Un pressentiment

Publié le 07 septembre 2009 par Magda

Paris dans les années 30 : Brassaï, “La colonne Morris”.

Les pressentiments régissent mon univers, me fascinent, me passionnent. Et ce, depuis l’enfance. C’est bien pour cela que j’aime tant le cinéma de Kieslowski (voir article ici) qui mieux que quiconque, réalise des films où l’intuition a toute sa place. Aussi mon amie Madame de… m’a-t-elle mis entre les mains un roman d’Emmanuel Bove, Le pressentiment.

On dit d’Emmanuel Bove qu’il est un auteur oublié, et pourtant, je n’ai jamais autant entendu parler de lui qu’en ce moment. A Paris justement, aux “Trois baudets”, se donne actuellement une pièce de théâtre musical inspiré du roman Mes amis d’Emmanuel Bove : Victor Bâton. Bove, donc, a écrit Le pressentiment. Drôle de titre, peu en lien avec l’histoire qui s’y déroule. Écrit dans les années 30, ce très court roman relate le choix d’un riche avocat de se retirer de son milieu, de sa famille, de sa profession, pour vivre seul dans un misérable immeuble du 14e arrondissement de Paris. C’est là qu’il se rendra compte, bien malgré lui, qu’on ne se défait jamais de sa condition sociale.

C’est une belle histoire, écrite simplement, et qui sonde le cœur d’un homme qui voudrait n’être qu’homme – et non déterminé par sa naissance ni par sa richesse. En cela plutôt révolutionnaire, Emmanuel Bove fait un triste portrait de plusieurs couches sociales, avec une noirceur étrangement philanthrope.

Pourquoi, alors, ce titre de Pressentiment? Seulement pour cette phrase, à la fin du roman : “Maintenant je comprends beaucoup de choses. Charles devait avoir le pressentiment de sa mort”. Une phrase dite à l’enterrement du héros, par un de ses anciens amis, qui n’a jamais pu comprendre qu’on puisse volontairement vouloir se débarrasser de ses oripeaux sociaux et culturels.

Le livre fut adapté par Jean-Pierre Darroussin au cinéma, en 2006.

Emmanuel Bove, Le pressentiment, éditions Points, 8,50 euros.