Barack Obama et l’état d’esprit africain

Publié le 31 juillet 2009 par Unmondelibre

Kofi Akosah-Sarpong – Le 31 juillet 2009. Comme l’ont rappelé plusieurs éditorialistes et commentateurs africains, le fond du discours politique du président des États-Unis Barack Obama à Accra le 12 juillet n'avait pas grand’ chose de nouveau. La nouveauté venait de la vision du monde d’Obama, sa franchise directe, l'ambiance, sa détermination, sa psychologie et ses tentatives d'instiller un nouvel état d'esprit pour le développement de l'Afrique.

Que l’un des principaux obstacles au progrès de l'Afrique soit son état d’esprit est incontestable, et Obama s’est engagé à faire disparaître le mépris de soi, le complexe d'infériorité mais aussi la tendance africaine à rejeter la faute sur les autres. Pour laisser l'Afrique faire face à ses propres problèmes, Obama n'a pas promis de sommes énormes comme George Bush et Bill Clinton l’avaient fait auparavant. Obama a une connaissance approfondie de la situation de l'Afrique (son père ayant été une victime de cette situation) et il s’est montré extrêmement direct, sans pour autant s’emporter, et en utilisant les qualités qui lui ont permis de devenir, contre vents et marées, le premier président afro-américain des États-Unis.

Obama est le reflet dans le miroir de ce que l'Afrique pourrait devenir en s’ajustant pour devenir un continent du progrès, tout comme l’Europe, le Japon ou l’Amérique. « Yes you can » (« Oui, vous le pouvez ») a proclamé Obama aux Africains, comme aurait pu le faire un thérapeute, visant particulièrement l’élite honteuse Africaine et les « Grands Hommes » qui ont de plus en plus mal à se reposer sur leurs valeurs traditionnelles pour lutter contre leurs problèmes de développement.

Dans le cadre plus large du développement, tout a à voir avec les valeurs, la détermination, la confiance et la psychologie. Et aucun de ces éléments ne peut être importé. Vous commencez avec vos valeurs de base (peu importe à quel point on vous a dit qu’elles étaient méprisables et primitives), puis vous travaillez avec ces valeurs, cette confiance et cette psychologie – les combinant comme un alchimiste — jusqu’à atteindre une prospérité de niveau international. Dans ce contexte, il n’est pas nécessaire d’être un génie pour savoir que l'Afrique est la seule région du monde dont le processus de développement est dominé par des paradigmes de développement étrangers qui ont étouffé la richesse des valeurs, des institutions, de la confiance et de la psychologie africaine.

Si la colonisation est la cause de cela, les élites africaines et les Grands Hommes ont internalisé les distorsions, par le colonialisme, de nos valeurs africaines et ils se considèrent comme inférieurs. Le résultat est que les Africains sont devenus presqu’autistes, ayant du mal à s’approprier leurs propres valeurs comme outils dans l'élaboration de politiques de développement. « La personalité africaine » de Kwame Nkrumah ou encore la « solution africaine aux problèmes africains» de George Ayitteh sont des tentatives de guérir de ces complexes d'infériorité.

Malgré tout cela, l'Africain a du mal à réellement se libérer de tels complexes, de projeter sa confiance et de mener une réflexion profonde tirée de valeurs traditionnelles, et ce, pour progresser. Dans ce contexte, les Africains sont devenus des enfants dans le grand jeu de la prospérité mondiale où ils sont commandés, manipulés, fustigés, et à qui l’on dit toujours quoi faire.

Il ne fait pas de doute qu’à Accra, Obama a joué le rôle du parent parlant de façon quelque peu condescendante aux Grands Hommes, élites et intellectuels africains qui seraient « puérils », désordonnés et fermés, leur disant ce qu'ils devraient faire pour progresser, même s’ils le savent déjà.

Obama, qui a étudié l'histoire et qui a du sang africain dans ses veines, sait tout cela et sait que les Africains le savent aussi. Mais les Africains, en dépit de leurs vastes richesses et immenses ressources humaines, semblent trop paresseux pour se ressourcer psychologiquement dans leurs valeurs traditionnelles et y trouver la clé du progrès.

Et voici qu’Obama joue les hypnotiseurs avec une mise en scène et quelques tours de passe-passe pour s’afficher comme autoritaire et charismatique pour dire aux Africains et, plus tard aux Afro-Américains à Washington DC au cours du 100ème anniversaire de la NAACP (National Association for the Advancement of Coloured People), qu'il ne devrait y avoir « aucune excuse », qu'ils ne doivent pas « intérioriser un ensemble de limitations », qu'ils ne doivent pas « attendre si peu de la part du monde et de nous-mêmes » et que « personne n'a écrit votre destin pour vous — votre destin est entre vos mains. »

Kofi Akosah-Sarpong est journaliste à l’Expo Times (Sierra Leone). Cet article a été publié en anglais par AfricanExecutive.com.