Les suites inattendues de Viking et Laval: le contentieux de l'annulation en matière d'aide d'état!

Publié le 14 septembre 2009 par Duncan
Les arrêts Viking et Laval ont défrayé (et continuent de défrayer) la chronique judiciaire et de provoquer des discussions passionnées en doctrine. Ces arrêt ont surtout été retenu car ils remettaient respectivement en cause, la capacité des syndicats de s'opposer à des pratiques de pavillon de complaisance et le système suédois de négociation collective sectoriel du salaire minimum applicable.
Toutefois, ils ont malgré tout également formellement reconnu que l'Union européenne est bâtie à la fois sur un pilier économique, mais également sur un pilier social. On a parfois ironisé sur cette déclaration de la Cour qui, il faut le reconnaître, ne semble pas avoir fortement influencé la Cour dans l'arrêt Laval ou dans l'arrêt viking. Toutefois, récemment, et de manière inattendue, celle-ci a eu certaines conséquences dans un secteur où on ne l'attendait pas: le contentieux de l'annulation en matière d'aides d'état! (CJCE, arrêt du 9 juillet 2009, 3F, C-319/07P)

Cet arrêt, rendu sur un pourvoi d'une décision du Tribunal de première instance, concernait le litige entre un syndicat danois et le Danemark.
Ce pays a instauré, en 1988, un registre international danois des navires (ci‑après le «registre DIS»). Ce registre est venu s’ajouter au registre ordinaire danois des navires (ci-après le «registre DAS»). Le registre DIS a pour objectif de lutter contre l’évasion des pavillons maritimes communautaires vers les pavillons de complaisance. Le principal avantage du registre DIS réside dans le fait que les armateurs dont les navires sont inscrits sur ce registre ont le droit d’employer sur ces navires des marins d’États tiers en leur versant une rémunération conforme au droit national de ces derniers. Des mesures fiscales préférentiels sont également appliquées en faveur de ces travailleurs.
Le syndicat 3F conteste ce régime, considérant qu'il s'agit d'une aide d'état interdite en vertu du droit communautaire. La Commission, saisie d'une plainte, décide toutefois, en 2002, de ne pas soulever d'objections contre ce système fiscal. 3F conteste cette décision et en demande l'annulation, en 2003, devant le Tribunal de première instance. Le Tribunal va rejeter la demande de 3F. En effet, à la lecture des articles 88 CE et 230 CE, selon le Tribunal, 3F ne remplit pas les conditions pour contester la décision de la Commission: il n'est pas un "concurrent affecté par l'aide". Un pourvoi est interjeté contre cet arrêt.
L'arrêt de la Cour est particulièrement long et technique, aussi nous contenterons-nous d'en relever le point le plus saillant, à savoir que:
"La Communauté ayant non seulement une finalité économique, mais également une finalité sociale, les droits résultant des dispositions du traité relatives aux aides d’État et à la concurrence doivent, le cas échéant, être mis en balance avec les objectifs poursuivis par la politique sociale, parmi lesquels figurent, notamment, ainsi qu’il ressort de l’article 136, premier alinéa, CE, l’amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation dans le progrès, une protection sociale adéquate et le dialogue social" (point 58). On reconnait un attendu tiré de l'arrêt Viking.
De ce fait, l'ordonnance du Tribunal est annulée "en tant qu’il n’a pas répondu aux arguments de 3F relatifs, d’une part, à la position concurrentielle de ce dernier à l’égard d’autres syndicats lors de la négociation de conventions collectives applicables aux marins et, d’autre part, aux aspects sociaux découlant des mesures fiscales relatives aux marins employés sur les navires inscrits sur le registre international danois des navires".
Les aspects "sociaux" du traité trouvent là une consécration extrêmement concrète, contrairement à ce qu'il avait pu en être dit dans les arrêts Laval et Viking! Et d'une manière particulièrement inattendue!