Alzabane Editions : Interview de Jean-Sébastien Blanck

Par Fred Ricou

Suite à la note du 10/07, les éditions Alzabane qui ont vu le jour au mois de juin continues leur bout de chemin avec une nouvel album dés le mois de novembre, L'Oiseau des steppes et une foultitude de projets en 2008.
Les Histoires Sans Fin a voulu en savoir un peu plus en rencontrant le directeur et le premier écrivain de cette nouvelle maison qui veut mettre dans les mains des 8-10 ans de jolis albums magnifiquement illustrés et remplis de beaux textes...
Interview avec Jean-Sébastien Blanck.


Les Histoires Sans Fin : Bonjour Jean-Sébastien, Alzabane Editions a été officiellement lancé en juin 2007, c’est-à-dire très peu de temps… Comment cette maison s’est-elle montée ?
Jean-Sébastien Blanck : Elle s’est montée très facilement parce que c’est un projet qui datait d’une vingtaine d’années. Dès l’âge de 17 ans, j’ai commencé à publier des choses dans un magazine étudiant : des nouvelles, un feuilleton… Je me suis aperçu que j’avais non seulement envie de les raconter mais aussi de les mettre en scène. C’était déjà un peu une démarche d’éditeur, concevoir un texte avec des images, concevoir un texte dans un livre... j’avais donc ce projet de maison d’édition où je pourrais à la fois publier certaines de mes histoires et celles d’autres personnes. Je l’ai mûrement réfléchi pendant vingt ans, j’ai cherché des gens qui avaient l’expertise du livre et de l’édition. Grâce à mon expérience en agence d’édition, j’ai pu rencontrer ces personnes et je me suis dit : « Lançons-nous ! »
L.H.S.F : Tu es aussi écrivain, tu as écrit les trois premiers albums. Pourquoi n’as-tu pas commencé à chercher à te faire publier par d’autres ?
J.S.B : Voyant le temps passer, j’ai commencé à prospecter une maison d’édition au Québec qui me plaisait beaucoup, dont je connaissais les livres et qui était assez proche de mon univers. Les choses ont failli se faire, moi j’avais quelques exigences d’éditeur, j’étais peut-être un peu envahissant pour eux… et de toute façon, alors que l’on devait entrer dans la phase de fabrication des livres, la maison a fait faillite. J’ai donc décidé, à nouveau, de me lancer moi-même.
L.H.S.F : Et par rapport à l’édition française, tu as contacté quelqu’un ?
J.S.B : Je n’ai contacté absolument personne. Je savais les livres que je voulais faire, le format, le façonnage, un peu le graphisme que je voulais. Je ne pouvais pas le proposer à des éditeurs, ils m’auraient répondu : « Voilà, nous avons ces collections-là, vous entrez dedans… ou pas ! »
L.H.S.F : Ça vient d’où le nom d’Alzabane ?
J.S.B : Alors Alzabane, c’est un mot complètement inventé. Je ne sais plus comment il m’est venu, c’est un peu la magie des mots… on ne sait pas bien comment ça vient. J’aime bien inventer des noms et des prénoms, il y en a beaucoup dans mes histoires. Là, il me rappelle un peu les Mille et une nuits…
L.H.S.F : Quand on arrive sur le marché des albums, et certainement après de la littérature jeunesse, comment « lutte »-t-on face aux géants ?
J.S.B : On ne lutte pas, on fait autre chose. Nous, ce ne sont pas des albums, ce serait plutôt des textes mis en images. Par rapport à ce que font beaucoup de « gros » éditeurs, nous faisons un produit qui se trouve très peu, qui est le texte qui demande une certaine maturité littéraire chez l’enfant. On est parti du principe qu’il fallait proposer aux enfants des textes plus travaillés qui leur permettent de progresser dans les mots, dans la littérature, mais avec des images. Nous voulons faire rêver à la fois par le texte et par l’image.
L.H.S.F : Comment fait-on pour convaincre un enfant de 8 ans de se « remettre » dans des albums, alors que la plupart les ont quittés depuis un an ou deux ?
J.S.B : C’est une vraie question que se posent certains libraires. 80% nous suivent, les autres 20% ne nous suivent pas du tout. Ceux-là pensent que les enfants après 8 ans ne veulent plus d’images, qu’ils veulent du texte et qu’il faut leur proposer du texte sans images. Moi, je ne suis pas du tout d’accord avec ça, un enfant peut avoir envie de lire du très beau texte avec de très belles images. Les adultes lisent bien de la bande dessinée… ça prouve, en partie, que notre univers de pré-adulte et d’adulte est fait aussi d’images.
L.H.S.F : Quelle est la « touche » en plus des éditions Alzabane ?
J.S.B : C’est plus un positionnement qu’une touche, actuellement. C’est s’adresser à des enfants qui n’auraient plus que des « pavés » de 200 pages. On leur propose du livre, mais avec cet univers d’images. Les images d’Alzabane, l’oiseau de la lune c’est quasiment des images de BD adultes…
Le grand parti pris de nos contes, c’est de raconter le monde tel qu’en lui-même. On s’adresse à des lecteurs qui n’ont plus envie qu’on leur raconte « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. » On a plutôt envie de leur raconter des histoires où les choses peuvent se terminer un peu bizarrement pour le héros, où il n’y a pas de super héros, on essaie de raconter le monde en couleur, en nuances tel qu’il est. On ne veut plus proposer des fins qui sont des fins pour la petite enfance.
L.H.S.F : Je ne sais pas à quoi cela est dû, mais quand on lit ces trois petits albums, il y a comme un côté étrange, inhabituel.
J.S.B : Est-ce que je me fais des idées ou peux-tu m’expliquer la raison ?
Absolument, il y a un côté voulu très étrange dans le texte et également dans le style. On essaie de proposer un texte qui emmène les enfants dans un monde déjà adulte, alors forcément ça fait un mélange entre l’univers « enfant » et la tonalité qui est plutôt « adulte ». Ça fait une sensation assez perturbante pour nous adulte, et on l’espère surprenant pour les enfants.
L.H.S.F : En 2008, tu devrais travailler avec d’autres auteurs que toi-même. Qui sont-ils ?
J.S.B : Je ne peux pas trop en parler pour le moment parce qu’ils sont en cours de sélection par le comité de lecture. Il y a déjà une présélection avec des choses qui fonctionnent bien, d’autres moins. Le plus dur pour nous est de coller au plus près de la ligne que l’on s’est fixée. Souvent des auteurs nous proposent de très belles histoires, mais avec une tonalité qui reste très enfantine, a contrario nous avons des auteurs qui sont déjà dans un style plus mature mais qui sont souvent en manque d’histoires qui fassent vraiment rêver. C’est souvent assez mélancolique, assez sinistre, déjà adolescent. Sinon nous avons des auteurs très intéressants qui nous proposent des textes assez philosophiques. J’en profite pour faire appel vraiment à tous ceux qui ont des écrits de nous faire leur proposition. Des textes assez courts avec beaucoup d’humour et qui fassent rêver de préférence.
L.H.S.F : Quels sont les projets dans un futur proche et dans un plus lointain ?
J.S.B : En novembre, je « sévis » à nouveau avec L’Oiseau des steppes. En 2008, nous avons un projet fondamental, c’est de pérenniser la collection, qu’elle soit distribuée dans toute la France. Pour le moment elle l’est essentiellement à Paris et en Ile-de-France. Nous la voulons aussi en Belgique, au Canada et même en Argentine. Et nous prévoyons des traductions en espagnol.
Le deuxième projet serait de les mettre en sons avec des conteurs et des conteuses pour les plus petits.
Fin 2008-début 2009, nous allons essayer de nous « attaquer » aux adolescents en gardant le principe de l’illustration. On sera certainement plus proche de l’esprit bande dessinée.
Site : http://www.alzabane-editions.com/index.php
Jean-Sébastien Blanck sera ce mercredi 3 octobre à 17 h 30 à la Librairie des Gâtines, (9 rue des Gâtines, 75020) pour une présentation officielle de la collection "Histoires d'en rêver"
Une autre séance de dédicaces aura lieu le samedi 20 octobre à 14 heures à la Librairie du Dragon savant, rue la Villette (75020)