“Antichrist” : no need to try Trier

Publié le 08 juin 2009 par Kub3

Tout comme Irréversible de Gaspar Noé avait heurté les sensibilités sur la Croisette en 2002, ce fut au tour d’Antichrist de soulever cette année le parfum du scandale. L’argument est d’autant plus vendeur que le film, auréolé du prix d’interprétation féminine pour Charlotte Gainsbourg, bénéficie d’une bonne distribution en salles sur plus de 100 écrans, et-ce malgré son interdiction aux moins de 16 ans.
Décrié par certains, encensé par d’autres, le nouveau Lars Von Trier ne laisse pas indifférent. Au tour de la rédaction de KUB3 de se pencher dessus.

Notre sentiment est unanime. Si nous restons dubitatifs au bénéfice du doute, Antichrist semble bien n’être qu’un indigeste salmigondi de film psychologique et d’horreur, assaisonné d’une touche nauséabonde de pornographie sanglante et de relents mystico-mythologiques. Une seule question récurrente finit par nous envahir : « à quoi bon ? ». Autant un film de David Lynch laisse entrevoir la cohérence d’un univers, autant celui de Lars Von Trier paraît décidément trop abscons et imperméable à toute tentative de compréhension.

Prologue. La tragédie avant la folie, l’apéro avant le « plat de résistance ». Dans leur chalet d’Eden, perdu au milieu de la forêt danoise, Charlotte et Willem, couple anonyme (éponyme ?) font l’amour. Le lyrisme de la musique de Haendel pour Farinelli (cf. le film de Gérard Corbiau en 1994) appuie un noir et blanc au ralenti d’une grande beauté. Pourtant, le drame se profile, irrémédiable. Leur bébé ne fait pas la sieste comme ils le croient. Une fois sauté par-dessus la balustrade de son lit, il échappe à la vigilance de ses parents et s’octroie une échappée dont il ne se remettra pas.

Douleur, deuil, désespoir. Les trois chapitres qui se succèdent plongent Charlotte dans une schizophrénie exacerbée que son amant, par ailleurs psychothérapeute, essaie de guérir. De retour à Eden (en couleur cette fois) pour se confronter à ses phobies, la jeune femme sombre progressivement dans la folie, dans des scènes souvent lentes et contemplatives desquelles il est difficile de discerner la réalité de l’hallucination et du fantasme.

Dans ce huis-clos forestier, Lars Von Trier alterne caméra objective et caméra subjective, et nous égare sur des sentiers peu balisés. Le personnage de Willem, incarnation pourtant de l’homme froid et maître de lui-même, n’est pas épargné par le surgissement du fantastique, voire de l’irrationnel absolu. La figure du renard doté de parole, exemple parmi d’autres, confronte le grotesque et nos peurs les plus élémentaires. « Le chaos règne », dit l’animal. De fait, plus nous progressons dans le film, plus nous perdons pieds.

A défaut de pouvoir comprendre Antichrist, nous exprimons surtout l’ennui, le malaise, puis le dégoût. La dernière demi-heure n’est rien d’autre qu’un déchaînement de violence cathartique. Les sexes saignent et la nature reprend ses droits, à grands renforts de symboliques appuyées sans être pour autant lisibles. Le réalisateur nous assomme alors de quelques plans insoutenables et d’une ambiance profondément malsaine.

Si l’ellipse au cinéma est souvent bien plus efficace qu’une simple démonstration, choquer le spectateur permet de repousser l’expérimentation et de faire évoluer notre rapport à l’image. Mais telle n’est plus la question ici. En nous assénant une violence extrême sans pour autant nous livrer un quelconque message, Lars Von Trier fait surtout preuve d’irrespect. Antichrist ignore son public, frappe, cogne, mais ne nous parle jamais.


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Crédits photos : © Les films du Losange