Amours fragiles – T.4 de Philippe Richelle et Jean-Michel Beuriot

Par Manuel Picaud

Aryanisation de l’économie…
L’une des séries les plus réussies sur la Seconde Guerre mondiale, Amours fragiles, publie son T.4. Rien à voir avec les grandes manœuvres militaires. Philippe Richelle préfère évoquer cette période tragique en s’intéressant au destin de jeunes allemands à partir de 1932. Après les deux premiers tomes aux titres de saison qui situent le contexte, les suivants s’intéressent plus précisément à deux héroïnes Maria dans le T.3 et Katarina dans le T.4. Le fil rouge reste le personnage principal Martin Mahner, jeune allemand cultivé et romantique, épris par ces deux jeunes et belles femmes. Hostile au nazisme, il est pourtant enrôlé dans l’Armée où il est devenu lieutenant. Basé près de Cologne, il a demandé son affectation sur Paris où il espère retrouver Katarina, son ancienne voisine juive qui a fui le régime hitlérien dès les premières heures.
Paris - 1940. L’ignoble chasse aux juifs a commencé. Sous l’intitulé « aryanisation de l’économie », les entreprises aux capitaux juifs doivent se faire connaître auprès du Comité Générale aux Questions juives, poser un plaque d’identification. Puis voir leurs dirigeants juifs remplacés par des administrateurs provisoires chargés de trouver un repreneur, à vil prix bien sûr. Les avoirs en banque ou chez le notaire sont confisqués. Viendra ensuite le port obligatoire de l’étoile jaune avant les rafles et la déportation. C’est le thème principal de cet épisode qui verra Pierre Lion, l’oncle de Katarina – devenue Catherine - tenter mollement d’échapper - en vain - à cette spoliation doublée d’humiliations. En fait seule la fuite en zone libre serait la solution. Mais en auront-ils la force ou même le temps ?

Philippe Richelle nous présente de manière factuelle les rouages infernaux de cette époque au quotidien en observant tous les comportements humains. Il dénonce sans ambigüité le respect désabusé, convaincu ou irréfléchi de lois iniques sauf si leur contournement peut profiter aux intéressés. Son scénario intelligent analyse parfaitement comment tout cela a été possible. Il n’en oublie pourtant pas les relations sentimentales qui semblent difficiles à construire en ces temps aussi troublés pour le timide Martin. L’ensemble des personnages est toujours parfaitement campé. Au dessin particulièrement soigné par les couleurs de Scarlett Smulkowski, Jean-Michel Beuriot poursuit cette série de son trait réaliste, fin et élégant avec toujours plus de brio et d’aisance.
Une saga puissante sur les années 40 à l'image des Carnets d'Orient de Jacques Ferrandez sur l'Algérie française.
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Amours fragiles – T.4 : Katarina – de Philippe Richelle (scénario) Jean-Michel Beuriot (dessin) et Scarlett Smulkowski (couleurs) – Casterman – 15,00 € - 19 août 2009