L'Obscur de Jeanne Labrune

Par Grandlivredumois

Jeanne et le roman formidable
Quelle est la chance de chacun de nous et particulièrement des laissés-pour-compte, d'aller vers une vie nouvelle ? C'est le thème de l'émouvant livre de Jeanne Labrune, cinéaste devenue écrivain. Thomas, trente-cinq ans, lutte désespérément contre l'épilepsie.

Témoin de l'agression de la petite Anna par un adolescent, un miséreux surnommé "Traquette" et deux comparses, et injustement accusé par eux, Thomas se retrouve en hôpital psychiatrique. Il trouve la force d'en sortir puis, grâce à l'exigeante et anorexique Marie, d'aller à la rencontre de Françoise, la mère d'Anna. Partagé entre le désir qu'il éprouve pour Françoise et l'attirance plus trouble qui le pousse vers Marie, Thomas guérira-t-il de ses blessures ?

L'interveiw

Est-il vrai que votre roman soit né d'une déception de cinéaste ?
Jeanne Labrune
: Oui, en avril 2006, le film que je préparais s'est arrêté pour des raisons financières, j'ai éprouvé le besoin d'oublier le cinéma pour quelques mois et de faire un acte strictement littéraire.

Mais L'Obscur ne parle pas de cinéma...
Jeanne Labrune
: Non, L'Obscur n'a rien à voir avec le cinéma. C'est un roman et, à ce titre, c'est sans doute une métaphore par laquelle je tente d'exprimer la relation que j'entretiens avec le monde d'aujourd'hui qui est guetté par l'obscurantisme. Je partage avec certains de mes personnages l'idée qu'il faut maintenir envers et contre tout la transmission de la culture dans ce qu'elle a de plus exigeant, le goût de la lucidité, du sang-froid, et se méfier du populisme. Mais ce roman ne prétend porter aucun message, c'est plutôt une vision que je découvrais en l'écrivant. J'ai écrit au fil de la plume, pendant quatre mois, sans jamais savoir où tout cela allait me conduire. C'est troublant.

Vos personnages sont des êtres marginaux qui se cherchent et qui cherchent à agir à contre courant. Vous, Jeanne Labrune, que cherchez-vous ?
Jeanne Labrune
: Sont-ils marginaux ? Je ne sais pas. Peut-être le sont-ils parce qu'ils ont une extrême conscience de ce que la vie est une longue marche au bord d'un précipice. Ils détestent le relâchement, l'acceptation des idées toutes faites, les comportements grégaires, ils trouvent leur plaisir dans l'effort et le dépassement. Pour moi, je ne sais pas ce que je cherche, si je le savais, je m'arrêterais de chercher. Ce qui m'importe, c'est précisément de maintenir le mouvement, d'être de ce monde, d'y vivre et d'y oeuvrer mais en gardant cette légère distance qui permet de le regarder comme le déroulement d'une pièce de théâtre dont on serait tour à tour l'acteur et le spectateur, parfois les deux ensemble, sachant que la pièce qui se joue est une dangereuse improvisation.