L'élégance du hérisson

Publié le 29 juillet 2009 par Lael69
Muriel Barbery
Editions Gallimard
Prix des libraires 2007
359 pages

Quatrième de couverture: “Je m’appelle Renée, j’ai cinquante-quatre ans et je suis la concierge du 7 rue de Grenelle, un immeuble bougeois. Je suis veuve, petite, laide, grassouillette, j’ai des oignons aux pieds et, à en croire certains matins auto-incommodants, une haleine de mammouth. Mais surtout, je suis si conforme à l’idée que l’on se fait des concierges qu’il ne viendrait à l’idée de personne que je suis plus lettrée que tous ces riches suffisants.
Je m’appelle Paloma, j’ai douze ans, j’habite au 7 rue de Grenelle dans un appartement de riches. Mais depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c’est le bocal à poissons, la vacuité et l’ineptie de l’existence adulte. Comment est-ce que je le sais ? Il se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement intelligente, même. C’est pour ça que j’ai pris ma décision : à la fin de cette année scolaire, le jour de mes treize ans, je me suiciderai.”

A propos de l'auteur: Muriel Barbery est née en 1969. L’élégance du hérisson est son deuxième roman. Le précédent, Une gourmandise, est traduit en douze langues.

Sortie en Poche en Juin 2009 Editions Gallimard Collection Folio

Le hérisson

Film français sorti en Juillet 2009, réalisé par Mona Achache avec Josiane Balasko, Togo Igawa et Garance Le Guillermic.


L'élégance du hérisson est une métaphore poétique qui illustre le personnage authentique et intense de Renée, 54 ans, concierge dans un immeuble bourgeois de Paris. Renée a toujours été pauvre, son allure négligée n'est cependant qu'une apparence tranchante avec son esprit. Renée aime lire, son chat Léon est un hommage entier à l'auteur Léon Tolstoï. Pauvre à l'extérieur, mais riche de sa connaissance des romans, de son amour pour la littérature, Renée est la copie conforme de la parfaite gardienne d'immeuble: revêche, sans sourire... Un hérisson dont les épines sont autant de ruses qui n'ont de cesse de vous tenir à distance; mais qui possède une grande élégance: le raffinement de l'esprit, une intelligence née de la lecture, un goût prononcé pour la cérémonie du thé. Renée ne veut pas changer. Maligne, elle allume la télé et fait semblant d'être ignorante face aux demeurants du 7 rue de Grenelle. Elle passe inaperçue et ma foi cela ne la dérange pas. Renée ne veut pas être ennuyée, mais elle cache son secret avec un grand soin non dénué d'un certain amusement. Renée et Paloma vivent dans le même immeuble et se croisent sans toutefois en savoir plus l'une sur l'autre. Mais le projet de Paloma, 12 ans l'amène à étudier Renée. Armée de son journal, Paloma ne veut pas finir comme le poisson dans le bocal autrement dit pas comme sa mère. Cette dernière, noyée sous les anti-dépresseurs, prend ses plantes pour des personnes et en oublie d'élever sa fille et de lui donner l'amour qu'elle mérite. Paloma est une enfant brillante, sensible aux choses qui l'entoure, qui comprend les subtilités du monde adulte. Du haut de ses 12 ans, Paloma est cynique, mature et lucide. Pour son prochain anniversaire, elle a décidé de se suicider.

L'élégance du hérisson est traversé par ces deux personnages à la psychologie passionnante. Renée qui se complaît dans un cliché social: comme si les concierges n'avaient pas le privilège de lire, d'avoir accès à la philosophie. Elle joue avec l'image qu'on a d'elle, notamment les habitants de l'immeuble qui à bien des égards lui manque de respect. Entre ménage et relevé de courriers, Renée n'a pas une vie trépidante sauf dans les romans qu'elle lit et qu'elle savoure comme étant le seul plaisir de sa vie, du moins le seul moment où elle peut être autre chose qu'une simple concierge. Mais Dieu! quelle solitude elle éprouve. Bien plus profondément, Renée entretient cette perception d'elle afin de ne pas choquer les gens. Alors que Renée cache, Paloma expose. Là est la sincère différence qui les oppose. A travers son regard pertinent, Paloma met en avant la bêtise des adultes, leurs erreurs et nous régale de portraits peu flatteurs sur sa famille. Paloma veut la vérité. Dans L'élégance du hérisson, il y a cette touche d'humour et de jeu des apparences, cette critique sociale et un regard humain; une apparence si bien gardée, si bien mise au jour. On aura beau dire, c'est en s'efforçant de garder nos secrets que nous révélons notre être.

Il y a longtemps que j'ai lu ce roman et pourtant tous mes souvenirs et toutes mes émotions me reviennent. Le film est fidèle au livre et va à l'essentiel. Malgré quelques passages difficiles sur la phénoménologie et la philosophie de Hegel, L'élégance du hérisson se lit bien car c'est un roman sur notre société, c'est authentique et pathétique à la fois. Ca nous parle de deux personnes: une femme d'âge mûr et une petite fille, l'une respecte l'image que l'on a d'elle en suivant les codes sociaux, l'autre refuse cette conformité. Bizarremment, Renée comme Paloma suivent deux extrêmes: jouer au paraître avec les gens ou bien mourrir pour ne pas être obligé de se mentir. Et le moment le plus romantique à mon sens, et d'une grande sensualité est justement le moment où Monsieur Ozu tombe le masque et découvre qu'en Renée se cache un grand esprit et une intelligence de coeur.

Comme toujours lorsqu'on parle d'un livre qu'on a aimé, les mots sont vains, les mots paraissent dérisoires et tellement minces face à l'impact qu'il a produit sur son lecteur. J'ai vu plein de choses dans ce roman, y ai découvert de magnifiques phrases, des métaphores si justes et une magnifique leçon de vie. J'ai aimé Paloma et j'ai pleuré avec elle. Car oui L'élégance du hérisson c'est tout ceci: les épines d'un corps meurtri abritant une âme belle et érudite; sachant reconnaître les valeurs du coeur.


5/5 champignons