Le soixantième anniversaire

Publié le 10 décembre 2008 par Chrislex

J'avais naïvement prévu que les soixantième anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme serait célébré à grand fracas, dans un concert d'autosatisfactions après la rencontre du  français Président de l'Union Européenne. Je m'étais bien trompé.

 Je lis un article sur le blog du Monde :

Paris n’est plus la capitale des droits de l’homme

Le 10 décembre 1948, l’Assemblée générale des Nations unies adoptait à Paris la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Ce 60 éme anniversaire devrait être pour la France l’occasion de balayer devant sa porte. Stéphane Hessel, co-auteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme dresse un constat sévère : La France ne peut se targuer d’être exemplaire en matière de droits humains vu sa façon de traiter les étrangers et les prisonniers.

Plutôt qu’une politique des droits de l’Homme, Rama Yade a choisi celle de l’autruche…” (extrait)

Bernard Kouchner, le ministre de tutelle de Rama Yade écrit dans Le Parisien que son idée de créer un secrétariat d’Etat aux droits de l’Homme étai une erreur. “Je pense que j’ai eu tort de demander un secrétariat d’Etat aux droits de l’Homme. C’est une erreur. Car il y a contradiction permanente entre les droits de l’Homme et la politique étrangère d’un Etat, même en France”. Que n'ajoute-t-il qu'il y a une contradiction permanente avec le silence quasi-total de la constitution française sur les droits de l'homme ?

Stéphane Hessel, co-auteur de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, porte un regard critique sur ce qui se passe dans nos frontières. En avril 2007, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour la façon dont elle renvoie les étrangers menacés dans leur pays d’origine. Plus récemment, elle lui a demandé de surseoir à un projet de charter franco-britannique visant à rapatrier vers leur pays des Afghans en situation irrégulière. “La France ne fait pas ce qu’elle devrait car elle a une tradition de pays d’immigration et de pays d’asile. “

Les condamnations de la France par la Cour européenne :

51 condamnations en 2005 contre 6 recours rejetés,

87 condamnations en 2006 dont 51 violations du droit à un procès équitable, contre 6 rejets,

39 condamnations en 2007 (sous présidence française) dont 26 pour violation du droit à un procès équitable, contre 8 rejets.

De 1999 à 2005, la France a été condamnée 344 fois dont 110 fois pour violation du droit à un procès équitable, seules l'Italie et la Turquie font mieux.

Un  sujet brûlant est la situation indigne de nos prisons. Le 16 octobre, après de multiples rapports humiliants et accablants, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour manquement à son obligation de protéger le droit à la vie d’un détenu. La justice est devenue le parent pauvre de la 5ème puissance économique mondiale. Manque de juges, manque de formation des juges, manque de places dans les prisons, interprétations laxistes du code de procédure pénale et multiplication du nombre de gardes à vue. Ces dernières années ces procédures qui oscillent entre humiliation pression et arbitraire ont doublé pour atteindre le chiffre faramineux de 562 000 en 2007.

Dans une tribune publiée sur le site internet Contreinfo , Corinne Lepage, avocate et ancienne ministre de l’environnement n’hésite pas à évoquer une régression démocratique. « (…) Nous n’avons rien à envier aux américains. La passivité organisée par la société médiatique, le règne de « l’insignifiance » aux lieux et places de l’information et du débat, « la vente du temps de cerveau disponible » pour acheter du Coca-cola ne sont pas nouveaux. Mais, nous sommes aujourd’hui entrés dans le « dur » c’est à-dire dans l’organisation du verrouillage de la société directement en opposition à la liberté d’expression et à la liberté du choix politique que celle-ci conditionne. Le vote de la loi sur l’audiovisuel qui vise à détruire la télé publique pour en faire la chose du pouvoir et non la garantie de l’information des Français est un acte grave qui nous ramène 40 ans en arrière. Le flicage qui se met en place par un fichage généralisé que George Orwell n’aurait osé imaginé est la deuxième pièce du puzzle.(…) La 3éme étape est la mise en coupe réglée de la justice par la privation de moyens, la suppression de toute indépendance de la magistrature et donc de la confiance nécessaire du justiciable dans son juge. (…) Désinformation, surveillance généralisée et une justice aux ordres sont les manifestations d’une société qui tourne le dos aux droits de l’Homme. Certes, le terrorisme, la violence et même les incivilités doivent être combattus. (…)Et l’outil majeur est précisément la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, qui réunit l’un et l’autre car toucher à l’un, c’est nuire à l’autre. Pour y tourner le dos, nous risquons de compromettre un équilibre déjà fragile et de nous exposer au retour à la barbarie ».

Dans notre situation qui pourrait tourner  à la catastrophe comme en Grèce, la France prétend en s'entretenant avec le DalaÏ Lama. donner des leçons à la République Populaire de Chine. Voilà bien l'arrogance française dont nous sommes généralement taxés à l'étranger. Le dictionnaire Littré définit comme suit l'arrogance : “Orgueil accompagné de manières hautaines et de prétentions téméraires”.  Mais c'est aussi le participe présent du verbe arroger qui signifie s'attribuer mal à propos quelque chose (qu l'on a pas, comme souvent un privilège ou un droit).).

 Or la République Populaire de Chine reproche à la France d'intervenir dans ses affaires intérieures à propos de Tibet qui fait partie intégrante constitutionnellement de la République chinoise une et indivisible. Verrait-on la Chine se mêler du sort des indépendantistes basques détenus dans le triste état des prisons françaises ?

Au demeurant, la République française veut oublier la résolution 2131 (votée par l'assemblée générale des Nations Unies le 21 décembre 1965) portant “Déclaration sur l'inadmissibilité de l'intervention dand les affaires intérieures des Etats et la protection de leur indépendance et de leur souveraineté”.

L'article 1 déclare solenellement : “Aucun Etat n'a le droit d'intervenir, directement ou indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d'un autre Etat. En conséquence, non seulement l'intervention armée, mais aussi toute autre forme d'ingérence ou toute menace, dirigées contre la personnalité d'un Etat ou contre ses éléments politiques, économiques et culturels, sont condamnées.”