Banderille n°314 : District 9

Publié le 22 septembre 2009 par Toreador

Dans la jungle, terrible jungle…

Dans la jungle, terrible jungle, le lion est mort ce soir ; et les hommes tranquilles s’endorment, le lion est mort ce soir.

Un peu à l’instar de Chafouin, le mot « jungle » pour désigner cette zone boisée devenue le refuge des passeurs et des clandestins à Calais m’a interpellé.   Déjà, qu’on le prononce en anglais m’a passablement énervé, à l’heure où on nous impose partout cette langue. Mais ce qui m’a frappé, c’est la délectation avec laquelle nos amis journalistes prononçaient ce mot jungle. Si possible avec des guillemets. On dit la « Jungle » de Calais et non la « Savane » ou la « Toundra ».

Rendez-vous compte ! Il y a encore quelques jours, la France ignorait tout du drame humanitaire qui sévissait aux portes de notre Hexagone. Une friche juridique, une anarchie végétale, un District 9* avait prospéré à partir des mauvaises herbes de notre inertie. Heureusement que Besson nous a ouvert les yeux.

Nos médias, avec leur degré d’inventivité qu’on leur connaît, ont répété ce jingle (bêbêbê) avec persuasion « On appelle ce lieu la jungle« . Sachant que « on » est un con, qui exactement a nommé ce lieu ainsi ? Mystère ! Il en est ainsi…

Enfonce bien tes ongles…

Enfonce bien tes ongles / Et tes doigts délicats / Dans la jongle, de mes cheveux / Elisa.

Je suis convaincu que tout ce tapage autour du mot jungle répond en fait à une logique marketing.

Eric Besson, le premier, en a tiré un bénéfice politique au prix d’un calembour allusif : «La loi de la jungle ne peut pas durer éternellement sur notre territoire». On comprend que l’Etat pousse à la roue sur la thématique sauvage : cette zone, c’est le retour à l’Etat de Nature, c’est une zone où on imagine des prédateurs féroces se dévorant entre eux à la nuit tombée. Extrait : « La jungle « n’est pas un aimable camp humanitaire. C’est le camp de base des passeurs avec des personnes qui sont exploitées, qui sont victimes de violence des chefs des chefferies c’est la loi de la jungle qui règne ».

Heureusement au passage qu’il s’agit d’Afghans et non de noirs, sinon Besson aurait pu imiter du préfet de Langlade (Gag : – y’a beaucoup de noirs ici, c’est la jungle ! – non j’déconne, pfff, on peut plus rigoler)

Les associations, elles aussi, ont alimenté le buzz. Car en parlant d’un traitement inhumain, la thématique de la jungle transforme le policier aux ordres de Besson en prédateur de la jungle. Exemple dans cet interview de l’Express : «  Nous avons assisté à une opération de démantèlement vraiment horrible, avec une violence inutile et démesurée. Il y avait des pleurs, des évanouissements. Des mineurs ont été embarqués et envoyés de force vers Metz (…) Il faut arrêter de traiter les migrants comme du bétail et des sous-hommes. »

Moralité, citoyen, sache-le : la nuit, tous les tigres sont gris !

* Excellent film du reste. Remplacez les aliens par des Somaliens et vous avez une fable étonnante de cynisme et de réalisme…
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Sujets: Banderille, Toréador critique littéraire et médiatique | 11 Comments »