Des objectifs manuels et des boîtiers numériques chez Pentax...

Publié le 10 septembre 2009 par Sid

J

e viens de m'offrir une antiquité. Un de ces magnifiques vieux cailloux : un smc Pentax K 200mm f/2.5 avec une optique en parfait état. Si on considère que cet objectif a été produit entre 1979 et 1986, il est plus vieux que certains de mes lecteurs. Mais avant d'apprécier la satisfaction de shooter avec cet objectif presque exceptionnel aujourd'hui, encore faudrait-il pouvoir l'utiliser.

Car si on vous vante la célèbre monture K qui équipe la quasi-totalité des reflex de la marque comme offrant une parfaite compatibilité dans tous les sens entre les objectifs et les boîtiers, ça ne s'avère pas tout à fait exact. En effet, si vous montez un tel objectif sur votre boîtier numérique Pentax, ce dernier refusera tout simplement de prendre le moindre cliché. Aussi je me propose de synthétiser ici pourquoi ça ne marche pas, et in fine le plus intéressant, à savoir comment y remédier.

Avant de commencer, je tiens à préciser que la question de l'utilisation des objectifs entièrement manuels[1], dits K ou M et prévus pour la monture K originale, sur les boîtiers numériques Pentax est déjà pas mal documentée sur le net. Cependant, je n'ai pas trouvé de page qui regroupe l'intégralité des informations que j'ai pu glâner ça et là. Aussi je vais m'essayer au difficile exercice d'en rassembler ici l'essentiel, tout en référençant les sources qui m'ont paru les plus intéressantes sur la question, évidemment.

D'abord, pourquoi le boîtier refuse-t-il obstinément de déclencher ? Pour comprendre, il faut savoir comme se fait la mesure d'exposition car c'est elle qui pose problème en définitive. En fait, aussi surprenant que cela puisse paraître à ceux qui ne sont pas familiers des reflex, la mesure d'exposition se fait généralement à pleine ouverture, principalement pour ne pas assombrir la visée. Lorsqu'on shoote en automatique ou semi-automatique[2], la valeur d'ouverture réelle qui servira pour le calcul de l'exposition est déduite du nombre de stops qui sépare l'ouverture maximale de l'objectif de celle qu'on[3] a programmée. D'où la nécessité pour le boîtier de recevoir des informations de la part de l'objectif.

Sur la monture K, le boîtier lit l'ouverture courante par le truchement d'une came dont le déplacement est linéaire en stops. Ça ne donne pas l'ouverture proprement dite, mais le nombre de stops qui la séparent de l'ouverture maximale, ce qui suffit au boîtier pour mesurer l'exposition et fonctionner en mode Av. Ensuite est apparue la monture KA, laquelle permet à un boitier compatible de commander l'ouverture et donc de travailler aussi en mode Tv. Cette monture récupère les informations dont elle a besoin via des contacts par lesquels l'objectif transmet sa plage d'ouverture. Le diaphragme est contrôlé via l'ergot prévu à cet effet mais dont le déplacement est à présent linéaire en stops. La génération suivante, la monture autofocus KAF ajoute un contact data pour la transmission des informations par l'objectif qui se fait alors électroniquement. Ceci qui permet nettement plus de possibilités : ouverture, focale, distance, MTF, etc. C'est la méthode utilisée depuis.

Le système de feedback mécanique de l'ouverture de la monture K ayant été jugé obsolète, il a été supprimé des boîtiers récents, parmi lesquels les boîters numériques. C'est la monture que les puristes appellent le "crippled KAF mount". Crippled parce qu'elle est incapable de gérer un objectif manuel de manière normale, puisque ce retour de valeur d'ouverture n'est pas disponible.

De fait, un boîtier numérique va refuser de déclencher, en vous affichant un joli F-- en valeur de focale. Sauf qu'évidemment, on peut contourner ce problème et utiliser des objectifs manuels sur ces boîtiers. Pour cela, il faut activer le menu "C Réglage perso", aller chercher le paramètre "Utilis bague diaphra"[4] et l'activer[5]. Ceci va autoriser le déclenchement sans valeur de focale. Reste tout de même à régler le problème du calcul de l'exposition. Là, vous avez deux choix. Soit vous vous placez en mode Av et votre boîtier ne shootera qu'à pleine ouverture en mesure directe. Soit vous utilisez la méthode dite "stop down" en mode M via le bouton vert[6]. En gros, vous réglez la bague de diaphragme et faites le point. Lorsque vous appuyez sur la touche verte, la boîtier relâche le diaphragme qui va venir se fermer à l'ouverture spécifiée et fait la mesure. Ensuite il vous rend la main, vous n'avez plus qu'à déclencher. Super simple, à un tout petit détail près. Dans le menu "C Réglage perso" encore une fois, vous pouvez configurer le rôle de la touche verte en modes TAv et M. Il faut le positionner pour calculer la vitesse, puisqu'on fonctionne à ouverture constante, donc en mode Av à partir l'objectif.

À partir de là, ça marche du tonnerre, et en plus ça impressionne les gens de vous voir travailler pas comme eux :)

On notera que cette méthode s'applique à tous les objectifs manuels sur monture K, ainsi qu'aux objectifs Leica convertis par bague Leitax, et aux objectifs en montures M42 converties en K.

Arrivé là, on frime et tout et tout, n'empêche qu'on aimerait quand même bien pouvoir faire mieux. Parce que typiquement, il va encore nous manquer des fonctionnalités. Genre pouvoir disposer d'un vrai mode Av, de la mesure multizone vu que l'utilisation d'un objectif manuel nous bloque en pondéré central, la mesure P-TTL au flash et, plus cosmétique certes, la fourniture de l'ouverture[7] dans les données EXIF. En fouillant bien, je suis essentiellement tombé sur trois articles qui parlaient de ce genre de bidouille.

Le premier nous explique comment transformer un objectif K ou M en KA sur de vieux boîtiers dans le but d'activer la mesure multizone. Cette page a l'avantage de détailler le mécanisme de transmission des informations sur la monture KA. Comme indiqué, cette technique ne marche pas sur les nouveaux boîtiers. Las...

Et puis il y a l'excellent article sur la bonne utilisation des objectifs manuels que je référençais plus haut qui décrit lui aussi une modification à base de scotch et de papier alu. Cette technique, bien qu'inutilisable de façon régulière, a le mérite de fonctionner : tout tient en fait au court-circuit du contact A qui permet au boîtier de différencier un objectif manuel d'un KA, ce que ne faisait pas l'auteur précédent. Le problème de cette seconde méthode, c'est qu'à l'inverse de la précédente, elle se contre-fiche du code transmis par les autres contacts et fait que le boîtier se voit soudain équipé d'un objectif dont la plage d'ouverture va de f/1.2 à f/22. Ce qui ne manquera pas d'entraîner des soucis de mesure d'exposition vu que calcul de l'ouverture réglée va être faussé.

C'est là qu'intervient une troisième méthode qui reprend les deux précédentes en même temps, de manière durable modulo quelques coups de tournevis. En procédant ainsi, on parvient à faire reconnaître son objectif K ou M comme un objectif KA, avec la bonne plage d'ouverture, et on shoote avec la bague de diaphragme en ouverture minimale parce que c'est là qu'elle offre le plus grand débattement à la came du boîtier. Et on pourrait se croire heureux...

Sauf que ce n'est malheureusement pas si simple. Un boîtier pilote l'ouverture de l'objectif via une came, nous l'avons vu. Sur les boîtiers K, cette came fonctionne en "stop down". Sur les boîtiers KA et suivants, le positionnement va se faire directement. Dans ce cas, on positionne la bague d'ouverture de l'objectif en position A et on n'y touche plus. Tant et si bien que la bague d'ouverture a tout simplement fini par disparaître des objectifs modernes. Bref. À ce stade, il est légitime de se demander pourquoi un boîtier K ne pourrait pas faire la même chose. Le problème, c'est que sur un objectif K, le déplacement de cette came est proportionnel au diamètre du l'ouverture, alors que sur un objectif KA, c'est par rapport à la surface que ça se fait, d'où un déplacement linéaire en stops.

Revenons donc à nos moutons. Si vous faites cette modification, votre boîtier va penser se retrouver en face d'un objectif KA et pilotera son ouverture en déplaçant linéairement sa came selon votre réglage. Or ce déplacement linéaire ne coïncide pas avec celui de l'objectif, et vous allez avoir des problème d'exposition comme démontré par l'auteur de la méthode. En outre, vous n'allez plus pouvoir travailler en "stop down" puisque votre boîtier pense que ce n'est pas la peine...

À partir de là, je vois plusieurs solutions :

  • soit vous utilisez la dernière méthode en essayant de trouver une plage de valeur qui fonctionne relativement bien[8], quitte à retoucher les images par la suite ;
  • soit vous utilisez la même modification, mais vous shootez avec la bague à la même ouverture que celle spécifiée sur le boîter en espérant que la diaphragme sera bloqué par le réglage de la bague et non par la came du boîtier, ce qui suppose là encore de trouver une plage de valeur qui va entraîner ce comportement, mais qui devrait vous amputer des plus petites ouvertures[9] ;
  • soit vous éliminez le problème de la came en coupant l'ergot de l'objectif, auquel cas, après avoir entré une valeur sur le boîtier, vous ferez la mesure et le point en ouvrant la bague au maximum, puis vous la replacerez à l'ouverture qui va bien avant de shooter, ce qui revient à faire le "stop down" à la main[10].

Personnellement, ce que j'aimerais arriver à faire fonctionner, c'est la seconde solution, à savoir régler à la fois l'ouverture sur le boîtier et sur l'objectif pour avoir la mesure multizone, la mesure P-TTL au flash et l'ouverture dans les EXIF des images. Je vais donc creuser cette voie, de manière temporaire cependant[11]. Le pied total serait évidemment de pouvoir disposer d'un mode qui lise les caractéristiques de l'objectif mais n'essaye pas pour autant de piloter la came de diaphragme lorsqu'on donne une valeur d'ouverture au boîtier, la bague étant là pour gérer ça.

Et du coup, ça me fait penser que si on avait des firmwares opensource, voire reversés, on pourrait les hacker pour les améliorer, et par exemple rendre possible ce que je veux faire, c'est à dire spécifier une valeur d'ouverture qui ne serait là que pour la mesure, mais qui n'aurait aucun incidence sur le déplacement de la came qui se ferait alors en "stop down". Du coup, on aurait le multizone, le P-TTL et les EXIFs, le tout avec une mesure d'exploitation correcte.

Et si on ne voulait pas bricoler son objectif et/ou son boîtier, on pourrait tout à fait imaginer un espèce de mode avancé dans lequel on pourrait entrer à la main la plage d'ouverture de l'objectif à la focale utilisée. Avec un K10d, K20d ou K7d, il suffit de présenter une échelle et positionner graphiquement la plage à l'aide de deux molettes, exactement comme c'est fait pour le réglage de la plage ISO. On pourrait aussi renseigner la valeur de focale comme on le fait quand le "Shake Reduction" est activé, mais tout le temps.

Il est où le bug tracker[12] de Pentax ? :)

Notes

[1] Mise au point et ouverture.

[2] Typiquement le modes Av et Tv.

[3] On étant l'utilisateur en mode Av ou le boîtier dans les autres modes.

[4] Paramètre n°36 sur le K20d.

[5] Valeur de paramètre à Autorisé.

[6] Sur les K10d, K20d et K7d. Sur les autres, c'est soit la touche +/-, soit AE-L.

[7] Et aussi parfois de la focale, mais c'est un autre problème, nettement plus facile à résoudre...

[8] C'est ce que fait l'auteur du billet.

[9] Probablement à partir de f/16.

[10] Et nécessite accessoirement de connaître par cœur l'agencement des bagues de diaphragme de tous ses objectifs manuels...

[11] Le tournevis attendra...

[12] <cc>