Québec - Il y a 25 ans, Jean-Paul II était au Canada

Publié le 13 septembre 2009 par Hermas
Le 9 septembre 1984, le pape Jean-Paul II a foulé, pour la première fois, le sol canadien en arrivant dans la ville de Québec. C'était, rappelons-le, le premier souverain pontife à visiter le pays. Et il aura rassemblé les foules tout au long de son séjour de 12 jours au Canada, en parcourant pas moins de 15 000 kilomètres, de l’Atlantique au Pacifique. Sa tournée, qui s’est terminée le 20 septembre, l’a mené à Québec, Trois-Rivières, Montréal, St. John’s, Moncton, Halifax, Toronto, Midland (Ontario), Winnipeg/Saint-Boniface, Edmonton, Yellowknife, Vancouver et Hull/Ottawa. Il a profité de son passage pour visiter quelques-uns des grands lieux de pèlerinage canadiens : Sainte-Anne-de-Beaupré, Cap-de-la-Madeleine, Oratoire Saint-Joseph et Midland, le sanctuaire qui commémore la mémoire des saints martyrs canadiens.  Des millions de personnes l’ont acclamé, ont prié et célébré en sa compagnie et ont laissé éclater de nombreuses manifestations de foi. On se rappellera notamment de la messe célébrée au Stade olympique de Montréal, le 11 septembre 1984, où des dizaines de milliers de jeunes s’étaient entassés pour voir et entendre le Saint-Père. 

On relira avec intérêt l'homélie prononcée par le Saint Père lors d'une messe à l'Université Laval, le 9 septembre 1984, et qui n'a rien perdu de sa pertinence. En voici un extrait (pour lire le texte intégral, v. ICI) : 

"Le Christ est “la pierre vivante” (1 Petr. 2, 4)). Cette pierre, en vérité, “les hommes l’ont éliminée”  (Ibid.) rejetée radicalement, en allant jusqu’à condamner Jésus à la mort sur la croix et exécuter cette sentence quelques heures avant la Pâque. C’est précisément dans ce rejet qu’Il est reconnu pour ce qu’il est: Jésus, le Christ, celui “que Dieu a choisi parce qu’il en connaît la valeur” (Ibid.). C’est par Lui, pierre vivante, première pierre, que nous sommes tous intégrés dans la construction d’un “Temple spirituel” (Ibid. 2, 5).

Oui, nous tous “comme pierres vivantes”; nous sommes intégrés à la construction qui a pour fondation le Christ pour édifier “un sacerdoce saint, présentant des offrandes spirituelles que Dieu pourra accepter à cause du Christ Jésus” (Ibid.).

Nous sommes donc “la race choisie, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple qui appartient à Dieu” (Ibid. 2, 9), et cela par Jésus-Christ qui est le Fils du Dieu vivant, qui est vrai Dieu et vrai Homme, crucifié et ressuscité. Oui, par Jésus-Christ: il est la première pierre de l’édifice divin, bâti avec les fils et les filles de toute la terre, qui se dressera pour l’éternité dans la Gloire indicible de la très sainte Trinité! A partir de Jésus, le Christ, qui est la pierre vivante, s’ouvre cet avenir ultime de notre construction... Tel est l’avenir de l’homme sur la terre. L’avenir d’une destinée divine.

Voici donc la foi en Jésus-Christ, que Simon-Pierre proclamait ! Voici la foi concernant l’Eglise que Simon-Pierre proclamait ! Quelle surprenante unité! et quelle force dans cette foi !

Aujourd’hui l’Evêque de Rome, venu en terre canadienne, désire professer cette foi de tout son cœur. Il désire en faire le fondement de toute sa mission parmi vous, frères et sœurs bien-aimés, dans cette ville de Québec et sur toute la terre canadienne que je vais ensuite visiter en chacune de ses régions.

5.Car nous sommes ici au premier foyer de l’Eglise du Christ en Amérique du Nord. Partis de France, les Jacques Cartier, les Champlain et tant d’autres, en apportant sur ce continent leur culture et leur langue, contribuaient à implanter la foi au Christ Sauveur.

De nombreux serviteurs et servantes de Dieu sont venus, dès le début de la colonisation, pour construire l’édifice de l’Eglise sur votre terre. Les Pères Récollets, les Jésuites, les Sulpiciens, les Ursulines avec Marie de l’Incarnation rayonnant son incomparable expérience spirituelle, les Hospitalières de Dieppe entraînées par l’inépuisable charité de Catherine de Saint-Augustin: ces religieux et ces religieuses ont été parmi les premiers à témoigner de la foi et de l’amour du Christ au milieu des colons et des “Indiens”. Porteurs de la Parole, éducateurs des jeunes, bons samaritains auprès des malades, ils ont façonné le visage de l’Eglise dans ce nouveau pays. On a pu parler d’une véritable “épopée mystique” dès la première moitié du XVIIe siècle. Certains ont donné leur vie jusqu’au martyre. Beaucoup d’autres les ont rejoints, apportant leur pierre vivante à la construction, souvent dans la pauvreté mais rendus forts par l’Esprit de Dieu.

En ce lieu, nous évoquons en particulier François de Montmorency Laval, vicaire apostolique puis premier évêque de Québec. Je ne puis oublier que le séminaire qui porte son nom est à l’origine de l’Université qui nous accueille en ce moment dans ce site admirable.

Vos ancêtres ont forgé ici une culture en puisant aux sources de leur pays d’origine. Au long des siècles, cet héritage s’est enraciné, diversifié; il a accueilli l’apport propre des Amérindiens, et tiré profit de la présence anglaise en ce continent. Il s’est enrichi grâce aux vagues successives d’immigrants venues de partout. Votre peuple a su conserver son identité en demeurant ouvert aux autres cultures.

L’Eglise a reconnu ou se prépare à reconnaître la sainteté d’un certain nombre de ces pionniers. Ils sont des témoins éclatants parmi beaucoup d’hommes et de femmes, humbles croyants de la vie quotidienne, qui ont façonné peu à peu cette terre à leur image, selon leur foi.

La vitalité et le zèle de vos devanciers les ont d’ailleurs entraînés à porter plus loin la Bonne Nouvelle: je salue ici une Eglise qui a su rapidement rayonner dans l’ouest canadien, le Grand Nord et en bien des régions d’Amérique. Bien plus, elle a pris une grande part à l’effort missionnaire de l’Eglise universelle à travers le monde.

Votre devise est “Je me souviens”. Il y a vraiment des trésors dans la mémoire de l’Eglise comme dans la mémoire d’un peuple!

Mais à chaque génération, la mémoire vivante permet de reconnaître la présence du Christ, qui nous interroge comme aux environs de Césarée: “Vous, que dites-vous que je suis?”.

6. La réponse à cette question est capitale pour l’avenir de l’Eglise au Canada, et aussi pour l’avenir de votre culture.

Vous constatez que la culture traditionnelle - caractérisant une certaine “chrétienté” - a éclaté: elle s’est ouverte à un pluralisme de courants de pensée et doit répondre à de multiples questions nouvelles; les sciences, les techniques et les arts prennent une importance croissante; les valeurs matérielles sont omniprésentes; mais aussi une sensibilité plus grande apparaît pour promouvoir les droits de l’homme, la paix, la justice, l’égalité, le partage, la liberté . . .

Dans cette société en mutation, votre foi, chers Frères et Sœurs, devra apprendre à se dire et à se vivre. Je le disais à vos évêques en octobre dernier: “Ce temps est le temps de Dieu qui ne peut manquer de susciter ce dont a besoin son Eglise lorsqu’elle reste disponible, courageuse et priante”. Vous saurez vous souvenir de votre passé, de l’audace et de la fidélité de vos prédécesseurs, pour porter à votre tour le message évangélique au cœur de situations originales. Vous saurez susciter une nouvelle culture, intégrer la modernité de l’Amérique sans renier sa profonde humanité qui venait sans aucun doute de ce que votre culture a été nourrie par le christianisme. N’acceptez pas le divorce entre la foi et la culture. A présent, c’est à une nouvelle démarche missionnaire que vous êtes appelés.

7. La culture - et de même l’éducation qui est la tâche première et essentielle de la culture - est la recherche fondamentale du beau, du vrai, du bien qui exprime au mieux l’homme, comme “le sujet porteur de la transcendance de la personne” (Ioannis Pauli PP. II, Allocutio ad UNESCO habita, 10, die 2 iun. 1980: Insegnamenti di Giovanni Poalo II, III, 1 (1980) 1643), qui l’aide à devenir ce qu’il doit “être” et pas seulement à se prévaloir de ce qu’il “a” ou de ce qu’il “possède”. Votre culture est non seulement le reflet de ce que vous êtes, mais le creuset de ce que vous deviendrez. Vous développerez donc votre culture d’une façon vivante et dynamique dans l’espérance, sans peur des questions difficiles ou des défis nouveaux; sans pour autant vous laisser abuser par l’éclat de la nouveauté, et sans laisser s’installer un vide, une discontinuité entre le passé et l’avenir; autrement dit, avec discernement et prudence, et avec le courage de la liberté critique à l’égard de ce qu’on pourrait appeler “l’industrie culturelle”; surtout avec le plus grand souci de la vérité.

But in addressing myself here to believers, I again repeat what I expressed at UNESCO: "I am thinking above all of the fundamental link between the Gospel, that is, the message of Christ and the Church, and man and his very humanity" (Ibid.). Yes, dear brothers and sisters, in the culture that you are now developing, which is in line with what you already are by reason of a rich past, in this culture which is always the soul of a nation (Ibid., n. 14: l.c., pp. 1647 s.), faith plays a great part. Faith will illuminate culture, it will give it savour, it will enhance it, as the Gospel says in regard to that "light", "salt" and "leaven" which the disciples of Jesus are called to be. Faith will ask culture what values it promotes, what destiny it offers to life, what place it makes for the poor and the disinherited with whom the Son of Man is identified, how it conceives of sharing, forgiveness and love. If it is this way, the Church will continue to accomplish her mission through you. And you will render service to all society, even to men and women who do not share the same spiritual experience as yourselves. For such a witness respects freedom of consciences, without thus abandoning them to certain "imperatives" of modern civilization which claim to serve human advancement but which in fact detract from respect for life, from the dignity of a love that involves persons, and from the search for the true values of humanity (Ioannis Pauli PP. II,Allocutio ad UNESCO habita, 13, die 2 iun. 1980:Insegnamenti di Giovanni Paolo II, III, 1 (1980) 1646). But again your faith must remain active and strong; it must become always more personal, more and more rooted in prayer and in the experience of the Sacraments; it must reach the living God, in his Son Jesus Christ the Saviour, through the help of the Holy Spirit, in the Church. This is the faith that you ought to deepen with joy, in order to live it and to bear witness to it in daily life and in the new realms of culture. This is indeed the grace which we must request for the future of Quebec, for the future of all Canada. And here we are back to the fundamental question of Jesus Christ: "And you, who do you say that I am?"."


Merci Saint Père. Une fois de plus. (Pour lire l'ensemble des homélies et discours prononcés au Canada par le Pape Jean-Paul II, v. ICI).

François Larivière