Mardi 07/09, à 21h30 sur la chaîne Planète : "LE SEXE DANS L'EGYPTE ANCIENNE".

Par Ananda
L'on s'est construit une certaine vision de l'Egypte des Pharaons. Ce documentaire, il faut bien l'avouer, secoue quelque peu notre image idéalisée de l'une des plus anciennes, des plus longues et des plus brillantes civilisations qu'enfanta l'Homme.
Les moeurs sexuelles des anciens égyptiens nous auraient fort choqué : "ils pratiquaient couramment l'inceste, l'adultère et l'acte sexuel en public, et les rois n'avaient guère le monopole de ces pratiques".
Bien au contraire, "magie et sensualité étaient omniprésentes".
On s'arrête (à tout seigneur, tout honneur) sur le cas du grand Pharaon Ramsès II, dont, nous affirme-t-on, la vie sexuelle fut carrément "débridée" et qui, outre ses innombrables concubines (il y en avait d'originaires "de Nubie, de Lybie et de Babylone"), trouva le moyen de copuler avec une de ses soeurs et trois de ses filles. "No limits", comme on le constate.
Ramsès II, on le sait depuis longtemps, "fut le père de plus de cent enfants". De la sorte, il offrait la preuve qu'il était "l'homme supérieur", cela faisait aussi partie de sa mission de Pharaon.
On nous explique : "le Pharaon, en Egypte, relie les hommes aux dieux, il est le grand communicateur entre les hommes et les dieux".
L'Egypte devant, on le sait, sa fertilité aux eaux sacrées du Nil, "le Pharaon se masturbe dans les eaux du fleuve lors d'une cérémonie annuelle".
C'était simple : l'Egyptien croit que "le sexe a donné naissance au monde".
"L'activité sexuelle occuppe une place importante dans la conception égyptienne de la création du monde", nous confirme-t-on, avant d'évoquer une notion égyptienne de premier plan, celle de "la fécondité auto-suffisante de la Terre".
De tout ceci découlent des choses qui peuvent nous paraître étonnantes mais qui, dans le cadre d'une notion de sexualité sacrée (sans doute directement issue des sociétés néolithiques), s'expliquent fort bien : par exemple, les papyrus religieux égyptiens étaient truffés de scènes que nous appellerions, nous "pornographiques".
Le documentaire se tourne alors vers la tombe de Néfertari, la grande reine de Ramsès II. Ce monument funéraire "grandiose" fourmille de fresques explicites dédiées à Hathor, la déesse de l'Amour. "La taille des personnages (de ces fresques) est, nous dit-on, révélatrice; par ce biais, l'on signifie clairement que "Ramsès et son épouse sont les égaux des dieux". Ramsès a quarante huit ans (ce qui, pour l'époque, est un bel âge) losqu'il perd sa chère et respectée Néfertari. Aussitôt celle-ci disparue, il épouse sa fille aînée, avant  d'épouser l'une de ses autres filles.
Ramsès, insiste-ton, "prenait très au sérieux son rôle dans la fertilité de la terre d'Egypte". Un Pharaon hyper fertile était le garant de cette dernière. Un Pharaon hyper viril était aussi le garant de sa force (un peu comme encore, actuellement, en Afrique Noire ou aux Antilles, les hommes dignes de ce nom se doivent de prouver leur virilité aux yeux du monde par la polygamie et le plus grand nombre de descendants possible).
Hélas ! La tombe de super-Ramsès a depuis longtemps été détruite, "par une inondation". Seule sa momie, célèbre dans le monde entier, subsiste.
Bon. On sait maintenant, de source sûre, que les Pharaons étaient de "chauds lapins". Mais qu'en était-il des obscurs, des sans-grades, des égyptiens ordinaires ?
Ils devaient, certes, "d'abord lutter pour leur existence"....
Et pourtant, "ils menaient une vie toute aussi sensuelle et érotique que leurs Pharaons" !
Ceci, là encore, s'explique, dans la logique de l'époque et de la culture : "une sexualité vigoureuse était un devoir religieux".
En ancienne Egypte, tous les bâtiments étaient construits en terre. Ainsi, villages et villes étaient-ils facilement détruits, emportés par les crues du Nil.
Par chance, on a pu découvrir les restes du petit village de Deir-el-Medineh, qui s'avère d'une "valeur inestimable".
Grâce à Deir-el-Medineh, on échappe au monde des Pharaons, et l'on en apprend beaucoup sur la vie des couches moyennes et populaires.
Les tombes des riches habitants de ce villages (qui date de 3500 ans) nous révèlent sans nul doute possible (ce qui ne nous étonne guère) que "les classes moyennes aspiraient à vivre comme les Pharaons". On trouve des traces révélatrices d'une étonnante coquetterie : mascara, rouge à lèvres, boucles d'oreilles et beaux vêtements. "Hommes comme femmes se maquillaient au khôl, se frottaient de parfums et onguents et portaient autant de bijoux les uns que les autres". Les décorations murales témoignent de "banquets grisants, où l'on aimait à boire du vin parfumé de fleurs de lotus".
Les familles étaient fort nombreuses : en moyenne, neuf ou dix enfants. Elles fonctionnaient selon le système de la famille élargie : grands-parents, oncles et tantes habitaient aussi la demeure de la famille. Comme de nos jours, "les gens utilisaient leurs toits en terrasse pour y vivre, pour y garder leurs bêtes et y dormir".
Dans chaque maison de ce village, l'on trouve des représentations de scènes "à la fois rituelles et érotiques" : ainsi, de petites figurines faisant suspecter un culte de la fertilité (un peu à la manière "préhistorique").
Dans l'immense temple mortuaire de la grande reine Hatshepsout, à Deir-el-Bahari, on a retrouvé "tout un magasin de pénis en bois". Au dessus du même temple, une grande falaise abrite quelques cavernes, dans lesquelles on tombe sur une foule de graffitis tracés par les ouvriers et artistes qui travaillaient dans le temple : le moins qu'on puisse dire, c'est que ces graffitis sont d'un érotisme tout ce qu'il y a de "libéré".
La pudibonderie des premiers archéologues a soigneusement négligé tout ce matériel. A cela, une raison : ces derniers étaient de prudes victoriens, ou à tout le moins de purs produits du corset moral qui pesait sur l'Occident durant le XIXéme siècle et  la première moitié du XXème.
Désormais, la science, libérée de tous ces préjugés, a tranché : on ne peut plus se voiler la face; les égyptiens étaient ce que nous nommerions (même de nos jours) des "obsédés sexuels". Ils aimaient la vie, le plaisir, et ils n'y voyaient aucun mal. La notion de tabou sexuel semblait ne pas exister chez eux, puisque l'on a retrouvé, même, des représentations de couples faisant l'amour entourés d'une foule d'enfants. On en déduit donc que la sexualité n'était pas cachée aux yeux des tout jeunes.
De même, les "écarts de conduite sexuels n'étaient pas punis sévèrement ": apparemment, l'adultère n'avait rien de tragique et les "histoires gaillardes amusaient beaucoup les scribes".
En Egypte, nous apprend-t-on, "le divorce était relativement commun, les remariages et les aventures aussi, y compris pour les femmes". C'était bien simple : les cérémonies maritales et les contrats de mariage n'existaient pas.
Les Egyptiens étaient décidément tellement larges d'esprit en cette matière que les concepts de virginité ou d'enfant illégitime leur étaient étrangers.
Si l'on fait le bilan, "seule compte la fertilité"
Ce qui n'empêche pas l'homosexualité de trouver une certaine place ; les textes sacrés font allusion à des dieux qui s'y adonnaient. Encore plus fort : c'est à l'Egypte que l'on doit le tout premier témoignage écrit de "drague homo", entre deux dieux, dont l'un dit à l'autre "toi, tu as de belles fesses" !
A Saqqara, on a découvert la sépulture de deux coiffeurs (déjà !) qui, selon toute probabilité, formaient un couple homosexuel.
Que penser de toutes ces informations ?
Un tel écart entre cette culture et nos cultures actuelles nous oblige forcément à essayer de creuser, de mieux comprendre.
En ancienne Egypte, toute existence était perçue comme précaire (l'espérance de vie se situant autour de quarante ans) et la mortalité infantile des plus élevées. Par conséquent, en réaction, "toutes les images de la sexualité sont positives", salvatrices.
Le sexe n'était en aucun cas "une sphère séparée, distincte", il était à part entière "intégré à la vie quotidienne".
Ce qui jouait en premier lieu, sans doute, c'était la "peur de la stérilité". Elle était si forte, si ancrée que, dans cette perspective, le petit peuple usait de magie; il avait notamment recours à des dieux mineurs de la fertilité, tel le dieu Bès, très populaire, réputé pour éloigner les démons et les fantômes, toujours menaçants.
La magie était particulièrement pratiquée avant les accouchements (par les femmes qui faisaient usage de rituels et d'amulettes), ainsi que pendant la période du retour de couches, où l'on craignait que quelque esprit prenne possession de l'enfant. Les hommes, quant à eux, étaient obsédés par l'idée d'obtenir à tout prix un héritier mâle et pratiquaient donc, dans ce but, de manière toute aussi intense, la magie.
Redisons-le, répétons-le : on se souciait beaucoup de la fécondité de l'acte sexuel, que l'on essayait souvent de favoriser au moyen de tatouages et de rituels.
On allait jusqu'à être persuadé que les morts copulaient dans l'Au-delà. Pour favoriser leur renaissance une fois qu'ils avaient passé le seuil de la Mort, on se livrait à des "danses érotiques de funérailles".
On sait combien le Pharaon Ramsès II (encore lui !) se glorifiait d'avoir engendré une si grande descendance. On sait (toujours grâce aux scribes) combien il était fier de ses héritiers mâles. Mais les égyptologues se sont longtemps, à juste titre, demandé si ce n'était pas là de la pure vantardise.
Jusqu'au moment où fut identifié le "complexe mortuaire de KV5", qui s'avéra être un mausolée construit à l'intention des enfants du grand Ramsès (dont nombre moururent bien avant lui). Ce mausolée renferme plus de 150 sépultures, et quatre dépouilles y ont été trouvées (probablement, celles de fils de Ramsès). Nous avons donc désormais la confirmation des dires du roi.
On a souvent (je me souviens de mes manuels scolaires) présenté l'ancienne Egypte comme une civilisation centrée sur la Mort et sur l'Au-delà, portée au hiératisme morbide.
Ce reportage a l'immense mérite de recadrer les choses.
Loin d'être sinistres qu'ils étaient, ces grands coquins d'Egyptiens !


P.Laranco.