La politique dans le couple

Publié le 23 août 2009 par H16

C’est dimanche, il fait beau et l’actualité politique est assez calme. Fillon fait un petit tour en Bretagne, Sarkozy se livre des pizzas en frétillant d’impatience pour demain, lundi, où il ouvrira à nouveau les vannes à amphétamines, et les socialistes continuent à se bouder les uns les autres dans la plus grande amitié. C’est donc relativement décontracté que je peux me consacrer à la cuisson du poulet dominical et à la réponse d’une question essentielle, qui bruisse actuellement sur la blogosphère et qui me fut relayée par b.mode de Ruminances : Peut-on vivre à plein temps avec une moitié de droite (si l’on est à soi-même à gauche), ou à gauche (si l’on est soi-même à droite) ?

Que voilà une question palpitante en ce qu’elle m’oblige à décrire une situation de science-fiction : il me faut en effet imaginer une réalité alternative où ma femme aurait l’impudence, le consternant mauvais-goût et l’aveuglement étrange d’avoir des opinions politiques différentes des miennes.

Comme je l’ai choisie avec soin, sélectionnée parmi les – évidemment – très nombreuses prétendantes qui se bousculaient au portillon (c’est ça, d’être un libéral multi-millionnaire avec mocassins à glands), il va de soi qu’elle sait à la fois faire la cuisine, sauf le dimanche car c’est moi qui régale, élever avec tendresse et fermeté ma nombreuse progéniture, être une vraie bombasse au lit et ne parle jamais politique tout en pensant, dans son for intérieur, que j’ai puissamment raison.

Notre mariage repose d’ailleurs sur le contrat tacite que les opinions publiques de la famille en matière de vêtements pour nos enfants, leur apprentissage de la lecture, ou le comportement à adopter chez des amis relevaient de la compétence de ma femme, alors que je serais en charge des relations extérieures et des déclarations officielles de notre foyer concernant l’Iran, les pignouferies de Sarkozy ou la réforme de la justice en France.

Simple, non ?

Ici, j’en profite pour mettre le four en marche.


Miam. Slurp.

En réalité, s’il y a bien quelque chose de mauvais goût, c’est de parler politique entre époux.

C’est une mauvaise politique.

A table, il y a toujours le risque, non négligeable, de se prendre un plat (parfois chaud) sur la figure, un coup de fourchette, ou de se retrouver avec une semelle à la place du steack. Au lit, c’est une telle incongruité que c’en devient même contre-productif : parler Fillon ou Aubry au milieu de nuisettes vaporeuses, c’est totalement refroidissant.

Parler politique, ça ne peut s’envisager que dans des lieux de débauche alcoolisés, dans des fumoirs de club sélects où les libéraux en haut de forme, un verre de cognac en main, se retrouvent pour gérer la domination des classes laborieuses avec des plans démoniaques, des tuyaux boursiers et où ils échangent leurs derniers cartons d’invitation au Bildberberg. La routine, quoi.

Là, j’ai retourné le poulet. L’atmosphère se parfume des effluves du volatile qui cuit doucement. Mes narines frémissent.


Un magazine de bon goût !

Mais au-delà de ces constatations que tout gentleman connaît, il doit cependant être pénible de vivre avec une femme qui serait systématiquement à l’opposé de ses propres convictions politiques ; en tant que libéral, faire les courses, le vendredi soir ou le samedi matin, avec une libertaire anarcho-révolutionnaire deviendrait probablement un petit parcours du combattant pour trouver à la fois les produits qui ne viennent pas de multinationales exploiteuses du prolétariat ou de pays impérialistes, et qui respectent l’environnement, l’équitabilité, l’éco-conscience et, bien sûr, le mangibougisme nécessaire à la survie dans cette société de consommation.

En pratique, les affinités de caractères, celles qui permettent de forger un couple sur la durée, écartent naturellement ce cas extrême. D’autre part, statistiquement, les gens ont tendance à se rencontrer pendant leurs études, ou au travail ou dans des associations plus ou moins lucratives ou de rencontre, lieux où, en général, le comportement de groupe tend à gommer les disparités les plus importantes (ici, je dis bien « tend à gommer » et « disparités importantes », hein).

Le poulet sent bon. Pareil à Actarus se rendant dans le cockpit de Goldorak – moins le débat relatif – , il va se retourner encore une fois, zip zoup, et sera à point pour rejoindre quelques frites goûtues.

Et comme c’est une chaîne, je tagge à tous hasard Aurel, l’Hérétique, Criticus et Toréador, en leur rappelant la question initiale : pour supporter votre conjoint(e) qui est d’un autre bord politique que vous, quel petit plat succulent préparez-vous le dimanche ?

Miam.