Les conventions dans les SARL

Publié le 27 juillet 2009 par Jackd

Un récent arrêt de la Cour de cassation (Cour de cassation, chambre commerciale, pourvoi n° 08-16790, 7 juillet 2009) me donne l’opportunité de traiter, notamment, des conventions réglementées dans les sociétés à responsabilité limitée.

Je rappelle que ces conventions réglementées sont abordées par l’article L. 223-19 du Code de commerce français. Mais elles ne sont qu’un élément dans le cadre général des conventions dans les SARL régies par ce Code. En effet, outre les conventions réglementées, se trouvent les conventions courantes (article L. 223-20) et les conventions interdites (article L. 223-21).

Conventions interdites

Le titre est explicite, la loi interdit expressément la conclusion de ces conventions. Ainsi :

♦ gérants et associés personnes physiques,

♦ représentants légaux des personnes morales associées,

♦ conjoints, ascendants et descendants des personnes mentionnées ci-dessus,

♦ personnes interposées,

NE PEUVENT PAS

contracter d’emprunt auprès de la SARL,

se faire consentir par elle des découverts, sous forme de compte courant ou autre,

se faire garantir leurs engagements envers les tiers par la société.

Si de telles conventions sont passées malgré l’interdiction, elles sont frappées de nullité absolue et cette nullité peut être invoquée par toute personne ayant un intérêt à agir (associé, tiers, créancier…).

Conventions réglementées

Le régime des conventions réglementées s’applique :

♦ à toute convention intervenue directement ou par personne interposée entre la SARL et l’un de ses gérants ou associés,

♦ à toute convention passée entre la SARL et une société dont un associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, gérant, directeur général, membre du directoire ou du conseil de surveillance est simultanément gérant ou associé de la SARL.

Lorsque qu’une convention rentre dans le champ de l’une de ces catégories, alors s’enclenchent des procédures qu’il convient de respecter scrupuleusement.

Une procédure dite de «contrôle préalable» seulement applicable lorsque la convention est conclue par un gérant non associé et que la société à responsabilité limitée n’a pas de commissaire aux comptes, la présence de ce dernier n’est pas fréquente dans ce type de structure,

Une procédure dite de «contrôle à postériori», d’application générale puisque toutes les conventions réglementées doivent être approuvées ultérieurement par les associés sur présentation d’un rapport spécial rédigé soit par le commissaire aux comptes s’il en existe un, soit par le gérant.

Dans la pratique, les associés statuent sur ce rapport lors de l’assemblée générale ordinaire annuelle d’approbation des comptes.

Quelque soit la procédure, le gérant ou l’associé concerné ne peut pas prendre part au vote et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.

Par ailleurs s’il devait se trouver des conventions conclues mais non approuvées, celles-ci produisent leurs effets à charge pour l’associé ou le gérant contractant de supporter les conséquences préjudiciables du contrat pour la société.

Conventions courantes

Ce sont des conventions qui présentent le caractère de conventions réglementées mais qui n’en sont pas car elles sont légalement considérées comme des «conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales». Tout ceci est très subjectif, cependant par application des solutions dégagées à propos des sociétés anonymes :

- Les opérations courantes doivent être comprises comme celles qui sont effectuées à titre habituel dans l’intérêt de l’entreprise et nécessaires à la réalisation de son activité,

- Les conditions normales c’est à dire de celles qui ne comportent pas un gain exorbitant ou des conditions exceptionnelles (clause d’exclusivité, délais excessivement longs, remises anormalement avantageuses…), la convention doit être aux mêmes conditions que celles pratiquées par la société dans ses rapports avec les tiers.

Sur cette question de la qualification d’opération courante et normale, ne jamais perdre de vue que la procédure des conventions réglementées est le droit commun et les conventions courantes des exceptions qu’il convient d’interpréter restrictivement.

Ce rappel étant fait, pour en revenir à l’arrêt du 7 juillet, nous sommes en présence d’une convention entre une société à responsabilité limitée dénommée «Eurydice» avec deux associées principales mesdames X et Z qui exploitent un fonds de commerce, peu florissant, de salon de coiffure et une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée appelée… «Eurydice» – je salue au passage l’imagination débordante qui a présidé au choix de la dénomination sociale – coquille vide nouvellement constituée avec pour gérante et seule associée madame X.

Par acte sous seing privé en date du 25 octobre 2005, la SARL «EURYDICE» céda son fonds de commerce à l’EURL «EURYDICE». Juridiquement, cette convention est indiscutablement une convention réglementée soumise à la procédure de contrôle à postériori.

Dans la réalité des faits, antérieurement à l’acte de cession de fonds de commerce que je viens de mentionner, s’est tenu une assemblée générale extraordinaire des associés de la SARL «EURYDICE», le 13 octobre 2005, avec pour objet l’autorisation de cette cession à l’EURL «EURYDICE». Cette assemblée autorisa la transaction, madame X participant au vote de la résolution.

Puis madame Z, coassociée de madame X dans la SARL «EURYDICE» saisit la justice aux fins de faire annuler la délibération adoptée lors de l’assemblée générale extraordinaire du 13 octobre 2005.

La Cour d’appel de Rennes rejette sa demande en annulation. Madame Z se pourvoit alors en cassation sur la base d’une violation de l’article L. 223-19 du Code de commerce par la Cour d’appel qui ne voit rien à redire que madame X ait pu prendre part au vote de la résolution malgré ses positions dans les sociétés en cause pour la raison que l’acte de cession était postérieur au vote.

La Cour de cassation rejette le pourvoi de madame Z et, après avoir pris note que le vote de la résolution litigieuse était intervenu antérieurement à la conclusion de la convention, affirme qu’en l’espèce l’article L. 223-19 alinéa 1 du Code de commerce n’était pas applicable car il ne prévoit qu’un contrôle à postériori des conventions passées entre une SARL et l’un de ses gérants ou associés.

Madame X était, ainsi, parfaitement en droit de participer au vote relatif à la convention de cession de fonds de commerce.