Primaires à gauche, une très fausse bonne idée

Publié le 27 août 2009 par Marx
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Patrick Le Hyaric




Ainsi, le monde du travail, les retraités, la jeunesse, peuvent souffrir à n’en plus pouvoir ! Ainsi, M. Sarkozy déroule son programme de rentrée comme une nouvelle étape anti sociale et anti démocratique au service des forces de l’argent. Il tente de déchiqueter littéralement le territoire national avec un projet de loi qui viendra en discussion au Sénat début septembre. L’urgence sociale et écologique frappe fortement à la porte.
Mais voilà, qu’une fraction de la gauche socialiste nous propose, toute affaire cessante, de rentrer tous en conclave dans une bataille de chiffonniers, dans des conflits de personnes, dans une compétition d’image et je ne sais quoi encore pour organiser à gauche des primaires pour désigner un candidat pour l’élection présidentielle de 2012. Ceci est validé par des dirigeants socialistes importants, porté par une fondation, « Terra Nova » et le journal «Libération» dont le directeur, mon confrère Laurent Joffrin avoue que, le but de la manœuvre est d’oublier les partis politiques, comparés à des lampes à huile, de réduire les militants de ces partis à des colleurs d’affiches et de teneurs d’urne le jour du vote, sans projet déterminé. Bref, la démocratie d’opinion s’appliquerait désormais à tous les partis politiques en France. Autrement dit, il n’y aurait qu’un seul candidat de gauche à l’élection présidentielle porteur d’un programme minimum, écrit au fil de prétendue démocratie d’opinion, sans débat contradictoire sur le contenu de celui-ci. Bref, la droite pourrait, pendant que nous pérorons sur l’organisation de ces primaires, la couleur des urnes, les lieux de vote, le fait de savoir si on doit payer des cotisations à 2 euros ou à 12 euros, avoir de sempiternels débats sur la couleur des tables des débats entre ces « présidentiables », ainsi que sur l’orientation des lampes face aux caméras, l’épaisseur, la largeur, la couleur de la table pour le débat télévisé, la droite-ultra pourrait continuer à saccager tel un bulldozer tout ce qui a fait que la France est devenu un pays aux avancées sociales et démocratiques fortes, à une laïcité affirmée et vivante, une actrice de la paix. Tout ce que M. Sarkozy démolit ! Mais enfin, ressaisissons-nous camarades !
Le rôle de la gauche aujourd’hui, par delà ses différences et ses divergences, est de mettre toutes ses forces, ses élus, ses organisations au service de la défense des plus démunis, de toutes celles et ceux, et ils sont l’immense majorité, victimes de la baisse du pouvoir d’achat, des hausses de tarifs publics, de la précarité, des licenciements et des fermetures d’entreprises. C’est aujourd’hui qu’il faut battre dans l’unité de la gauche sociale et politique le sarkozysme ! Pas en 2012 ! C’est maintenant car les gens souffrent. Ne pas le faire aujourd’hui c’est précisément se condamner à perdre toutes les élections demain et laisser le champ libre à une droite qui au-delà des contre réformes politiques, sociales, démocratiques, culturelles, construit un scrutin législatif pour s’assurer de ne jamais être déboulonnée et prépare une réforme territoriale d’une si vaste ampleur qu’elle affaiblirait, si elle était votée, la gauche et diminuerait le nombre d’élus territoriaux issus de la gauche, et à l’intérieur de celle-ci, le courant transformateur. Les mêmes qui prônent une sixième République où le Parlement devrait avoir plus de poids, sont ceux qui, avec cette funeste idée de primaires, renforcent encore le caractère présidentiel de nos institutions.
Un tel candidat, désigné par des primaires, se sentirait forcément au-dessus de tous les partis de la gauche réunie, y compris du sien et serait libre de ne tenir compte d’aucun des programmes issus du débat démocratique de ces mêmes partis. Avec ce système, on ajoute un troisième tour à l’élection présidentielle. Or, dans notre système aujourd’hui, le choix des candidats à gauche comme à droite, se fait au premier tour. Au second, on se rassemble ! Ce projet a le goût et l’apparence de la démocratie. En fait, il conduit à laminer les différents courants de pensée qui constituent historiquement la gauche. De ce fait, le débat démocratique, en son sein, est étouffé et les citoyens, au-delà des apparences, ont encore moins le pouvoir de peser dans ces débats.
Ce sont bien des débats ouverts, contradictoires qui peuvent aider les citoyens à choisir la force politique ou le candidat dont ils se sentent le plus proche. Mais la vraie modernité devrait consister pour chaque parti de gauche à se mettre au service de ce débat pour élaborer en commun, avec les citoyens, les salariés, des propositions progressistes de sortie de la crise du capitalisme. Voilà d’ailleurs qui devient plus qu’urgent ! En effet, un tel débat où des propositions alternatives à la politique sarkozyste émergeraient, permettrait de renforcer les mouvements sociaux et d’éclairer les débouchés politiques ou les alternatives possibles. Le grand enjeu pour les hommes et les femmes de gauche est bien, aujourd’hui, de mener une lutte politique et idéologique d’un tout autre niveau pour faire reculer la droite jusqu’à la battre. C’est la condition pour aider l’immense majorité de notre peuple, victime de la crise de ce système, à pouvoir se défendre et à défendre l’intérêt général.
De telles expériences de primaires menées en Italie ont conduit à la pire des catastrophes puisqu’il n’y a plus ni d’élus socialistes, ni d’élus communistes ou écologistes au Parlement et que Berlusconi règne en maître. Il s’agit en fait d’une mécanique qui aboutirait à laminer les courants de transformation sociale, y compris pour les élections législatives qui suivent l’élection présidentielle. En effet, dans un tel système pour être élu, un député ou un candidat de gauche aura d’autant plus de chance d’être élu ou réélu qu’il choisira dès le départ le camp de celui ou de celle qui sera le ou la candidate à l’élection présidentielle. Et puis, puisqu’une partie de ceux qui proposent des primaires, sont aussi ceux qui proposent une alliance avec Bayrou, posons une question simple : Le candidat de la gauche en 2012 face à M. Sarkozy pourrait-il être M. Bayrou pour être encore plus sûr d’un rassemblement large pour battre Sarkozy ? Où mènent de tels choix ? Où mènent ces cuisines politiciennes ? De surcroît cela risque d’être totalement inefficace pour gagner. Car, dans le système actuel, c’est le débat démocratique dés le premier tour, avec une pluralité de candidats qui permet de rassembler largement au second tour. Le seul objectif de battre Sarkozy ne crée pas les conditions d’une politique de changement. A quoi bon répondre aux demandes des forces de l’argent et des puissants, qui pour eux-mêmes ne mettent pas tous leurs œufs dans le même panier, et qui s’accomoderaient bien d’une chute de Sarkozy, si elles le jugeaient trop usé, à condition que sa politique perdure sous une forme ou sous une autre. Par conséquent, le débat et le combat c’est ici et maintenant, quartier par quartier, usine par usine, bureau par bureau, village par village, université par université pour créer les conditions d’un véritable changement de pouvoir du peuple, pour le peuple, et d’un changement de société pour progresser vers un post capitalisme, à élaborer, à construire, pas à pas, ensemble, dans un processus qui lui serait véritablement démocratique.
Nous ne pouvons laisser notre peuple sans défense dans le cadre d’une recomposition politique qui constituerait en fait une béquille pour le capitalisme, alors que précisément l’heure est au dépassement de ce système. Ressaisissons-nous ! Portons nous au devant de celles et ceux qui ont besoin d’être défendus. Pas en 2012 ! Aujourd’hui ! Aidons dans le débat avec eux à construire un programme alternatif de changement. Faisons reculer la souffrance sociale et le désastre écologique qui nous menace. Aujourd’hui !