Fooding or Feeding ? La guerre de l'espace publicitaire

Publié le 11 août 2009 par Christophe Benavent


Facebook rachète donc Friendfeed, Publicis vient de reprendre Razorfish au prix de céder 3% de son capital à Microsoft, et peu avant, Microsoft s'allie avec Yahoo. Voilà un été actif sur le front de la publicité sur internet, qui indique peut-être la nouvelle ligne de front : les publicitaires contre les technologues, ceux qui savent faire valoir les espaces contre ceux qui les créent. L'appétit est grand, reste à savoir ce qui compte : la capacité de nourrir ou la qualité de l'aliment.

Sans aucun doute, Google a pris une bonne longueur d'avance, en démontrant, provisoirement, que l'avantage vient à ceux qui créent l'espace publicitaire - le génie de google est d'avoir su, par-dessus les médias, déployer la toile qui y donne accès. Mais d'autres, avec d'autres modèles, ont prouvé que l'on pouvait créer d'autres espaces. Facebook en est l'exemple le plus convaincant, même si la rentabilisation n'est pas encore au rendez vous.

Un coup d'oeil aux résultats d'audience est de ce point de vue instructif, même si, d'un organisme à l'autre (Nielsen, OJD, médiamétrie), les mesures sont difficilement comparables (visiteurs uniques, visites, pages vues... Il faudra revenir sur ce problème de la mesure) et les bases d'études dissemblables, parfois les sites, souvent les groupes. S'y côtoient les différentes générations de producteurs d'espace publicitaires.

Les grands portails d'abord, qu'ils soient fournisseurs d'accès comme Free ou Orange en France, ou e-commerçants tel que e-bay - il faudrait d'ailleurs y donner une place distincte aux plateformes de services. Leur avantage est que, touchant des marchés de masse, ils produisent par leur contenu une audience plus ou moins captive.

Des médias traditionnels, seul TF1 est présent dans les 10 premiers de Nielsen, encore que s'y fédérent plusieurs services distincts. La presse est derrière, et pourtant ce fut aussi son métier que de fabriquer de l'audience.

Microsoft maintient sa position, sans doute grâce à MSN, les messageries instantanées représentant un espace tout à fait particulier, celui d'une grande intimité.

Les espaces du 2.0 qui travaillent les communautés, que ce soit un Dailymotion ou des fédérateurs de blogs tels que Wordpress ou Skyrock, se sont taillé une belle part en faisant peser la production de l'espace sur les utilisateurs (la vertu du modèle UGC).

Enfin aujourd'hui les réseaux sociaux, Facebook s'installant en france à la 5ème position, prennent une part considérable de cette audience. Leur force réside dans la répétition des consultations, vive l'addiction!

L'audience rappelons-le, se fait au travers de trois paramètres : la capacité à pénétrer une large population (c'est le reach), celle de faire revenir fréquemment (le nombre de visites) et de maintenir longtemps l'internaute dans la session (le nombre de pages et la durée par page). Et toute la question des médias est de savoir comment atteindre ces trois objectifs. Manifestement les professionnels de l'information, qu'ils soient producteurs de divertissement ou d'information, ont perdu la main. Les grands vainqueurs sont ceux qui se sont installés dans les actes élémentaires de l'internaute : chercher et communiquer avec ses proches. Ces deux activités sont génériques et se reproduisent plusieurs dizaines de fois par jour. Elles exposent à des dizaines de pages. Ne nous étonnons pas des résultats en terme de marché publicitaire.

Mais ce n'est pas tout : si on cherche de l'information, n'importe quelle information, y compris celles que l'on connait déjà (dans le top des mots-clés de google arrivent les services qu'utilisent déjà les internautes : le moteur sert plus de bookmark que d'outil de recherche !), on la communique aussi. Le plaisir de trouver s'accompagne de celui de partager, c'est sans doute la leçon des médias sociaux.

A ce titre, la nouvelle génération d'espaces qui n'est pas encore présente au premier rang des classements mais qui arrive à grande vitesse a toute les chances de remporter le pompom. C'est celle de twitter, celle de friendfeed aussi, et c'est ce qui nous fait penser que cette dernière acquisition est plus significative que celle opérée par Publicis.

Dans le nouveau paysage de l'internet, l'information en-soi n'est pas ce bien rare de la période de l'ORTF, elle ne vaut plus rien, et ne capte plus personne, ou très rarement. En revanche, elle coûte cher à celui qui la recherche, encore plus cher à celui qui veut la diffuser. Le filtrage compte désormais plus que le contenu, et ce filtrage passe par ces outils multiples, dont le fait social est un moyen, mais l'effet principal est d'amener à chacun sa ration d'information quotidienne.

Le feed compte plus que le food, la pizza vaut moins que le livreur. Que l'information soit fournie par les agrégateurs RSS, les wall de facebook, ou la page de twitter, ces filtreurs ont toutes les chances d'être les écrans les plus consultés. Pendant longtemps, la capacité à créer de l'audience a été liée à la capacité de produire l'information, la qualité de la nourriture était essentielle, aujourd'hui elle est définitivement associée à la capacité non pas de l'acheminer mais ge la filtrer pour le compte de celui qui va la digérer.