Son exécution, commencée en 1502, aurait duré jusqu’en 1506 ; Léonard l’aurait conservé et emporté en France, avant qu’il n’entre l’année de sa mort, en 1519, dans la collection royale de François Ier. Et se pose alors une première question : si, comme plusieurs historiens l’avance, il s’agit bien du portrait de Lisa del Giocondo (née Lisa Maria Gherardini), fruit d’une commande du marchand de soie Francesco di Bartolomeo del Giocondo, pourquoi le peintre ne livra-t-il pas le tableau à son commanditaire ? L’acquisition par le roi de France scella le sort de la Joconde. Transféré au gré des règnes de Fontainebleau à Versailles et aux Tuileries, il rejoignit définitivement le Louvre en 1804.
Pour être plus précis, il faudrait sans doute écrire : « presque définitivement », puisque, aussi curieux que cela puisse paraître, le panneau fut volé le 21 août 1911. Guillaume Apollinaire fut-il complice de ce vol ? La rumeur le laisse entendre, qui nomme également Picasso, mais il convient toujours de se méfier des ragots. Il semblerait plutôt que le commanditaire ait été un certain Valfierno, faussaire argentin qui pensait – naïvement – vendre quelques copies qu’il en avait exécutées avant le vol à des collectionneurs, leur laissant croire qu’il s’agissait de l’original. Ce qui est en revanche certain, c’est qu’un ouvrier italien, Vincenzo Perrugia, accompagné de deux comparses, fut bien l’auteur du vol. Il conserva la Joconde sous son lit pendant deux ans ; Valfierno, devant l’échec de ses tractations frauduleuses, n’avait probablement pas souhaité prendre livraison d’une œuvre aussi encombrante. De retour dans son pays, Perrugia tenta, tout aussi naïvement, de le négocier à la fin de 1913. L’affaire fut naturellement éventée et c’est ainsi que Mona Lisa pu regagner le Louvre, jusqu’à la seconde guerre mondiale.
En dehors des voyages aux Etats-Unis en 1963, puis au Japon et en Union Soviétique en 1974, Mona Lisa ne s’éloignera plus de Paris. Depuis 2005, elle figure dans la Salle des Etats du musée du Louvre et bénéficie de la protection d’une vitre blindée. C’est contre cette vitre que, le 2 août dernier, une touriste russe lança une tasse de thé vide. Le geste est d’autant plus curieux et stupide qu’il était évidemment voué à l’échec. Mais il se pourrait que l’auteur de cet acte de vandalisme ait souffert d’une perturbation psychique peu connue, le « syndrome de Stendhal », ainsi nommé par référence au malaise que ressentit l’écrivain alors qu’il visitait l’église Santa Croce de Florence en 1817, décrit avec précision dans l’un de ses premiers ouvrages, Rome, Naples et Florence. Rainer Maria Rilke éprouva un malaise équivalent en visitant cette ville emblématique de la Toscane.
Une pathologie connexe, appelée « syndrome de Jérusalem », ne fait pas appel à un trouble d’ordre esthétique mais religieux : les victimes, prenant subitement conscience d’une sorte de révélation, développent un comportement quasi identique à celui observé dans les musées.
Selon une spécialiste, le docteur Graziella Magherini, psychiatre florentine, nous serions tous porteurs du syndrome de Stendhal, mais ne le développerions qu’en étant confrontés à une émotion particulière suscitée par une œuvre regardée comme « le symbole d’un drame intérieur ». Pour autant, il ne faut pas s’abstenir de fréquenter les musées ; l’abus d’art ne nuit pas gravement à la santé…