“Inglorious Basterds”: un Tarantino issu d'un shaker cinématographique

Par Adel Miliani

Un nouveau film de Quentin Tarantino, c’est déjà très “hype”. Les producteurs se frottent les mains, les attachées de presse snobent les critiques qui, eux, piaffent d’impatience, et les fans surfent furieusement sur Internet à la recherche de rumeurs et commérages en tous genres sur la dernière œuvre de Q, l’enfant gâté d’Hollywood. Et cette fois, c’est pire.

Car “Inglourious Basterds” (sortie mercredi dans les salles en France) est le premier film historique de Tarantino. De plus, il a été sélectionné au Festival de Cannes, et il propose un casting cosmopolite avec une actrice française: les ingrédients idéaux pour alimenter encore davantage le “buzz” autour du film.

Au final, ce long métrage, sorte de western spaghetti sur fond de Seconde guerre mondiale, a les qualités et les défauts d’un Tarantino: c’est amusant, bavard et brillant, bourré de références cinématographiques, avec de superbes scènes de suspense et de tension dramatique. Mais c’est aussi superficiel, vain, et une fois n’est pas coutume, parfois mal interprété.

“Il était une fois dans la France occupée par les Nazis”. Une belle jeune fille juive poursuivie par la Gestapo, Shosanna Dreyfus (Mélanie Laurent), assiste à l’exécution de sa famille, tombée entre les mains du colonel nazi Hans Landa (Christoph Waltz). Shosanna s’échappe de justesse et s’enfuit à Paris, où elle se construit une nouvelle identité comme propriétaire d’une salle de cinéma.

Au même moment, quelque part ailleurs en Europe, le lieutenant Aldo Raine (Brad Pitt) et son groupe de soldats juifs américains mènent des actions punitives particulièrement sanglantes contre les nazis.

“Les bâtards”, nom sous lequel leurs ennemis vont apprendre à les connaître, se joignent à Bridget von Hammersmark (Diane Kruger), actrice allemande et agent secret, pour tenter d’éliminer les hauts dignitaires du Troisième Reich. Leurs destins vont se jouer à l’entrée du cinéma où Shosanna veut mettre à exécution une vengeance très personnelle…


Premier film d’époque de Quentin Tarantino, “Inglourious Basterds” se présente comme un film de guerre: en véritable boulimique de longs métrages, le cinéaste américain s’inspire de monuments du septième art, tels “Les douze Salopards”, “Les canons de Navarone”, “De l’or pour les braves” ou “Le jour le plus long”. Mais, comme à son habitude, il mélange ces références avec celles du western spaghetti à la Sergio Leone et de l’esthétique cinématographique des années 30, à la Fritz Lang.

Issu de ce shaker cinématographique, “Inglourious Basterds” offre de véritables séquences à la Tarantino, entre audace et humour, tirades théâtrales et blagues potaches. Après une scène d’ouverture particulièrement soignée -l’interrogatoire d’un paysan par le colonel Hans pour dénicher une famille juive cachée dans la cave- les meilleurs moments du film se passent en présence des officiers nazis, comme cette incroyable séquence de la rencontre à la taverne.

Ici, comme dans la première scène, c’est Christoph Waltz qui mène la danse. La performance de l’acteur autrichien, toute en verve et cruauté sophistiquée, lui a d’ailleurs valu le prix d’interprétation masculine à Cannes. A ses côtés, seuls le Britannique Michael Fassbender (”Hunger”, “Fish Tank”) et l’Allemande Diane Kruger (”Mon idole”, “Troie”) tirent leur épingle du jeu.

Pour le reste, Brad Pitt promène sa lourde carcasse et son accent traînant à travers le film, sans grande conviction. Un jeu insipide, à l’égal de celui de Mélanie Laurent, qui se contente d’être l’alibi jolie poupée française. Ses scènes, tournées à l’intérieur du cinéma, sont sans aucun doute les plus ratées du film, peut-être parce qu’il manque à l’actrice ce grain de folie glamour indispensable pour jouer du Tarantino.

Quant au scénario, léger comme un pop corn, il manque bien évidemment de fond: peu de faits, beaucoup de fiction. Il se résume en gros à Kill Nazis. Au final, “Inglourious Basterds” s’avère aussi éclectique que “Kill Bill”, aussi verbeux que “Reservoir Dogs”, aussi pop que “Pulp Fiction”, seulement il lui manque ce petit plus qui fait tout le charme de ces précédents films: l’exotisme de l’Amérique filmée par Quentin Tarantino.