L’exposition universelle de Paris, 1855 présentée par le prince Napoléon

Par Lafeste

Exposition Universelle de Paris, 1855

RAPPORT

sur

L’EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1855,

INTRODUCTION,

Sire,

Je viens mettre sous vos yeux le Rapport général sur L’exposition universelle de 1855, et compléter ainsi la mission que vous m’avez donnée.

Les détails dans lesquels je vais entrer sont arides, mais ils ont leur utilité; j’ai cru d’ailleurs qu’il ne m’était permis de rien omettre dans l’exposé des travaux de la Commission impériale.

Votre Majesté reconnaîtra qu’il a fallu surmonter bien des difficultés pour que cette œuvre, entreprise et réalisée au milieu des préoccupations les plus graves, prît rang parmi les faits mémorables de notre époque. Mon premier devoir est de remercier les hommes de talent qui m’ont secondé avec tant de dévouement. Je me suis appliqué à rassembler dans ce Rapport les enseignements qu’on peut puiser dans les expositions passées, et que j’ai considérés comme les plus propres à indiquer la marche à suivre dans les expositions futures.

Les expositions universelles sont une nécessité de notre temps. Sans porter atteinte aux nationalités, éléments essentiels de l’organisation humaine, elles fortifient les généreuses influences qui convient tous les peuples à l’harmonie des sentiments et des intérêts. L’observation qui m’a frappé tout d’abord, c’est que de ces grands concours jaillit une fois de plus la preuve que les sociétés modernes doivent marcher vers la liberté. En examinant la provenance et l’origine des richesses étalées sous nos yeux, j’ai pu constater que la supériorité industrielle d’une nation dépend par-dessus tout de sa moralité et de son esprit d’initiative individuel.

Vue du Palais de l'Exposition universelle de 1855

Je tiens à revendiquer pour la France la première idée d’une Exposition universelle. Dès 1849, la proposition en avait été faite dans nos assemblées législatives. Si l’Angleterre nous a précédés dans l’application, il faut l’attribuer aux événements politiques, à certains intérêts trop faciles à effrayer, et aussi à la différence du génie des deux nations, l’une plus prompte à concevoir, l’autre à réaliser. Mais le succès de l’Exposition universelle de Londres excita notre émulation. A peine les portes du Palais de Cristal étaient-elles closes que de toutes parts on se mit à réclamer pour Paris l’honneur d’un semblable concours.

Votre Majesté voulut satisfaire à ce vœu de l’opinion publique.

Le 8 mars 1853, une Exposition universelle des produits de l’Industrie fut décrétée; elle devait s’ouvrir le Ier mai et se fermer le 3o septembre 1855.

Si la France se laisse trop souvent devancer dans la réalisation des idées que son génie fait éclore, elle leur donne, quand elle les applique, un caractère particulier qui les élève et les grandit. C’est ce que Votre Majesté a prouvé, quand, à l’Exposition universelle des produits industriels, Elle a joint une Exposition universelle des Beaux-Arts. Le décret qui institue cette Exposition est du 22 juin 1853. Il est précédé de considérants remarquables qui en font ressortir l’esprit,

La direction des expositions nationales est confiée habituellement à l’administration de l’agriculture et du commerce, et à celle des Beaux-Arts. Dans une circonstance aussi importante, et en présence des questions nouvelles qui allaient se présenter, Votre Majesté crut devoir, ainsi que cela avait eu lieu à Londres, nommer une Commission spéciale, que je fus appelé à l’honneur de présider.

Le décret qui institue la Commission impériale est daté du 2 h décembre 18 5 3 ; il la divise en deux sections : la section des Beaux-Arts et la section de l’Agriculture et de l’Industrie.

Sont nommés membres de la section des Beaux-Arts :

  • MM. Baroche, président du Conseil d’état;
  • E. Delacroix, peintre, membre de la Commission municipale et départementale de la Seine;
  • Henriquel-Dupont, membre de l’Institut;
  • Ingres, membre de l’Institut;
  • Mérimée, sénateur, membre de l’Institut;
  • Comte de Morny, député au Corps législatif, membre du conseil supérieur du commerce, de l’agriculture et de l’industrie;
  • Prince de la Moskowa, sénateur;
  • Duc de Mouchy, sénateur, membre du conseil supérieur du commerce, de l’agriculture et de l’industrie;
  • Marquis de Pastoret, sénateur, membre de l’Institut ;
  • MM. De Saulcy, membre de l’Institut, conservateur du Musée d’artillerie; Sïmart, membre de l’Institut;
  • Visconti, membre de l’Institut, architecte de l’Empereur.

Sont nommés membres de la section de l’Agriculture et de l’Industrie :

  • MM. Elie de Beaumont, sénateur, membre de l’Institut;
  • Billault, président du Corps législatif;
  • Blanqui, membre de l’Institut, directeur de l’École supérieure du commerce;
  • Michel Chevalier, conseiller d’Etat, membre de l’Ins­titut ;
  • J. Dollfus, manufacturier;
  • Arlès-Dufour, membre de la chambre de commerce de Lyon;
  • Dumas, sénateur, membre de l’Institut;
  • Baron Charles Dupin, sénateur, membre de l’Institut;
  • Comte de Gasparin, membre de l’Institut;
  • Gréteriis, conseiller d’Etat, directeur général des douanes et des contributions indirectes;
  • Heurtier, conseiller d’Etat, directeur général de l’Agriculture et du Commerce ;
  • Legeistil, président de la chambre de commerce de Paris ;
  • MM. Le Play, ingénieur en chef des mines;
  • Comte de Lesseps, directeur des consulats et des affaires commerciales au ministère des affaires étrangères ;
  • Mimerel, sénateur;
  • Général Morin, membre de l’Institut, directeur du Conservatoire impérial des arts et métiers;
  • Emile PEreire, président du conseil d’administration du chemin de fer du Midi;
  • Général Poncelet, membre de l’Institut;
  • Regnault, membre de l’Institut, administrateur de la Manufacture impériale de Sèvres;
  • SAllandrouzi:, manufacturier, député au Corps légis­latif;
  • Schneider, vice-président du Corps législatif, membre du conseil supérieur du commerce, de l’agriculture et de l’industrie;
  • Baron Achille Seillière; Seydoux, député au Corps législatif; Troplong, président du Sénat, premier président de la Cour de cassation, membre de l’Institut; Maréchal comte Vaillant, grand maréchal du Palais, sénateur, membre de l’Institut.

En cas d’absence de ma part, la Commission générale devait être présidée par le ministre d’État ou par le ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics.

En cas de réunion distincte des sections, celle de l’Industrie devait être présidée par le ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics; celle des Beaux-Arts, par le ministre d’Etat.

Par un décret du 6 avril 1854, l’ambassadeur d’Angleterre fut nommé membre de la Commission impériale, comme notre représentant à Londres l’avait été de la commission anglaise en 1851.

La tâche dévolue à la Commission impériale était considérable : il fallait pourvoir à ce que l’appel de la France rencontrât partout un écho sympathique ; terminer, approprier et compléter les bâtiments nécessaires à l’Exposition ; faciliter aux artistes et aux industriels les moyens de nous faire parvenir leurs œuvres ou leurs produits; simplifier une foule de difficultés soulevées par notre législation et nos règlements administratifs ; tracer pour un fait exceptionnel tout un ensemble de règles exceptionnelles; organiser de vastes services dont les premiers éléments n’existaient pas; choisir un personnel pour une administration nouvelle , sans traditions ou avec des précédents qu’il était essentiel de modifier; veiller aux travaux et aux opérations du jury; distribuer les récompenses de façon à honorer tous les mérites et à ne froisser aucune juste susceptibilité; faire enfin grandement les honneurs de la France à tous les peuples du globe, dont Paris serait pendant six mois le rendez-vous.

L’ensemble des travaux de la Commission impériale embrasse une période de plus de deux années. Ma présidence effective n’a duré que quatre mois en 1854 et les dix derniers mois de 18 5 5. Votre Majesté m’ayant appelé à l’honneur de servir la France, en commandant une division de l’armée d’Orient, j’ai été absent du Ier avril 1854 au Ier février i 855. Ce qui a été fait dans cet intervalle échappe, par conséquent, à ma responsabilité. C’est pendant ce temps que surgissait la question si grave des bâtiments; je l’ai trouvée engagée à mon retour.

Je m’empresse de reconnaître que les plus louables efforts ont été faits par la Commission impériale pour tirer parti d’une situation difficile. Mais, en me plaçant à la tète de l’Exposition universelle, Votre Majesté na pas voulu seulement m’accorder une marque de confiance, Elle a prétendu me fournir la possibilité d’être utile à la France, et je tiens à marquer nettement dans quelles limites il m’a été donné de remplir mon mandat.

Le compte rendu que je présente à Votre Majesté doit être la représentation fidèle du développement de l’Exposition universelle; il doit la prendre à son origine, décrire toutes ses transformations, la suivre dans ses progrès successifs, pour la conduire jusqu’au moment où elle cesse, et indiquer enfin les conséquences qui en résultent et les enseignements qu’elle a laissés après elle. Ces considérations m’ont conduit à diviser ce travail en cinq parties correspondant aux périodes que je viens d’indiquer.

La première partie, que j’appelle de Constitution et d’Organisation, comprend la discussion des règlements, l’établissement de l’administration, l’organisation des comités français et étrangers et du jury international; en un mot, tout ce qui concerne la législation et la préparation de l’Exposition universelle.

La seconde partie, celle de l’installation, comprend les travaux relatifs à la question des bâtiments, à la répartition de l’espace, à l’installation et à l’arrangement des œuvres d’art et des produits, aux mesures d’ordre et de surveillance, en général à tout ce qui touche à l’aménagement.

La troisième partie comprend les travaux relatifs à f Appréciation et aux Récompenses, c’est-à-dire les opérations du Jury international, les expériences et études, les décisions relatives aux récompenses.

La quatrième partie, qui est la Liquidation, renferme tous les travaux destinés à clore l’Exposition universelle.

J’ai, enfin, complété mon travail par des observations que l’expérience m’a suggérées et qui peuvent servit’ d’enseignement pour les Expositions futures. Ce sont des considérations générales, dont quelques-unes touchent aux questions les plus délicates de l’économie des sociétés ; je les ai groupées dans la cinquième et dernière partie, qui forme la Conclusion de ce Rapport.

Veuillez agréer, Sire, l’hommage du profond et respectueux attachement avec lequel je suis,

De Votre Majesté,

Le très-dévoué cousin.

NAPOLÉON.

Souce CNAM