“Jungle” de Calais: le point de recueil de demandes d’asile d’E. Besson décapité juridiquement (TA Lille, réf., 31 juillet 2009, M. A.)

Publié le 10 août 2009 par Combatsdh

Décidément, le ministre de l’Immigration n’est pas crédible juridiquement. En effet, le juge des référés du Tribunal administratif de Lille vient de décapiter juridiquement le point de recueil des demandes d’asile qui a ouvert ses portes le 5… mai 2009 et qui est présenté à longueur de communiqué comme un élément-phare du règlement de la situation des exilés à Calais (voir ce communiqué du M3INDS du 29 juillet).

Selon les chiffres du ministère, 137 personnes s’y sont rendues pour enregistrer une demande, 61 sont placées sous convocation Dublin (soit 44%), 36 admis au séjour (26%) - dont 33 ont accepté la prise en charge de l’hébergement en Centre d’Accueil de Demandeurs d’Asile (CADA) - et 40 demandes sont dans les limbes parce que la préfecture n’a pu relever les empreintes pour Eurodac (29%).

La décision du juge administratif lillois est fondée sur un moyen imparable: l’impossibilité pour le préfet d’un département de déléguer sa compétence au préfet d’un… autre département (une délégation n’est pas horizontale mais verticale).

En l’occurence l’arrêté ministériel du 12 mars 2009  d’expérimentation de régionalisationde l’asile prévoit que seul le préfet du Nord est compétent pour statuer sur l’admission au séjour au titre de l’asile dans la région Nord-Pas-de-Calais.

“Lorsqu’un étranger se trouvant à l’intérieur du territoire de l’un des départements de la région Nord-Pas-de-Calais (Nord et Pas-de-Calais) demande à bénéficier de l’asile, l’autorité administrative compétente pour l’examen de sa demande d’admission au séjour est le préfet du Nord.
Le préfet du Nord reçoit de l’étranger sollicitant l’asile les pièces produites à l’appui de sa demande en application de l’article R. 741-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il lui délivre l’autorisation provisoire de séjour prévue au premier alinéa de l’article R. 742-1 du même code et lui refuse l’admission au séjour dans les cas prévus à l’article L. 741-4 du même code”.

Or, le 6 mai 2009, le préfet du Nord a fait une sub-délégation de signature au préfet du Pas-de-Calais

Le TA de Lille a considéré qu’il ne pouvait légalement le faire et que les refus d’admission au séjour au titre de l’asile signé par le préfet du Pas de Calais au nom du préfet du Nord était une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile. Au surplus, le préfet du Nord n’a pas établi avoir publié la délégation (ce qui la rendrait inopposable).

Cela veut dire que l’ensemble des refus opposés par le préfet du Pas de Calais enregistrés dans ce point de recueil et toutes les procédures “Dublin II” ou les refus d’enregistrement de la demande d’asile (parce que les empreintes ne sont pas lisibles) sont entachées de la même irrégularité.

La seule solution pour que le ministre règle cette situation sera de donner également compétence au préfet du Pas-de-Calais pour enregistrer les demandes et opposer des refus en modifiant l’arrêté du 12 mars 2009 ou de réorganiser le traitement des demandes d’asile déposé à la sous-préfecture de Calais en les faisant transiter par la préfecture du… Nord.

Eric Besson dans une jungle juridique

Voici l’ordonnance:

ta-lille-ref-31-juillet-2009-asile-calais.1249934376.pdf

“Considérant qu’aucune disposition législative ou réglementaire, notamment celles issues du décret du 29 avril 2004 modifié relatif aux pouvoirs des préfets, ne permet à un préfet de consentir une délégation au profit du préfet d’un autre département, que par suite, Mme A est fondée à soutenir que la délégation en date du 6 mai 2009 par laquelle le préfet du Nord a délégué au préfet du Pas de Calais la signature des décisions de refus d’admission au séjour des demandeurs d’asile en application de l’article L.741-4 du CESEDA, délégation dont il n’est par ailleurs pas établi qu’elle ait été régulièrement publiée, n’a pu légalement donner compétence au préfet du Pas-de-Calais pour signer la décision litigieuse, que dès lors elle est fondée à soutenir que cette décision a porté une atteinte grave et manifestement illégale à ses droits en qualité de demandeur d’asile”

Informations fournies par Gérard Sadik, coordinateur asile à la Cimade.

  • v. H. Sabéran, “Besson trouve des douches pour les migrants de Calais” , Libé Lille, 10 août 2009.