La liberté d'expression sur la blogosphère

Publié le 01 septembre 2009 par Cyroul

Il y a 1 an presque exactement, je publiais

Plus sérieusement, il était temps de faire un point sur la liberté d’expression sur Internet en général et sur la blogosphère en particulier. Mais aujourd’hui, un an après, on en est où ?

L’état de la blogosphère

La pratique du blogging est maintenant devenue un usage contemporain, qui ne s’arrêtera plus (ou évoluera pour s’intégrer aux réseaux sociaux, mais le principe restera le même). Les statistiques de 2008 nous donnent 133 millions de blogs dans le monde (ceux indexés par Technorati depuis 2002) pour 346 millions de lecteurs (comScore mars 2008) soit environ 77% des utilisateurs actifs d’Internet.

En 24h, environ 900 000 billets sont publiés dans 81 langues différentes (en juin 2008).

A propos des blogueurs, 50% d’entre eux ont 18 à 34 ans, 55% d’entre eux boivent plus de 2 cafés par jour et 59% bloguent depuis plus de 2 ans. 79% bloguent à propos de sujet d’intérêts personnels (rien à avoir avec le travail). 46% à propos de leur expertise professionnel et 12% pour leur entreprise (certains blogueurs ayant plusieurs blogs, le total ne fait pas 100%).

Cette progression de cette pratique est suivie par une progression équivalente de la répression. L’usage trop libre de l’expression personnel semble gêner certains gouvernements.

Bloguer peut être un crime dans certains pays

Alors dans le monde, les arrestations se multiplient. Les exemples sont hélas trop nombreux mais on parle eKareem, ou encore de certains pays se spécialisent dans la répression des internautes. L’Iran (entre autres) où l’on peut arrêter un jeune pour envoi d’email ou encore laisser mourir un blogueur dans ses prisons.

Mais vous vous dites qu’il s’agit de blogueurs étrangers, issus de pays totalitaires, autocratiques ou à régimes autoritaires. Vous vous dites peut-être même qu’ils l’ont mérité d’une fa=çon ou d’une autre en parlant de choses interdites (la dissonance cognitive de certains n’a pas de limites).

Seulement dans les pays “démocratiques” aussi la cyber-répression existe

La preuve avec l’affaire de la mannequin canadienne Liskula Cohen, qui a remporté récemment une victoire devant un tribunal new-yorkais contraignant Google à dévoiler l’identité d’une blogueuse qui publiait en ligne des commentaires diffamatoires à son égard (lire Les blogueurs anonymes et virulents devraient réfléchir avant d’agir - où l’auteur confond manifestement un auteur de commentaire et un blogueur).

Ahhh, ces procès américains…

Sauf qu’en France aussi les arrestations commencent, avec le dernier cas d’qui risque 12 000 euros d’amende pour une prise de position envers un magistrat sur son blog. Ou encore Nadine Morano demandant à Dailymotion et Youtube d’identifier les auteurs de commentaires jugés insultants (via une réquisition judiciaire de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne – oui les gros moyens pour une petite politicienne).

La bataille du contrôle du web

Mais comment une secrétaire d’état, toute polititienne abusive qu’elle est, peut-elle demander des comptes à un blogueurs ou un commentateur ? D’après l’excellent article la confusion que font les tribunaux  entre un citoyen et un internaute.

Quand je surfe sur Internet, suis-je encore citoyen Français ? Ou suis-je Internaute mondial ? Question primordiale que personne ne veut se poser. Cela risquerait à dire qu’Internet est un territoire aux règles différentes de celles de la vraie vie. Et aucun gouvernement n’a envie que ses électeurs aille se promener dans des territoires qui ne sont pas les siens. Alors on préfère trancher avec un Internaute = citoyen et en clamant que l’internaute a les mêmes droits et devoir qu’un citoyen français. Ce qui est très con quand je vais discuter sur un forum américain.

Un glissement de sens qui réduit forcément les libertés de l’internaute. Glissement fatal, car si n’importe qui peut demander des comptes à l’auteur d’un commentaire (ou par extension d’un article de blog), le web, la blogosphère et tous les outils de publication d’Internet vont se voir censurés. Et le web retrouverait alors la fadeur et le consensus propre aux médias actuels (TV, radio et journaux) pétris de terreur à la pensée d’un procès ou pire de l’opprobre du gouvernement actuel. Un consensus qui bénéficierait aussi bien aux politiciens qui menacent qu’aux stars qui veulent contrôler leur réputation. La fin de la liberté d’expression absolue sur le web.

C’est l’objectif que le gouvernement français a essayé d’atteindre cette année avec la fameuse loi Hadopi (loi cyber-liberticide censée aider les petits groupes de musiques à mieux gagner leur vie). Cette loi, basée sur le mythe préfabriqué du méchant pirate proposait, ni plus ni moins, des moyens de surveiller l’activité des internautes sur le réseau des réseaux, en instillant l’idée d’un label de qualité de sites web. Heureusement, grâce au mouvement d’intérêt de certains partis politiques, mais aussi au hasard, Hadopi a été abandonné. Youpi ? Non pas youpi. Ce serait mal connaître la volonté de contrôle du gouvernement actuel qui va nous faire passer la loi Hadopi 2 qui cette fois sera capable de surveiller vos emails et en même temps un projet de loi LOPPSI censé endiguer le cyberterrorisme (

Et ailleurs qu’en France ?

En Italie (dont on connaît la douceur démocratique actuelle), le gouvernement propose depuis juillet dernier, le décret Alfano proposant l’obligation à tout blogueur de de rectifier son texte sur demande d’une personne ou d’une marque citée sur son blog, son profil Facebook, sur Twitter dans les 48 h, sous peine d’une amende de 10 000 euros (lire le très bon Pas vu cet été ? La révolte des blogueurs en Italie). Et ne rigolez pas, car un projet de loi autoriserait Obama à couper des pans entiers d’Internet sous le même prétexte de lutte contre le cyberterrorisme.

La guerre pour le contrôle d’Internet commence…

Mais le combat continue !

La justice, perdant pour un temps sa cécité, se met à réfléchir à Internet. Et c’est avec surprise et un grand plaisir que l’on apprend que Valentin Lacambre (hébergeur gratuit qui avait perdu son procès contre Estelle Hallyday), et c’est tant mieux.

L’opinion public s’intéresse en effet de plus en plus aux blogueurs, relayant les informations et forçant les gouvernement à agir de façon plus mesurée (on va pas dire démocratique). Ainsi en Chine on apprend la libération de du cyberdissident Zhang Lin. Et l’on voit également de plus en plus de manifs de soutien de blogueurs (par exemple en Azerbaijan). L’opinion fait pencher la balance et c’est bien.

Il faut remercier le travail de nouvelles associations et structures dont l’objectif est la défense des droits des Internautes. On y retrouve par exemple Internet sans frontièresCommittee to Protect Bloggers et blogueurssansfrontieres.org. Sans oublier les associations connues, qui s’investissent de plus en plus sur la problématique de la censure Internet. En voilà quelques unes pour vous rappeler qu’une crise financière sera toujours moins grave qu’une crise d’expression libre :  Amnesty International, Fération internationale des droits de l’Homme, Global Voices Online, Human Rights Watch, Index on Censorship, Ligue des Droits de l’Homme, Reporters sans frontières, Réseau Education Sans Frontières, The Arabic Network for Human Rights Information, International Campaign for Human Rights in Iran.

Pour conclure

Internet est devenu en 15 ans un lieu d’expression libre. Cette expression dérange et il faut donc la museler par des moyens répressifs (arrestations) ou légaux (loi liberticides). Mais le réseau Internet n’est plus la seule zone d’autonomie temporaire. Il y en a d’autres. Et quand des portions entières d’Internet seront surveillées et policées, d’autres portions permettront tout de même de s’échanger des informations. Car les territoires digitaux ne sont pas comme les territoires réels. Leurs frontières sont techniques ou culturelles et leurs surfaces sont donc infinies.

Il va juste falloir apprendre aux internautes à ne pas rester enclavé dans les zones contrôlées. Changer de point de vue sur les choses, en fait. Et si vous commenciez par supprimer la page par défaut (orange, free, MSN) de votre navigateur ?

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