Campagne de vaccination Gardasil Une controverse qui pique

Publié le 02 août 2009 par Raymond Viger

Depuis septembre 2008, les jeunes Québécoises sont vaccinées en 4e année et en 3e secondaire contre le cancer du col de l’utérus. Or, plusieurs, dont des professionnels de la santé, remettent en cause le bien-fondé d’une campagne de vaccination qui a le soutien financier des gouvernements québécois et canadien.

Annabelle Morin avait 14 ans, vivait à Laval et était en parfaite santé. Le 24 octobre 2008, elle est sortie de sa chambre complètement perdue, incapable de parler ni de se souvenir de son nom ou de sa date de naissance. Ses parents s’inquiètent: «Ma première réaction a été de lui demander si elle avait pris des médicaments. On aurait dit une overdose. Ma fille ne prenait pas de drogues, mais, à 14 ans, on ne sait jamais», raconte Linda Morin, la mère d’Annabelle.

À l’hôpital, elle passe des tests et reste une nuit en observation. Les médecins concluent à une migraine basilaire (induisant des problèmes de coordination des mouvements). Ses parents doutent du diagnostic. La mère d’Annabelle insiste alors pour faire passer un scanner à sa fille, sans résultat concluant. Six semaines après, Annabelle rentre chez elle et va prendre son bain. Linda  Morin retrouve le corps sans vie de sa fille dans la baignoire trente minutes plus tard.

La première autopsie montre qu’elle ne s’est pas noyée, mais n’identifie pas la cause du décès. Les parents attendent encore la seconde autopsie. «Il ne s’est rien passé entre les deux incidents, explique sa mère. Quand je l’ai vue dans la baignoire, ça a été un choc.» Linda Morin a ensuite pris connaissance du retrait d’un lot de Gardasil en Espagne, en février dernier, suite au malaise de deux jeunes filles ayant reçu le vaccin contre le papillomavirus humain. Elle s’est renseignée et a appris qu’Annabelle avait été vaccinée à l’école. À partir de 14 ans, les élèves sont en effet libres d’accepter ou non un traitement médical, incluant la vaccination.

Les premiers troubles et la mort sont survenus à chaque fois deux semaines après l’administration d’une dose de vaccin. Janelle Marquis, l’infirmière qui a suivi la famille pendant plusieurs années, croit que le lien est plausible. Une réaction allergique suite à l’administration d’un vaccin peut prendre deux semaines avant d’atteindre son pic. «Je ne peux pas totalement exclure le vaccin comme cause du décès, mais je ne suis sûre de rien», dit pour sa part Linda Morin.

La famille d’Annabelle tente maintenant de prévenir les autres jeunes filles des dangers potentiels de la vaccination. Selon Mme Morin, celles qui auraient voulu refuser le vaccin ont été convaincues par les médecins et les infirmières scolaires de la nécessité de l’accepter.

Un virus qui fait peu de victimes

Le papillomavirus humain (PVH) est une maladie transmissible sexuellement (MTS) qui peut provoquer un cancer du col de l’utérus. Abby Lippman, chercheure au département d’épidémiologie de l’Université McGill, explique que le PVH est l’une des MTS qui s’attrapent le plus facilement: à peu près toutes les femmes ont été infectées au moins une fois. La probabilité d’être touchée par les souches de la maladie qui provoquent des cancers est cependant de moins de 3 %. De plus, cette infection est l’une de celles dont on guérit le plus facilement. «Dans 90 % des cas, même pour les formes les plus dangereuses, le système immunitaire élimine spontanément la maladie», explique Abby Lippman.

Le gynéco-oncologue Philippe Sauthier explique que le nombre de cancers du col de l’utérus est stable dans les pays développés, voire en baisse, grâce au frottis (test Pap), un examen gynécologique généralement pratiqué. Toutefois, une situation de pauvreté et un système immunitaire affaibli augmentent considérablement les risques que l’infection aboutisse à un cancer. «Le problème en est un de conditions socioéconomiques, explique-t-il. C’est le deuxième tueur dans le tiers-monde. Si l’on cessait tout ce qui existe maintenant, du vaccin au dépistage, il reviendrait au premier plan.» D’où l’intérêt du vaccin, car c’est le moyen de prévention susceptible de toucher le plus grand nombre de femmes.

Le Réseau québécois d’action pour la santé des femmes estime au contraire que le vaccin peut s’avérer nuisible car celles qui le reçoivent peuvent avoir un faux sentiment de sécurité. Les jeunes filles qui ont reçu une dose de Gardasil penseraient alors pouvoir cesser de se protéger lors de relations sexuelles. Or, le vaccin ne protège que contre 70 % des formes du virus pouvant causer un cancer et n’est d’aucune utilité contre d’autres MTS ou une grossesse non désirée.

Effets secondaires controversés

Par ailleurs, les effets secondaires du vaccin soulèvent des questions: un rapport du National Vaccine Information Center américain estime que plus de 5 000 vaccinées ont dû consulter en urgence à cause de troubles cardiaques, convulsions ou vertiges. À ce jour, 29 décès de jeunes filles dans le monde pourraient être reliés au Gardasil.

Jointe par Reflet de Société, Merck Frosst, la firme qui commercialise le vaccin, s’en tient à la décision de Santé Canada, en juillet 2006, d’autoriser le Gardasil et refuse de faire davantage de commentaires. «Que le vaccin entraîne des discussions et des controverses, c’est normal. Ça a été le cas pour tous les vaccins. Mais il n’y a pas d’effets secondaires graves», affirme Philippe Sauthier, qui est membre de l’Association des gynécologues du Québec, une organisation dont le «partenaire officiel» est la firme Merck Frosst. Le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec appuie cette affirmation et rappelle que la décision de mener une campagne de vaccination n’a pas été prise à la légère mais dans un but de prévention.

Abby Lippman souligne la nécessité d’une «collecte de données fiables pour évaluer les risques liés au Gardasil». Elle estime que pour réduire la transmission du VPH, il faut considérer d’autres solutions que le vaccin et travailler sur la prévention et l’éducation sexuelle. «Le vaccin peut jouer un rôle, mais il ne peut pas être le seul acteur.»

Encadré

Silence, on vaccine

Devant la caméra de Lina B. Moreco, réalisatrice du documentaire Silence, on vaccine (2008), plusieurs médecins  l’interrogent sur les impacts négatifs potentiels des 48 doses de vaccins que reçoivent, avant l’âge de six ans, les enfants nord-américains. Des éléments chimiques comme le thimérosal et l’aluminium auraient des effets néfastes très importants sur la santé. Serge Rivest, chercheur au CHU de Québec, explique que la réponse à un vaccin est différente selon les personnes. Il faudrait donc prendre systématiquement en compte l’historique médical des vaccinés.

Lina B. Moreco ne rejette pas les aspects positifs de la vaccination mais met en garde contre la fermeture du milieu médical à reconnaître leurs dangers. Une situation accentuée par l’influence des firmes pharmaceutiques. Le député américain Dan Burton, qui a enquêté sur les vaccins, affirme que «c’est probablement le groupe de pression le plus puissant à Washington.»

Compagnies omniprésentes

La multinationale Merck Frosst, qui commercialise le Gardasil, dirige toute la chaîne d’informations, de la rémunération des experts à la tenue des colloques, selon Lina B. Moreco, et empêche les chercheurs indépendants de mener des recherches.

Ken Boessenkool, lobbyiste de Merck Frosst, est l’ancien conseiller à la santé du premier ministre canadien Stephen  Harper, dont le gouvernement a débloqué 300 millions de dollars pour la campagne de Gardasil. 70 millions$ ont été alloués au Québec. Pour Lina B. Moreco, les pharmaceutiques ont fabriqué une peur sociale de mourir si l’on n’a pas été vacciné, en plus de renvoyer une image d’irresponsable à ceux qui refusent un vaccin.

Reflet de Société, Vol. 17, No. 4, Juin/Juillet 2009, p. 22-23