Rentrée 2009: tableau noir

Publié le 03 septembre 2009 par Forrestgump54

Pas de duperie. À la faveur de la lente maturation estivale ponctuée par la poursuite effrénée des drames sociaux, nous avons donc assisté, incrédules, à une autre maturation non moins pernicieuse. Celle de la fameuse psychose de la grippe A, volontairement maintenue au sommet des préoccupations, comme si certains voulaient qu’elle chasse mécaniquement tous les autres sujets du moment, à l’heure où, par exemple, les portes des établissements scolaires, « principaux menacés » par la pandémie, allaient s’ouvrir… L’opération diversion aurait presque réussi sans la vigilance de nos concitoyens. Ainsi, depuis quelques jours, les premières sorties malhabiles et hésitantes du nouveau ministre de l’Éducation nationale, Luc Chatel, se sont-elles soldées par un trouble évident chez les 850 000 professionnels, qui en ont pourtant vu d’autres…
Puisque Luc Chatel a annoncé qu’il s’inscrivait « clairement » dans la continuité de son prédécesseur, Xavier Darcos, les sujets de grande inquiétude de cette rentrée scolaire ne manquent pas. « Réformes » du primaire, de la formation des enseignants, du lycée, de la formation professionnelle, suppression de l’école le samedi, service minimum, carte scolaire, etc. Depuis deux ans, le gouvernement n’a pas retenu sa hargne pour agresser le monde de l’école par tous les bouts. D’autant que, parmi les nombreux dossiers brûlants, celui des suppressions de postes reste le plus incandescent. Pas moins de 13 500 postes ont disparu en cette rentrée 2009, sans oublier les 16 000 supplémentaires programmés pour l’exercice 2010… Honnêtement, nous avons peine à prendre la mesure de cette érosion systémique qui, progressivement, a non seulement rogné sur l’une des plus belles ambitions de notre pacte républicain (le savoir pour tous), mais a également modifié en profondeur sa raison d’être (un service public d’éducation), provoquant, jusque dans le cœur des enseignants, une crise d’identité sans précédent… Qu’on le sache : entre 2007 et fin 2010, ce seront plus de 50 000 salariés de l’éducation qui auront été sacrifiés ! Victimes : les élèves et l’égalité des chances… donc une certaine idée de la République !
Après, Luc Chatel peut citer autant qu’il le veut Jules Ferry (sic) ou évoquer autant son ambition d’une école « plus juste » en transformant les établissements en « lieux de vie » (re-sic), qui peut croire en sa sincérité ? Un récent sondage CSA montre d’ailleurs, sans surprise, que 79 % des Français estiment que les réductions de postes d’enseignants « auront un effet négatif sur la réussite scolaire »… Comment peut-il en être autrement ? Dans cet univers mental médiacratique qui est le nôtre, essentiellement articulé autour des batailles de communication sophistiquées, la véritable médiation avec la réalité ne reste-t-elle pas celle de la vérité, en particulier la vérité des chiffres et des exemples ? En l’espèce, le décalage se creuse chaque jour un peu plus entre les promesses populistes et la vraie vie, qui s’aggrave au rythme de projets libéraux menés au pas de charge. Aussi, face à ces nouveaux coups, le SNUIPP, dans le primaire, et le SNES, dans le secondaire, envisagent d’ores et déjà de mener une « action préventive » d’ici à la Toussaint. Toutes les initiatives collectives seront les bienvenues.
À ce propos. Tous les syndicalistes sont désormais prévenus. Le gouvernement a décidé d’accentuer sa guerre sans merci contre toutes les formes de résistance, comme en témoigne la condamnation révoltante à des peines de prison avec sursis, hier, des syndicalistes de Continental. La conclusion de ce procès, voulu pour l’exemple par le gouvernement et la direction du fabricant de pneumatiques, témoigne de l’esprit de répression du sarkozysme ambiant véhiculé à tous les étages de la société. Autant le dire, ni la grippe A ni aucun ministre ne nous détournera de l’essentiel.