la formule préférée du professeur

Par Clarinette
Plus j'avance dans ma découverte de Yoko Ogawa et plus j'aime cette auteure. Dans ce roman plein de sensibilité et de délicatesse elle y décrit la beauté des nombres, la poésie des mathématiques à travers les liens  tissés entre une aide-ménagère, son fils  et un ancien professeur de mathématiques devenu amnésique suite à un accident. Celui-ci leur fait découvrir ce qui se cache derrière les nombres premiers, les nombres parfaits, la formule d'Euler...Moi qui ne suis pas matheuse pour un sou, elle m'a fait presque regretter de ne pas avoir plus travaillé cette matière à l'école, en tout cas de ne pas avoir eu de professeur aussi passionné et passionnant ! Sous sa plume, les formules de mathématique apparaissent comme des formules magiques, de la dentelle finement ciselée, les chiffres et les nombres comme oeuvres délicates chargées de messages pleins de sens. Plus on avance dans le roman, plus on attend avec impatience une nouvelle leçon du professeur. C'est surprenant qu'avec un sujet aussi austère Yoko Ogawa ait réussi à faire un livre aussi passionnant !  La relation entre le mathématicien amnésique (sa mémoire ne va pas au delà de 80 minutes), son aide-ménagère et le fils de celle-ci est très émouvante. Malgré sa mémoire déficiente, le professeur parvient à transmettre à l'enfant son savoir exceptionnel et sa passion. La relève est alors assurée...
Un roman magnifique que je classe parmi mes préférés de Yoko Ogawa.

extrait : "-On peut exprimer les nombres parfaits comme la somme d'une suite de nombres naturels.
6=1+2+3
28=1+2+3+4+5+6+7
496=1+2+3+4+5+6+7+8+9+10+11+12+13+14+15+16+17+18+19+20+21+22+23+24+25+26+27+28+29+30+31
Il tendait son bras au maximum pour écrire la longue addition. La ligne  s'étirait, simple et conforme aux règles. Il n'y avait aucun gaspillage, elle débordait d'un tension aiguisée et pure qui engourdissait. Les formules obscures de la conjecture d'Artin et l'addition qui suivait les diviseurs de 28, le tout fondu ensemble nous encerclait. Chaque chiffre formait un des points qui, reliés l'un à l'autre, constituaient la délicate dentelle qui nous entourait. Je n'osais pas bouger, de peur qu'un mouvement d'inattention de mes pieds n'effaçât un seul de ces chiffres.
On aurait dit alors, que le secret de l'univers se révélait à nos yeux. Le carnet de Dieu était ouvert à nos pieds."



La formule préférée du professeur, Yoko Ogawa, Babel, 245p.