Rapport Stiglitz : Le bonheur n'est pas dans les indicateurs, mais dans les faits

Publié le 16 septembre 2009 par Ressol

La Commission mise en place par le président de la République sur « la mesure de la performance économique et le progrčs social », dite commission Stiglitz, vient de rendre public son rapport.

Le président de la République, la ministre de l’Economie et la secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie n’ont pas manqué de faire l’éloge du rapport. Au-delŕ de ces opérations médiatiques et politiques, ce rapport pointe les défauts des indicateurs actuellement utilisés, notamment le produit intérieur brut (PIB), pour rendre compte de la performance économique, et formule 12 recommandations pour mieux rendre compte de la réalité. Il met surtout l’accent sur les inégalités et le « bien-ętre » dans la vie.

L’application de ces recommandations sera certes une avancée. Toutefois, le rapport et le processus de sa préparation sont critiquables.

La commission était composée uniquement d’experts, certes parmi les meilleurs du monde ; les représentants de la société civile et notamment ceux des salariés n’y étaient pas présents. Ce męme défaut s’est produit lors de la présentation du rapport. Aucun débat, aucun échange avec les participants, aucune parole accordée aux salariés.

Sur le fond, le rapport souffre d’au moins 4 défauts.

1°) Il accorde une place marginale au travail. Le travail est présenté simplement comme un élément des « activités personnelles ».

2°) Le rapport réduit tous les aspects de la vie au capital : capital humain, capital social, capital physique. Ce biais ouvre la voie ŕ une monétisation, ŕ une marchandisation des catégories qui sont par nature non marchandes.

3°) La nécessaire réduction des inégalités, celles-ci résultant notamment du désengagement de l’Etat, conduit les rédacteurs du rapport ŕ mettre l’accent sur les ménages. Cette approche ignore la responsabilité des entreprises tant dans la dégradation que pour l’amélioration de la situation économique, sociale et environnementale.

4°) Enfin, et non la moindre des choses, la question cruciale des critčres qui guident l’activité économique n’est pas posée dans le rapport. La crise en cours montre que pour mettre l’activité économique au service du progrčs social, il faut rompre avec la logique dominante de la rentabilité financičre maximale et donner la priorité au développement des capacités humaines en économisant sur les moyens matériels et les prélčvements financiers.

L’application des recommandations du rapport conduit ŕ une hausse de la demande des données qui doivent ętre fournies par la statistique publique et notamment par l’Insee. Cela nécessite de développer les moyens de la statistique publique, surtout en termes de capacités humaines. Cette exigence se heurte d’ores et déjŕ aux décisions du gouvernement, qu’il s’agisse de la délocalisation des services de l’Insee ou du non remplacement des départs ŕ la retraite. Cette derničre décision conduirait ŕ une baisse de 20 % des effectifs de l’Insee ŕ l’horizon 2015 selon le Comité de défense de la statistique publique.

La Cgt, tout en reconnaissant les apports de ce rapport, considčre qu’il est indispensable d’organiser un débat démocratique, y compris au sein des instances comme le Conseil national de la statistique publique (CNIS), pour définir les indicateurs dont notre société a besoin aujourd’hui. Il est aussi indispensable de développer les moyens de la statistique publique.

Au-delŕ des indicateurs, l’enjeu principal porte sur les droits pour les salariés et les citoyens pour peser sur les stratégies de la puissance publique et des entreprises. Ce ne sont pas les indicateurs qui font le bonheur de la société. Le bonheur découle des choix de société, des moyens pour y répondre et des pratiques des acteurs socio-économiques, de l’Etat et des entreprises.