Mémoires pour servir à l'histoire : comment Mgr Lefebvre a été poussé au schisme

Publié le 21 septembre 2009 par Hermas

1.- Nous publierons très bientôt le début d'une série d'articles de Mgr Jacques Masson sur le sujet, qui seront ultérieurement réunis en un texte unique, lequel sera alors proposé au téléchargement, en format PDF.

Nous réservons à cette version définitive une introduction plus nourrie. Pour l'heure, la présente publication appelle, au minimum, les observations suivantes.

La crise de l'Eglise a beau être un épisode de nos vies, jusqu'à les avoir parfois remplies, elle n'en constitue pas moins un épisode de l'histoire qui, comme tous les épisodes de l'histoire, sera un jour écrit. Cette histoire reposera essentiellement, comme toute histoire, sur des témoignages.

Mgr Jacques Masson, qui a vécu de l'intérieur cette crise depuis que, jeune homme, il s'est engagé dans la vie sacerdotale, nous apporte ici son propre témoignage, sur un fait particulièrement important : le schisme de Mgr Marcel Lefebvre.

2.- Cet épisode, qu'il soit analysé, selon les "bords", comme un schisme ou non, constitue pour le moins une blessure très profonde dans l'Eglise, qui n'échappe à aucun de ceux qui en ont un tant soit peu le sens. La Saint-Père, de toute son énergie, a décidé de travailler à ce qu'il y soit mis un terme, comme on le sait.

Pour l'histoire, il n'importe pas seulement que ce terme intervienne. Il importe aussi que la lumière soit faite sur les causes d'un événement et d'une situation qui ont cassé l'unité interne des catholiques et causé tant de souffrances. Cette lumière est d'autant plus exigible que la situation est plus paradoxale : la division s'est opérée en une époque où le monde catholique avait le plus besoin de lisibilité et de crédibilité face à une société sombrant dans le scepticisme et l'apostasie. Elle s’est opérée en une époque où le monde catholique avait le plus besoin de mobiliser ses énergies, ses vitalités et ses prêtres. Elle s’est opérée en une époque, surtout, où, sentant les exigences de l'unité, le monde catholique s'est fait l'apôtre et le propagateur de l'œcuménisme. Un œcuménisme ad extra, mais la plupart du temps refusé ad intra.

3.- L'historien devra rechercher les raisons d'un tel paradoxe, qui constitue ici, qu’on le veuille ou non, un scandale au sens théologique du terme. Il devra expliquer pourquoi la plupart des évêques français, en particulier, ont refusé le concours de centaines de prêtres qualifiés “d’intégristes” en un temps où les fidèles en étaient tant privés et où de nouveaux hérésiarques tiraient parti de cette carence pour justifier leurs délires en faveur d’un “sacerdoce des fidèles” dénaturé, contre l’authentique sacerdoce catholique. Il devra expliquer comment tant d’hostilité a pu se cristalliser autour du Sacrement de l’unité – car c’est sur la question de la messe que se sont nouées les oppositions. Il devra expliquer pourquoi les gardiens de l’orthodoxie, qui ont rejeté Mgr Lefebvre, sous prétexte de fidélité à l’Eglise, se sont montrés si indulgents et si libéraux avec toutes les formes d’erreurs qui ont décimé les séminaires et les paroisses. Il devra surtout, et par dessus tout, chercher pourquoi la hiérarchie de l'Eglise elle-même, si dévouée dans la tâche de l’œcuménisme ad extra, jusqu'à risquer parfois d'y perdre son âme, a accepté ce ruineux paradoxe. On reliera avec soin la lettre aux Evêques écrite par le Saint Père à l'occasion du Motu proprio "libéralisant" l'accès à l'ancienne forme liturgique du rite latin, et le reproche qu'il leur adresse, ouvertement, d'avoir pris ce parti.

L'historien n'aura pas à se dire traditionaliste ou progressiste, "papiste" ou "écônien", lefebvriste ou conciliaire, et il ne nous importe pas davantage à nous-mêmes d’être ceci ou cela. Il devra dire ce qui a été. Son jugement sera redoutable. Il sera redoutable, parce qu'au commencement de toute cette affaire, quels qu'aient été les torts et les fautes ultérieures des traditionalistes, parfois graves, il existe une formidable injustice, qui s’est tournée en haine, et qui n'est pas de leur fait. Une injustice dans laquelle beaucoup ont trouvé, ou trouvent encore leur déshonneur.

La vérité conduira ainsi l'historien à constater, et à expliquer, que si Mgr Lefebvre a ainsi basculé dans le schisme, en décidant, en des termes inacceptables, de sacrer des évêques malgré l'interdiction formelle et explicite du Vicaire du Christ, il a été acheminé, poussé à cette extrémité de manière résolue, et cela de longtemps par un certain nombre de ses propres frères dans l'Episcopat.

Ce que beaucoup d'entre nous en savent déjà, par l’expérience de ces années cruelles, Mgr Masson vient nous en apporter un témoignage très direct, personnel, fondé sur des documents qu'il nous fait l'amitié de partager avec nous.


Qu'il en soit ici profondément remercié.