Témoignage : la drogue du viol

Publié le 03 août 2009 par Raymond Viger

Si je vous dis GHB, à quoi pensez-vous? Probablement que vous savez que c’est une drogue et qu’elle est aussi appelée drogue du viol mais, à part ca, qu’en savez-vous?

Le GHB est un dépresseur du système nerveux central qui provoque un peu le même effet que l’alcool. La substance cause de la somnolence qui peut aller jusqu’à la perte de conscience si elle est absorbée avec de l’alcool ou à dose élevée. En grande quantité, le GHB peut occasionner des vertiges, des nausées, des vomissements, de l’hypothermie, une diminution de la pression sanguine, de l’amnésie, une dépression respiratoire, des crises épileptiques, le coma et la mort. On retrouve le GHB en liquide, en poudre, en capsules ou en granulés à dissoudre dans l’eau. Mélangé à une boisson alcoolisée, il n’a ni odeur, ni saveur. Ça, le saviez-vous? Moi non, pas avant d’en être victime !

À ce moment-là, j’ai 19 ans et je vis en région dans un petit village tranquille. Je travaille à plein temps et vois mes amis. Je ne sors que très rarement au bar depuis mon arrivée dans ce village. Un gars avec qui je travaille, Benoit (nom fictif), me plaît bien. Nous nous parlons sur MSN, mais sans plus. Un soir, mon «coloc» et moi recevons la visite de quatre amis. Comme tout le monde, je m’ouvre une bière. Il est 19h. Benoit m’appelle alors et me dit qu’il veut que j’aille le rejoindre au bar vers 23h pour prendre une bière tranquille, question de jaser. Je trouve l’idée charmante et je convaincs le gang de venir avec moi.

Il est maintenant 23h et nous sommes tous au bar, j’ai bu quatre bières en quatre heures… Je suis loin d’être saoule. J’ai toute ma tête lorsque, en arrivant, je vois Benoit au fond du bar. Je dis à mon gang que je vais le rejoindre et nous voilà, lui et moi, jasant de tout et de rien: «Dis-moi Marie, tu bois quoi comme bière?» «Hum, Molson Dry, s’il-te-plaît, merci.» À ce moment-là, j’aurais dû me méfier, mais je suis naïve et je ne pense pas du tout à ça. Je le trouve charmant, tout simplement. Je bois le quart de ma bière et je suis prise d’une envie pressante. J’ai un mal fou à me diriger vers la salle de bain. Tout est flou et j’ai la tête qui tourne.

Je me réveille nue et je ne suis pas chez moi. Ma tête me fait mal et je n’arrive pas à éclaircir mes idées. Tout tourne encore et je vois à peine. Un homme m’habille et essaye de me mettre debout mais mon corps est trop lourd, je suis incapable de dire quoi que ce soit. Je me réveille de nouveau. Je suis maintenant dans son auto et je le reconnais, même s’il est flou. C’est Benoit. Il détache ma ceinture de sécurité et me pousse hors de l’auto. Je réussis à me mettre debout, chancelante, et je rentre chez moi comme un automate. Il est 7h du matin.

Lendemain de veille

Je me réveille de nouveau. Il est 15h. J’ai mal au coeur et l’impression que ma tête va exploser. Je me fais un café et dis bonjour à Simon, mon «coloc». Il est enragé et je ne sais pas pourquoi: «Simon, que s’est-il passé hier ? Et pourquoi es-tu comme ça avec moi ?» «Tu vas me faire croire que tu ne t’en souviens pas ? Tu as agi en vrai garce avec moi. Je ne te t’avais jamais vue comme ça !»

Je ne me souviens vraiment de rien, pas de flash, rien, le noir total. Je décide d’aller prendre une douche, afin de me remettre sur pied. C’est en me regardant dans le miroir que la panique s’empare de moi. Je crie à Simon de venir me voir. J’avais une serviette autour du corps. Simon me regarde, horrifié. J’ai des bleus dans le cou, sur la poitrine et sur les hanches.

J’appelle Info-Santé et je raconte ce dont je me souviens de la veille. L’infirmière me dit que j’ai les symptômes d’une victime de la drogue du viol et que je dois me dépêcher d’aller passer des tests à l’hôpital. J’ai 19 ans, je suis perdue et je ne comprends rien. Durant trois heures, je passe une série de tests, que ce soit pour la police ou pour moi.

Méprisée

J’ai honte. Je suis nue devant un médecin, une infirmière et un stagiaire. Je pleure et bouillonne de rage. Il faut ensuite attendre les résultats: 48 heures avant de savoir si j’ai contracté quelque chose. Je n’ai heureusement rien, mais je n’ai aucune preuve contre Benoit.

J’appelle la police mais, sans rien de concret à leur présenter, je me fais rire au nez ! Il n’y a rien de plus insultant que de se faire rire en plein visage par un policier quand tu portes plainte pour viol ! Je me croyais forte, mais cette épreuve me bouleverse. Y a-t-il une justice ? Comment faire confiance à quelqu’un ? Pourquoi c’est à moi que c’est arrivé ? Pourquoi ne pas me croire ?

Les policiers ont le temps de donner une contravention à un jeune parce que son moteur d’auto fait trop de bruit mais pas d’emprisonner un individu dangereux ! Benoit s’en est lavé les mains et j’aurai toujours cette expérience sur la conscience. Mais lui aussi ! Ça ne sert à rien de ruminer tout ça. Il faut aller de l’avant et puis, vous savez, ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort.

Nous ne pensons pas que quelque chose comme ça puisse nous arriver. On se dit que ça n’arrive qu’aux autres. C’est faux, le GHB est de plus en plus utilisé. C’est pourquoi il faut toujours surveiller son verre et ne pas accepter quoi que ce soit d’une personne inconnue. Je ne changerai pas le monde en écrivant cet article mais si ça peut sensibiliser certaines personnes et les inciter à en parler, j’aurai déjà fait beaucoup !