Peut-on encore faire de l'humour raciste?

Publié le 30 août 2009 par Nemo
Rue89 nous révèle que Vincent Moscato, ex-rugbyman reconverti en animateur radio sur RMC, aurait tenu des propos créant une (petite) polémique.

Au cours de l'émission « Les paris de RMC », le 22 août dernier, en direct sur l'antenne, un auditeur provoque l'hilarité en ironisant sur les origines de Vincent Tong Cuong : « Comment il s'appelle l'autre là, le Chinois ? Chong-Chong ? . »

Ni une ni deux, l'ancien rugbyman reconverti en animateur réplique sur le même ton : « Ils ont recruté un Chinois ? Non, c'est pas possible ! (…) On aura tout vu dans ce championnat ! ». Avant d'enchaîner les « blagues » sur les délocalisations et le travail des enfants.

L'ex-rugbyman s'est mollement excusé quelques jours plus tard à l'antenne d'avoir « froissé des personnes ». Mais bon, c'était vraiment pour rigoler : « Des fois on a un peu d'enthousiasme, faut pas le prendre mal. »
Vous pourrez penser que ce billet est un bel appeau à trolls, il n'en est rien. Ce type de sujet m'agace véritablement car je m'indigne de la communautarisation à l'américaine de la société française.
Une chappe de plomb s'est abattue sur l'humour depuis une quinzaine d'années que l'on dénomme pudiquement "politiquement correct" et qu'Aliocha dénonce judicieusement. D'aucun ne manqueront pas de crier que lorsque l'on dénonce un politiquement correct, il s'agit bien souvent de le remplacer par un autre, je ne suis pas nécessairement d'accord bien que je reconnaisse ce risque.
Ce qui m'insupporte c'est que l'on prête à tort et à travers à certaines formes d'humour les habits du racisme. Certains iront même jusqu'à dire que le racisme naît des clichés véhiculés par l'humour.
Non. Au risque de verser dans la tautologie, l'humour est de l'humour.
Il est compréhensible que l'on cherche à combattre ce fléau mais lorsque cela se mue en une chasse à sorcières tendance maccarthysme bienpensant, le combat peut passer totalement à côté de son objet et les dégâts collatéraux peuvent être dramatiques en condamnant l'innocent et laissant courir le véritable raciste.
D'un point de vue moral, il est fort risqué de ne se situer que du côté de la victime, bien que cela soit une tendance contemporaine bien française, plutôt que du côté de l'humoriste afin de juger si l'humour est ou non raciste. En effet, la susceptibilité est à géométrie variable et une blague, ou une réflexion humoristique comporte une forte probabilité de heurter la sensibilité de quelqu'un en ce que l'humour cible généralement un individu ou un groupe de personnes.
Que faudrait-il pour satisfaire la bienpensance de ces professionnels de l'indignation?
Supprimer toute forme de vexation dans l'humour? Il conviendrait donc d'interdire l'humour contre les gros, les maigres, les blondes, les brunes, les rousses, les beurs, les noirs, les grands, les petits, etc.
Exit donc les Pierre Desproges, les Coluche, les Nuls, les Inconnus, les Djamel Debbouze, Elie et Dieudonné, etc. (Qu'on aime ou qu'on n'aime pas, la question n'est pas là).
L'humoriste a pourtant un rôle extrêmement important dans toute société en ce qu'il permet d'exorciser des craintes collectives, de mieux les accepter. Parfois même de dénoncer.
Pierre Desproges disait "On peut rire de tout mais pas devant tout le monde".
Là est la clé du problème. Par défaut, il vaut mieux laisser des gens être vexés par de l'humour et d'autres en rire. On ne peut certes pas tout dire sous le prétexte de l'humour. Mais il vaut mieux laisser dire plutôt que de sanctionner sur la base de "quelqu'un est vexé?".
A partir du moment où il ne s'agit pas de faire l'apologie d'une discrimination mais rire des différences supposées ou réelles, il ne devrait pas y avoir matière à s'offusquer.
On n'a le droit de ne pas apprécier, d'être choqué, voire d'être vexé. La seule réponse à opposer est de ne pas écouter. Parfois, convaincre son voisin que les propos sont choquants peut être salutaire. Interdire ou faire interdire au motif d'humour raciste, non. Les spectateurs et auditeurs sauront eux-mêmes apprécier si les propos sont ou non déplacées.
Je préfère le jugement de l'audimat que l'interdiction bienpensante.