Président sortant de l'ASB, Pierre Mirabaud tire ... sa révérence

Publié le 18 septembre 2009 par Francisrichard @francisrichard
Hier, 17 septembre 2009, avait lieu la Journée suisse des banquiers. A cette occasion le président sortant de l'ASB [l'Association suisse des banquiers], Pierre Mirabaud [photo ci-contre tirée du site de la RSR  ici ], a prononcé un discours (ici) avec son franc-parler coutumier. Comme il le dit lui-même, il appelle un chat un chat, il ne manie pas la langue de bois, et on ne le verra pas endosser la tunique du pénitent :

Le discours feutré et politiquement correct ne constitue pas la manière la plus efficace de faire partager à notre population les problèmes toujours plus complexes auxquels nous sommes confrontés. 

Son discours, propre à galvaniser ses troupes, commence ainsi :

Caudillos du monde bancaire, arnaqueurs, chasseurs de bonus ou receleurs... voilà seulement quelques uns des qualificatifs peu glorieux que notre corporation a dû entendre ces dix-huit premiers mois. N'allez pas chercher les auteurs de ces propos peu amènes et inacceptables chez les seuls habitués du café du commerce, les anarchistes du "Black Block" ou les sempiternels pourfendeurs du capitalisme. Non, ils émanaient également des milieux culturels ou politiques bourgeois ainsi que d'industriels progressistes.

Le ton est donné.

Sans nier les torts de la profession et ses responsabilités dans la crise financière, il demande :

Cela confère-t-il pour autant le droit de blesser quotidiennement par des propos aussi offensants plus de 100'000 collaborateurs du secteur bancaire en Suisse?

Après tout :

Banques et banquiers ne sont-ils pas investis d'une mission économique essentielle et ne contribuent-ils pas grandement à la prospérité du pays? Rappelons à ce titre que les recettes fiscales issues des établissements financiers et de leurs collaborateurs depuis 2002 avoisinent les 80 milliards de CHF, en d'autres termes bien davantage que les montants qui avaient été versés à UBS par la Confédération.

La Suisse et sa place financière doivent montrer plus d'assurance : 
  

Presque immanquablement, la majorité des commentateurs américains ont pris fait et cause pour leur système juridique sans déborder de considération pour notre droit marqué du sceau de la démocratie. Inconcevable ! Cessons d'adopter systématiquement le point de vue des autres au seul motif qu'ils parlent plus fort que nous, que leur poids politique est supérieur et qu'ils paraissent sympathiques.

La moralité ? Parlons-en :

N'est-il pas scandaleux d'entendre le président des sociaux-démocrates allemands [Franz Müntefering] affirmer qu'il enverrait volontiers des troupes dans les pays dont le comportement n'est pas conforme à ses voeux? La Suisse s'est-elle insurgée contre de tels propos? Hélas, non! Pour tout dire, où est l'éthique, quand le ministre allemand des finances [Peer Steinbrück, voir mon article Peer Steinbrück fait à la Suisse une querelle d'Allemand ], à la langue bien pendue mais à la lenteur d'esprit légendaire, impute la faute de la dette publique à d'autres pays et non à un budget clientéliste ou à un système fiscal bien trop complexe pour ses citoyens?

Il tire encore dans la cible - là où ça fait mal - quand il dit :

N'est-il pas amoral par ailleurs que les plus virulents détracteurs de régimes fiscaux étrangers soient des fonctionnaires exonérés d'impôts, en poste à Bruxelles ou au sein de la Centrale de l'OCDE à Paris?

Avec raison, sans complexes, il défend le capitalisme et la mondialisation :

Selon une étude de l'ONU, la pauvreté a davantage reculé dans le monde au cours des cinquante dernières années que lors des cinq siècles précédents. En 1975, six Asiatiques sur dix étaient pauvres, contre deux aujourd'hui. Durant les cent dernières années, le bien-être sur terre s'est davantage accru qu'au cours des mille ans précédents. Certes, les déséquilibres et l'injustice n'ont pas disparu. Mais plutôt que de relever quelques carences, concentrons-nous sur les nombreux bienfaits de l'économie de marché.

En politique extérieure - n'est-ce pas Micheline Calmy-Rey ? [ voir mon article La neutralité inactive de Micheline Calmy-Rey : l'exemple colombien ] - il faut faire la différence entre l'esssentiel et l'accessoire :

Parcourir la ligne de démarcation entre les deux Corée constitue certes un bon coup médiatique. Visiter l'Afrique noire permet de se donner bonne conscience et sillonner les mers du Sud présente indéniablement un attrait touristique. Mais il faut nous positionner là où cela compte: redynamisons les liens avec Berlin, Paris, Londres et Washington, sur place, qualitativement et quantitativement, mais aussi sous la forme de visites diplomatiques coordonnées et cohérentes du Conseil fédéral.

C'est pourquoi Pierre Mirabaud déclare in fine :

Je souhaite ardemment que les tenants de la politique étrangère prennent davantage conscience que la Suisse fait partie des vingt premières économies mondiales, même si le G20 ignore cette réalité, et qu'elle occupe désormais la scène internationale avec une confiance et une autorité renforcée.

Si Pierre Mirabaud peut dire tout cela, c'est qu'il jouit du privilège de la personnalité publique qui est indépendante d'un parti ou d'un électorat. 

Ceux qui dépendent d'un parti ou d'un électorat, à défaut d'avoir les tripes de dire tout haut ce que la majorité pense tout bas, ne devraient-ils pas écouter de tels propos et les mettre en pratique ?

Francis Richard