S. Thomas d'Aquin, Commentaire sur Jean 6 (2)

Publié le 03 août 2009 par Walterman
JÉSUS DONC, A YANT CONNU QU’ILS DEVAlENT VENIR POUR L'ENLEVER ET LE FAIRE ROI, S'ENFUIT DE NOUVEAU DANS LA MONTAGNE, TOUT SEUL.
On rapporte ici le deuxième effet du signe sur les foules, lorsqu’elles entreprennent de manifester au Christ leur admiration et que cependant le Christ s’y soustrait. Ainsi, après la tentative de la foule, est rapportée la fuite du Christ.

JÉSUS DONC, AYANT CONNU QU’ILS DEVAIENT VENIR POUR L’ENLEVER ET LE FAIRE ROI

L’Évangéliste mentionne la tentative des foules par ces mots: POUR L’ENLEVER ET LE FAIRE ROI. En effet, est enlevé celui qui est pris contre sa volonté et sans motifs véritables. Il était vrai que Dieu le Père, de toute éternité, avait tout disposé en vue de la manifestation du règne du Christ, mais cette manifestation n’était pas encore opportune. Le Christ était venu, certes, mais pas pour régner comme il le fera lorsque s’accomplira notre demande: que ton règne vienne; alors le Christ régnera aussi selon qu’il a été fait homme. Et à cause de cela, un autre moment a été disposé pour cette manifestation, c’est-à-dire lorsque la gloire de ses saints aura été dévoilée après le juge ment qu’il aura lui-même rendu. Au sujet de cette manifestation, les disciples demandaient: Seigneur, est-ce le temps où tu vas rétablir la royauté en Israël.
Les foules donc, croyant qu’il était venu pour régner, voulaient le faire roi. La raison en est que, la plupart du temps, les hommes veulent pour maître quelqu’un qui soit capable de leur assurer les biens temporels. C’est pourquoi, le Christ les ayant nourris, ils voulaient le faire roi — Tu as un manteau: sois notre roi. Ainsi s’éclaire ce que dit Chrysostome: "Vois la force de la gourmandise. Il n’est plus pour eux aucun souci de la transgression du sabbat, ils ne font plus preuve de zèle pour Dieu, mais toutes ces choses se sont évanouies, parce qu’ils se sont rempli le ventre. Mais aussi, le Prophète était enfin parmi eux et ils voulaient le faire roi.

JÉSUS S’ENFUIT DE NOUVEAU DANS LA MONTAGNE, TOUT SEUL.

L’Évangéliste en vient à la fuite du Christ. En disant DE NOUVEAU, il laisse entendre que le Seigneur, voyant les foules, était descendu de la montagne et qu’il les avait nourries en un lieu moins élevé: sien effet il n’était pas descendu de la montagne, on ne dirait pas qu’il y fuit de nouveau.
Mais puisqu’il est vraiment roi, pourquoi fuit-il? Il y a à cela trois raisons. L’une parce qu’il aurait dérogé à son rang s’il avait reçu sa royauté de l’homme, lui qui était roi de telle sorte que tous les rois le sont par participation à sa royauté — par moi règnent les rois. La seconde raison est qu’il aurait porté préjudice à son enseignement s’il avait reçu gloire et soutien des hommes. Par ses actes et son enseignement, il était tout relatif à la puissance divine et non à la faveur humaine — Je ne reçois pas de gloire venant des hommes. Il y a une troisième raison, et puisse-t-elle nous apprendre à mépriser l’estime du monde — Car je vous ai donné l’exemple, afin que, comme je vous ai fait, vous fassiez aussi vous-mêmes — Ne recherche pas le pouvoir auprès des hommes. Ainsi donc, il a rejeté la gloire du monde pour se soumettre de lui-même au châtiment, d’après ce passage de l’épître aux Hébreux: Au lieu de la joie qui lui était proposée, il endura la croix, ayant méprisé son infamie.
Nous voyons cependant en Matthieu un récit con traire: Il monta sur la montagne prier seul. Mais d’après Augustin, les deux passages ne sont pas contraires, parce que s’il y a cause de fuite, alors il y a nécessairement motif de prière. Le Seigneur nous enseigne ainsi que l’imminence de ce qui cause la fuite est un puissant appel à prier.
Au sens mystique, il gravit la montagne lorsque les foules, restaurées, eurent été préparées à s’attacher à lui, parce qu’il monta au ciel une fois que les peuples eurent été pré parés à se soumettre à la vérité de la foi: L'assemblée des peuples t’environnera; au-dessus d’elle, regagne la hauteur, c’est-à-dire lorsqu’elle t’environnera, regagne la hauteur.
Mais l’Evangéliste a dit S’ENFUIT, autrement dit, s’échappa, pour souligner que son élévation ne nous est pas compréhensible: en effet, ce que nous ne comprenons pas, nous disons que cela nous échappe.