entend, "drapé dans la certitude de l'inutilité de toute acquisition, de tout entassement, de toute construction, de toute procréation" (p. 93)...
Comme on le comprend cet homme désenchanté, même si parfois il peut nous être antipathique ! L'ironie est mordante, l'humour incisif, les phrases ramasées pour être plus corrosives, les portraits de ces anciens visages, qui n'ont guère évolué ou si peu, bien croqués. Pourtant, l'émotion sourd de ces rencontres manquées, du choc entre ces personnalités que rien ne prédispose à se comprendre, entre ces gens qui poursuivent leur vie tranquille et sans surprise et ce quadra cynique. Le passif est trop lourd pour pouvoir recommencer :
"Je ne parvins pas à dire maman. Trop simple et trop compliqué. Trop différent de ce que nous avions été l'un pour l'autre." (p. 38)
" - Vous ne m'avez jamais aimé."
Son regard heurta le mien, à l'instant même où m'apparaissait toute l'impudeur de ma réflexion. J'avais eu besoin de quinze ans d'éloignement pour prononcer cette phrase.
- Si, à notre manière, qui en valait bien une autre. Il n'y a jamais eu de grandes manifestations de tendresse dans la famille, si c'est ça que tu nous reproches. On ne peut pas donner ce qu'on n'a pas reçu." (p. 84-85)


Et puis, tout sonne tellement vrai, pour notre malheur. Cela remue en nous certains faux espoirs ou certaines désillusions.
Ce second roman de Michel Monnereau a bien peu fait parler de lui... à tort. Si vous aussi, vous jetez parfois un regard plus que critique sur la vie quotidienne, ne passez pas à côté de cette prose piquante à souhait !
MONNEREAU, Michel. - On s'embrasse pas ?. - La Table Ronde, 2007. - 204 p.. - ISBN : 978-2-7103-2913-8 : 16 €.
P.S. : J'ai eu le plaisir de rencontrer l'auteur pour une dédicace le samedi 15 mars 2008. J'en ai profité pour acheter Carnets de déroute que j'ajoute à ma PAL.