SAPEM : les couacs révélateurs du système pénitentiaire genevois

Publié le 14 octobre 2007 par Kalvin Whiteoak

A l'heure où l'on ne parle que du retour de Marc Roger (moins trente kilos) à la case départ, ouVertures.info s'est penché dans une petite enquête exclusive et révélatrice sur la façon dont on embastille le chaland standard condamné à Genève et en particulier sur un cas qui mérite une évocation publique.

Nous sommes en 2002, Serge (prénom d'emprunt) a été condamné définitivement par la justice genevoise. Son recours a été rejeté, sa peine est donc exécutoire, il doit subir un certain nombre de mois de détention. Serge est souffrant et le fait savoir certificats médicaux nombreux à l'appui, aux termes desquels différents médecins estiment que sa mise en détention est totalement inappropriée compte tenu des affections dont il est atteint.

On ne peut pas dire que cet état de faits émeuve par trop le fonctionnaire chargé de l'étude de son cas. On ne nommera pas le fonctionnaire en question ici, par souci d'humanité. Il était à l'époque employé du SAPEM, autrement dit le Service d'application des peines et mesures du canton de Genève. Il ne l'est plus aujourd'hui. Le SAPEM est le service administratif genevois niché dans la vieille ville et dépendant hiérarchiquement du service pénitentiaire du canton. Ce service est chargé, entre autres tâches, d'organiser la détention du condamné. Ce dernier en effet se voit systématiquement convoqué par ce service pour organiser sa future détention, pour y recevoir des instructions et pour, le cas échéant, faire part de ses "préférences". On peut parfaitement imaginer qu'un condamné fribourgeois souhaite, dans la mesure du possible, accomplir sa peine dans un établissement de ce canton, ou proche de ce canton.

Serge se rend donc à cette convocation, muni des certificats médicaux en question, qui ne déclenchent aucune réaction de la part du fonctionnaire qui ne fait que les joindre au dossier. Il informe Serge que sa peine commencera tel jour à telle date à tel endroit et qu'il recevra une convocation directement de l'établissement pénitentiaire lui-même, convocation à laquelle il lui conseille plus que fortement de répondre sous peine de se voir arrêté. Précisons que Serge a toute sa famille en Suisse, est suisse de naissance (ce qui n'est ni un défaut ni une qualité particulière) et que par conséquent le risque de le voir disparaître dans la nature est nul, compte tenu notamment de sa maladie.

Serge est ensuite hospitalisé sur demande de son médecin traitant pendant de longues semaines. Le fameux jour de début de peine tombe pendant ce temps d'hospitalisation, et le SAPEM répond à Serge que ce jour est repoussé sine die vu l'hospitalisation, ce qui paraît normal à tout un chacun. Pendant ce temps le même SAPEM décide de soumettre Serge à une expertise destinée à déterminer s'il doit ou non être incarcéré, suspendant par écrit et aussi longemps que les résultats de l'expertise ne seront pas connus, toute mise en détention.

C'est plutôt bien et respectueux des particularités du cas. En principe, une expertise est effectuée par un expert neutre, en tous cas en démocratie, mais là, curieusement cependant, le SAPEM porte son choix sur un expert d'un neutralité plus que discutable. Il s'agit de l'un des médecins de l'Institut de médecine légale de Genève, jusque là rien de particulier, sauf que le même médecin fait partie aussi de l'équipe médicale soignante de la prison de Champ-Dollon. Casquette double et objectivité trouble.

Serge est sorti de sa période d'hospitalisation. Le fameux expert le convoque pour plusieurs séances et interrogatoires. Serge s'y rend sans se dérober. Il doit encore se rendre une fois à une dernière convocation, avant que l'expert ne rédige son rapport. Le rendez-vous est fixé pour dans une semaine. Il n'aura jamais lieu…

Dans l'intervalle  sans aucune raison ni justification, le fameux fonctionnaire du SAPEM décide que de toutes façons cette expertise est inutile et fait emprisonner Serge à Champ-Dollon. L'un des ténors du barreau genevois tente de faire ressortir Serge : sans aucun succès. Bien après l'incarcération, le fameux expert rendra un rapport aux termes duquel une incarcération n'est en rien insupportable par Serge …. qui dort depuis plusieurs semaines en prison attendant vainement les résultats de "l'expertise".

Moralité : la parole donnée même sous forme écrite n'a pas sa place dans l'administration et singulièrement au SAPEM. Il y a confusion des genres chez les experts/soignants et on se fiche pas mal qu'une incarcération puisse être fatale à un individu.

Genève, capitale dépositaire de la Convention européenne des droits de l'homme, siège du Conseil des droits de l'homme, vous disiez ??