Mer intérieure de Georges Thinès

Par Florence Trocmé

Explorer un monde enchanté par une antiquité intériorisée et par la musique, contempler le destin et la fuite tragique du temps, sonder la "Mer intérieure", revisiter le trésor de la mémoire, la démonter et réinventer l'écriture, voilà les grands thèmes de toute l'œuvre de Georges Thinès, et tous sont présents dans ce recueil de poème d'une extraordinaire virtuosité.
Comme toujours, l'écriture de Georges Thinès est une ode à l'intelligence. On ne peut pas reprocher à Georges Thinès de jouer la carte du poète fragile et ingénu ! Avec un brio qui parfois pourrait confiner à l'arrogance, il célèbre, proclame, analyse, dissèque, convoque les grands noms de l'Histoire, ironise, moque, mais aussi compatit. Scientifique acharné, observateur de la nature, de la psyché et du langage, il veut comprendre le monde, a fortiori quand ce dernier ne se laisse décidément pas faire.
S'il n'y avait que cela, ce serait déjà passionnant. L'intelligence peut certes faire bon ménage avec la poésie, comme l'ont montré de grandes figures de l'histoire de la littérature, mais c'est un registre qui n'est pas banal et ne manque pas d'allure. Cependant, de temps en temps, Georges Thinès laisse un peu souffler le cheval de son prodigieux intellect, accorde une pause aux Romains et aux Grecs, et songe au petit garçon de 1929, au temps qui fuit comme la fumée des cigares, à la mémoire qui se dissipe dans l'univers, joie du souvenir mais aussi nostalgie du passé inaccessible ou même incompréhensible.
Alors, Georges Thinès n'est plus seulement brillant et profond, mais aussi extrêmement touchant, et nous donne de ces poèmes que l'on recopie et glisse dans son carnet à chefs-d’œuvre.

©Benoît Moreau

Georges Thinès
Mer intérieure
Editions l'Age d'Homme, Lausanne, 2007, 99 p.