Chambre Verte - Willy DeVille

Publié le 07 août 2009 par Novland



Un soir avant l'un de mes concerts à l'Olympia, on m'offrit un coffret de deux disques d'Edith Piaf. Bien que ravi par ce cadeau que ne pouvait que me convenir, je le laissais toutefois dans ma loge, posé sur la table de maquillage. Le show m'attendait, le show n'attend jamais, le cadeau pouvait attendre... Une fois ma prestation terminée, satisfait et un peu épuisé, je revins assez vite me reposer dans le cocon du backstage. Ma loge était restée fermée à clé et mon cadeau était toujours là. C'est alors qu'après quelques secondes d'une douce léthargie commune avec Toots, ma femme (un autre cadeau), soudain, et comme électrisée par la surprise, cette dernière me montra quelque chose d'indéfinissable et de totalement incongru : Là sur la table de maquillage il y avait les traces d'un baiser au rouge à lèvres rose ! " Mais qu'est-ce que c'est que ça ? Ce n'est pas ma couleur !" dit Toots "Je ne sais pas" lui répondis-je penaud, "Je n'étais pas là !" "Ce n'est pas ma couleur" reprit-elle. "Évidemment" lui dis-je, "Je ne vois pas pourquoi tu embrasserais la table de maquillage !" Ma femme un peu furieuse prit alors une serviette qui traînait par-là et elle tenta vigoureusement d'effacer ce baiser douteux, elle n'y parvint pas, il était ineffaçable, rose et indélébile ! Nous ne savions pas d'où il pouvait bien venir ce baiser, la loge était restée fermée à clé pendant toute la durée du show et seule le coffret ouvert avec ses deux disques de Piaf à l'intérieur, qui semblaient à présent nous narguer, y avait séjourné ! Avant le sound-check, l'après-midi, j'étais venu tenter d'évoquer les esprits. L'esprit de l'Olympia, celui de Piaf... J'avais marché doucement dans les coulisses, sur la scène vide, au balcon, je me demandais si le théâtre avait beaucoup changé depuis... elle : Piaf... Il y avait quelque chose que je n'arrivais pas à saisir. Quelque chose de bizarre. L'esprit ne se montrait pas. Il n'était pas là. J'avais envie de dire : "Je sais que tu es là, mais tu te caches !"
Quelquefois c'est, comme ça, on recherche en vain l'esprit, il se cache et quand on ne l'attend plus, une minute après le show, il commence seulement à tourner autour de vous. Alors plus qu'il ne vous apparaît, il vous saisit et vous embrasse. C'est ce qui se passa ce soir-là, enfin il me semble...

(Le tout en brodé à partir d'un antédiluvien Rock&Folk. Il y a de pire patron)