De La Transparence, De L’Internet Et Du Totalitarisme

Publié le 17 septembre 2009 par Sagephilippe @philippesage


Or donc, le 11 septembre dernier, répondant à une question de l’essayiste David Abiker portant, entre autre, sur la (sur)diffusion de cette vidéo, et plus particulièrement sur Internet, où Brice Hortefeux se dévoilerait tel qu’il est, voire tel qu’il pense, Henri Guaino, conseiller politique et nègre (auteur de cette phrase désormais célèbre “L’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire”) nègre, disais-je, de Nicolas Sarkozy, répondit :
Je trouve qu’on rentre dans une société étrange dans laquelle on ne peut plus rien dire, plus rien faire … Vous savez, la transparence absolue, c’est le début du totalitarisme. La transparence, ça veut dire qu’il n’y a plus d’intimité, plus de discrétion, plus rien n’a d’épaisseur dans la transparence, à commencer par les êtres, d’ailleurs …
Nonobstant le verbe utilisé (on “rentre”) qui sous-entendrait que, dans cette “société étrange”, nous y sommes déjà entrés (mais qui furent les premiers à le faire ?) nonobstant, également, qu’il est faux d’affirmer qu’”on ne peut plus rien dire”, ni “plus rien faire”, auquel cas, pour le coup, nous vivrions effectivement dans une société (de type) totalitaire, il convient de se pencher, et sérieusement, sur les propos de M. Guaino, plus précisément sur ceux-ci :
La transparence absolue, c’est le début du totalitarisme.”
Étant bien entendu que la plume de son altesse parle exclusivement de l’Internet.
Mais ne pas, pour autant, négliger la suite, tant elle demande, là aussi, réflexion :
La transparence, ça veut dire qu’il n’y a plus d’intimité.”
Je pourrais, tel ici ou , rétorquer que, l’intimité de l’être humain est déjà bien mise à mal par la prolifération des caméras de vidéosurveillance sur notre territoire, et quand certains (citoyens, associations ..) s’offusquaient du fait qu’ils y voyaient, là, une atteinte à nos libertés, à notre intimité, il leur fut répondu que pas du tout, que de toutes les façons les images recueillies ne seraient pas utilisées pour tout et n’importe quoi, que leur liberté de circuler, de penser même, était garantie, que c’était, la vidéosurveillance, un outil devenu indispensable pour assurer leur, notre sécurité ("Un atout contre l'insécurité" Déclarait Michèle Alliot-Marie en octobre 2007].
Sauf que, j’y ajoute un gros bémol : peut-on, réellement et objectivement, mettre sur le même plan, une caméra (et même un portable) filmant un homme politique (ou public) et une caméra de vidéosurveillance ? N’est-ce pas un peu hâtif, pour ne pas dire malhonnête d’un point de vue intellectuel ; je veux dire, cette “comparaison” n’est-elle pas le signe d’une médiocrité ou d’une fainéantise de penser ?
Entendons-nous bien, il est clair que la multiplication de la vidéosurveillance constitue effectivement, pour moi, une atteinte à notre intimité, un (grand) danger même, et que l’explication fournie par le gouvernement (assurer notre sécurité, lutter contre le terrorisme ...) est un gros foutage de (notre) gueule, un prétexte, pour rester courtois. La vérité, c’est que l’on compense le manque (voulu, car décidé) d’effectifs policiers par de la vidéosurveillance. Et moi, je préfère, oui, une présence policière, car humaine, à un objet impitoyable et froid, que, va savoir, l’on confiera demain à .. une police privée (et armée). Charmant monde que l’on nous prépare, n’est-ce pas ?
Quant à cette “transparence absolue” qui, selon M. Guaino, serait le vice nous conduisant recta au “totalitarisme”, il y aurait beaucoup à dire.
En premier lieu, constater que c’est lui, M. Guaino qui parle de “transparence absolue”. Pas l’Internet. Il s’agit là d’une affirmation (ou d’une vue de l’esprit) du conseiller politique de sa Majesté, affirmation dont il ne fait pas la démonstration. Il n’en apporte pas la preuve. Et pourquoi ? Parce qu’il serait bien en peine de le faire. Nulle part sur le Net, pas plus sur les Blogs (à quelques mauvaises, et relativement rares exceptions) il y a ce désir exprimé, cette volonté, ce vouloir de “transparence absolue”. 
M. Guaino semblerait donc considérer que la seule diffusion de certaines vidéos sur Internet suffirait à le prouver. C’est un peu court, non ?
Et puis, qui est à l’origine de ces vidéos, dans la plupart des cas ? Ne sont-ce pas des journalistes (certifiés) travaillant pour le média audiovisuel ? Et pourquoi, pour quelles raisons, ces mêmes journalistes postent-ils ces images sur le Net ? Ça, c’est une vraie question …
On peut, j’en conviens, débattre, voire être férocement critique, sur la façon dont, parfois, ces vidéos sont reprises (balancées …) notamment par et dans les Blogs, sans réflexion, ni véritables analyses, ou si peu ; reprises juste parce que voilà, c’est un buzz, et il faut y participer, en être ; le buzz (véritable cancer du Net, symbole du vide de la pensée analytique, témoin d’un réel désastre culturel) comme (seul) moyen d’exister, et peu importe la manière. Oui, ça manque de tenue, ça manque d’intelligence, d’esprit, de tout, ça discrédite le Net, et, surtout, ça fait l’affaire d’un Guaino, quand bien même serait-il, lui-même, malhonnête intellectuellement, tant on ne peut réduire le Net à ceusses qui postent et diffusent sans le moindre discernement, sans le moindre souci d’éthique, et j’ajouterai même, d’équité.
Ceci étant, la “transparence absolue” ou “totalequi s’en fait le premier promoteur ?
Qui
la revendique ?
A ce point que cette “transparence” fut même le leitmotiv de sa campagne électorale ?
N’est-ce pas, oui, Nicolas Sarkozy, lui-même, qui récemment, promettait une “transparence totale” sur sa santé ? N’est-ce pas lui, encore, qui, nous annonçait la création d’une “commission indépendante” afin d’assurer une “transparence totale” sur les compensations de la taxe Carbone ? Lui, toujours, qui justifiant des changements de “règles” pour nommer le PDG de France Télévisions assurait (sans rire, en plus) qu’ainsi “nous passions d’un système d’hypocrisie totale à un système de transparence totale” ?
Et je pourrais surmultiplier les exemples de cette volonté présidentielle en matière de “transparence absolue”, “totale”, comme sur les bonus, les parachutes dorés, le secret bancaire, les dépenses de l'Elysée, et même, les ventes d’armes à la Lybie par EADS !
Il est vrai – mon mauvais esprit est de retour … - que pour les Frégates de Taïwan, là, le Président de la République, comme l’immense majorité de la classe politique, la transparence absolue n’est pas voulue, pas même réclamée, à ce point, que l’affaire (la plus énorme et la plus scandaleuse de ces dernières années, si ce n’est de la Vème République) est définitivement classée, enterrée. Secret défense. Circulez, y’a rien à voir !
Mais bon.
De deux choses l’une.
Et considérant les propos tenus par M. Guaino.
Ou, parce qu’il se présente comme le héraut de la transparence à tout crin, Nicolas Sarkozy (comme les membres, anciens ou récents, de son gouvernement) représenterait un danger pour la démocratie, car à prôner la transparence absolue il nous conduirait direct vers une société totalitaire. Et nous avec.
Ou alors, et ceci déclinant de l’hypothèse sus-citée, M. Henri Guaino a encore perdu une bonne raison de se taire.
Nonobstant, je tiens quand même à le dire : Internet est un bel outil. Mais il ne nous dispense pas de l’éthique, ne nous décharge pas de nos responsabilités, ne nous extrait pas du réel.
La liberté d’expression, ça ne signifie pas que l’on peut dire tout et n’importe quoi. Insulter, cracher, humilier qui on veut et quand on veut. Sinon, c’est tuer, assassiner la liberté d’expression.
Il est urgent, d’en prendre soin, de l’Internet. Si nous ne le faisons pas, d’autres le feront à notre place. Henri Guaino et ses amis, par exemple … Et ils le feront, non pas au nom de la transparence, mais sous prétexte de protéger l’intimité de chacun (à commencer par la leur) en vérité, ils le feront au nom du totalitarisme qui les titille depuis si longtemps ..

"L'accélération de tous les échanges, économiques, politiques, sexuels, nous a portés à une vitesse de libération telle que nous avons échappé à la sphère référentielle du réel et de l'histoire" [Jean Baudrillard – "La Transparence Du Mal"]