Est-il facile de faire revenir l’inflation ?

Publié le 22 juillet 2009 par Boursomax
Sibylle Dehesdin : Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans cette nouvelle édition d'ECO TV, le rendez-vous mensuel des économistes de BNP Paribas.
Au sommaire de ce numéro spécial été, tourné sur les toits de Paris nous retrouvons Philippe d'Arvisenet pour son édito qui porte sur l'inflation, ses risques et ses enjeux.
Où on est-on des finances publiques dans les pays de la zone euro? Les analyses et les prévisions de Frédérique Cerisier
Et enfin, le point avec Pascal Devaux sur la situation des pays du Golfe: comment résistent-ils à la crise et quelles sont leurs perspectives à moyen terme.
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Sibylle Dehesdin : Et tout d'abord nous accueillons le directeur des études économiques, Philippe d'Arvisenet.
Philippe bonjour
Philippe d'Arvisenet : Bonjour
Sibylle Dehesdin : Vous expliquiez la dernière fois qu'il n'y a pas de risque d'inflation vu la poussée du chômage et la sous - utilisation des capacités de production qui vont perdurer même après la reprise. Vous expliquiez aussi que les injections monétaires des banques centrales n'étaient pas elles non plus risquées car elles n'entraînaient pas de dérive des masses monétaires. Cela n'empêche pas certains de penser que finalement il faudra de l'inflation pour stabiliser ou dégonfler d'endettement public. Qu'en pensez-vous ?
Philippe d'Arvisenet : Il faut bien entendu que les banques centrales reprennent la liquidité excessive lorsque le moment sera venu. C'est de cela dont on parle lorsqu'on évoque « l'exit stratégie ». Cela étant, peut-on imaginer l'inflation comme moyen, comme le souhaitent certains, de réduire l'endettement public ? En tout cas la valeur réelle de l'endettement public… Je ne crois pas. Il y a plusieurs raisons pour cela.
Premièrement les banques centrales sont indépendantes, que deviendrait leur indépendance, avec pour objectif la stabilité des prix, si elles se mettaient à fabriquer de l'inflation ? Deuxièmement, ces banques sont transparentes. Imagine-t-on les banques centrales afficher dans leurs publications régulières, trimestrielles pour la plupart, des prévisions d'inflations dérapant à horizon d'un an, deux ans, trois ans…Ca n'est pas crédible.
D'autre part, si jamais on a des craintes d'inflation, cela se fait payer. Si jamais celui qui achète une obligation imagine que la valeur de son obligation va baisser avec l'inflation, il va exiger un rendement supérieur : donc ce que l'on peut gagner au niveau du taux d'endettement avec l'inflation, on va le reperdre et au-delà avec les intérêts supplémentaires qu'il faudra payer. J'ajouterai, pour terminer, que ceux qui achètent les obligations d'Etat sont massivement des investisseurs institutionnels, fond de pension, compagnies d'assurance vie, etc. Ces agents économiques sont très sensibles à la moindre crainte d'inflation et donc ne vont pas accepter cela. De même, la moitié environ du stock des titres publics, que ce soit aux Etats Unis en France ou ailleurs est détenu par les non-résidents. Vont-ils continuer à acheter des titres si les craintes d'inflation sont là ? Donc il y a beaucoup d'éléments si qui permettent de repousser cette idée d'utiliser l'inflation pour régler le problème de la dette publique.
Sibylle Dehesdin : Mais avec la normalisation conjoncturelle il faudra quand même bien s'occuper de la situation des finances publiques, alors comment ?
Philippe d'Arvisenet : Tout à fait, il faut s'occuper d'assainir les finances publiques. L'inflation, on a vu que ce n'était pas crédible. C'est très bien quand il y a de la croissance parce que le ratio de dette baisse automatiquement. Le problème c'est que nous nous acheminons vers une période où la croissance sera faible, à la fois parce qu'on ne peut pas recourir à l'endettement et d'autre part parce que la croissance potentielle va diminuer avec le vieillissement de la population. Donc il ne va pas y avoir de miracle, il va falloir réfléchir aux économies budgétaires et même pourquoi pas à des fiscales.
Sibylle Dehesdin : Merci Philippe.
Je rappelle qu'on peut retrouver vos éditos tous les mois sur le site des études économiques de BNP Paribas.
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Sibylle Dehesdin : Les finances publiques on y revient avec Frédérique Cerisier, Frédérique bonjour.
Frédérique Cerisier : Bonjour Sibylle.
Sibylle Dehesdin : D'après les prévisions de BNP Paribas, le déficit budgétaire moyen dans la zone euro pourrait s'établir autour de 6%, et continuer de s'accroître en 2010… Pouvez-vous nous en dire plus?
Frédérique Cerisier : Les soldes budgétaires se dégradent très rapidement, non seulement suite aux mesures de relance mises en place par de nombreux gouvernement mais aussi, simplement, à cause de la récession qui fait s'effondrer les recettes fiscales et sociales.
Cela va se traduire par une nouvelle augmentation des ratios de dette brute, qui devraient dépasser 80% du PIB en moyenne dans la zone dès l'an prochain.
Sibylle Dehesdin : Pour revenir aux plans de relance, certaines mesures ont eu des effets rapides et visibles, comme par exemple les primes à la casse qui soutiennent la demande automobile en France ainsi que dans plusieurs autres pays...
Frédérique Cerisier : Il y a bien d'autres mesures importantes comme le soutien apporté aux secteurs financiers, aux trésoreries, les aides sectorielles, ou le renforcement du chômage partiel. Elles ont des effets plus difficilement mesurables mais pas forcément moins importants. Enfin, les programmes d'investissements publics produiront leurs effets dans les prochains mois.
Sibylle Dehesdin : Toutes ces dépenses supplémentaires permettront-elles de faire face à la crise?
Frédérique Cerisier : Dans l'ensemble, et même si on est entrain de connaître une récession majeure, on peut aujourd'hui d'espérer une certaine stabilisation de l'activité d'ici à la fin de l'année, et il n'y a guère de doute que cela aurait été pire sans l'intervention des Etats.
Sibylle Dehesdin : La dégradation des finances publiques sera-t-elle durable ?
Frédérique Cerisier : Oui, car la croissance devrait rester durablement faible dans la zone euro à l'issue de la récession. Dès lors, il y peu de possibilités d'un redressement spontané des finances publiques, car les bases sur lesquelles sont assis les principaux prélèvements fiscaux et sociaux (le niveaux des profits, de la masse salariale, de la consommation) seront resteront faibles.
Cela dit, si rien n'était fait, les taux d'endettement poursuivraient alors une trajectoire incontrôlée dans beaucoup d'Etats. Il sera donc à terme absolument nécessaire d'améliorer de façon importante la situation budgétaire.
Sibylle Dehesdin : A ce propos, on a vu que l'Allemagne vient d'inscrire dans sa constitution que le déficit structurel de l'Etat fédéral devra être inférieur à 0,3% du PIB à compter de 2016, ce qui est en quelque sorte une manière de se lier les mains. Y a-t-il d'ores et déjà un agenda partout dans la zone euro?
Frédérique Cerisier : Non, il n'y a pas encore d'agenda précis dans la plupart des pays. Pourtant, choisir ce moment sera sans doute très difficile. Trop précoce, le redressement des finances publiques pourrait certainement étouffer la reprise. Mais en même temps, on a vu à quel point il est important que dès aujourd'hui les marchés financiers les autres agents économiques n'aient pas trop de doutes sur la capacité d'un pays à opérer cet assainissement.
Sibylle Dehesdin : Merci Frédérique
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Sibylle Dehesdin : Bonjour Pascal,
Pascal Devaux : Bonjour Sybille.
Sibylle Dehesdin : Quelle est la situation dans les pays du Golfe, ont-ils beaucoup souffert de la crise?
Pascal Devaux : Les pays du Golfe ont été moins touchés par la crise économique que les autres pays émergents. Pour deux raisons : accumulation de beaucoup de pétrodollars depuis 2004 (environ 200 milliards de dollars par an), et les économies du Golfe sont peu intégrées aux circuits financiers internationaux. Les banques locales ont été peu impactées par la crise financière. Le principal impact de la crise est un fort ralentissement des projets d'investissements, certains projets on été retardés comme des infrastructures et d'autres sont annulés notamment dans l'immobilier.
Sibylle Dehesdin : La chute des cours du pétrole n'a-t-elle pas affecté ces économies?
Pascal Devaux : C'est un élément évident étant donné la forte dépendance de ces pays au revenu du pétrole pour leur budget et pour les comptes externes étant donnés qu'ils avaient accumulées beaucoup de richesses liés à ces revenus pétroliers dans les années précédentes, ça ne devrait avoir un impact que de court terme. Et à priori les perspectives du marché du pétrole restent assez porteuses à moyen terme donc ce qui permet d'avoir un effet relativement lissé dans le temps.
Sibylle Dehesdin : Tous les pays de la région sont-ils frappés de la même manière?
Pascal Devaux : Le cas le plus évident est celui des Emirats Arabes Unis pour qui c'est un peu un retour à la réalité économique. Le développement des Emirats Arabes Unis a été spéculatif et basé sur le crédit. Ce modèle n'a pas résisté à l'assèchement du crédit international et à l'éclatement de la bulle immobilière. Pour 2009, la récession économique pourrait atteindre les 4%, ce qui est assez important.
Sibylle Dehesdin : Et qu'en est-il de l'Arabie Saoudite?
Pascal Devaux : Pour l'Arabie Saoudite on devrait avoir un petit moins un de récession mais qui est essentiellement due à une baisse de la production pétrolière du à une réduction des quotas de productions liés à l'OPEC.
Sibylle Dehesdin : Et quelles sont les perspectives à moyen terme?
Pascal Devaux : Les perspectives à moyens termes restent tout à fait positives. Même si le risque des crédits dans les pays du Golfe va augmenter comme dans l'ensemble des pays émergents les fondamentaux économiques restent tout à fait solide et on peut dire que la crise a effectuer un tri salutaire parmi les projets d'investissements. Cependant il reste deux défis importants à moyen terme pour les pays du Golfe, un premier défi est celui de la diversification économique en dehors de l'activité pétrolière qui est un objectif qui est quand même très loin d'être atteint pour l'ensemble des pays. Et un second objectif qui est peut être un peu plus diffus qui est du à un environnement régional politique qui reste assez incertain et donc ce qui est un élément de risque assez important pour les pays du Golfe autant à court qu'à moyen terme.
Sibylle Dehesdin : Merci Pascal et merci à tous pour votre attention, nous arrivons à la fin de cette émission,
ECO TV s'arrête pour l'été mais votre rendez-vous mensuel avec les économistes de BNP Paribas reprend dès le mois de septembre. D'ici là, toute l'équipe d'ECO TV vous souhaite un bon été et de bonnes vacances.

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