N’Ecoutez Pas Marie-Georges Buffet !

Publié le 13 septembre 2009 par Sagephilippe @philippesage


Il fait bien chaud, ce samedi 12 septembre, avenue Sacco et Vanzetti. Il fait trop beau pour être vrai, Fête de l’Humanité. Pourtant, c’est un succès qualifié de “populaire”. Et c’est exact. Elle est au rendez-vous, la foule. Elle bouscule, te marche sur les pieds, jamais ne s’excuse.
La foule des gens plutôt que celle des idées.
Elle erre, de Salvador Allende à Hô Chi Minh, parfois s’arrête pour manger, ou baffrer tarn-et-garonnais, auvergnat, péruvien ou marocain. Elle sort le verre fourni à l’entrée pour le remplir de bière, de vin ou de pisco. Elle arbore sur un t-shirt, rouge vif, le slogan vedette de la fête : “STOPPONS LA GRIPPE capitAliste”.
C’est un village international, multicolore, improbable. Un peu bancal. Où le Che côtoie Yasser Arafat et la langue des Stones. Où cette fille porte, dans son dos, un sac à l’effigie du Paris-Saint-Germain et une autre, plus âgée, aux couleurs de la LCL. C’est pas très communiste, ça, le PSG ! Et la LCL, encore moins. La LCR, j’aurais pigé. Mais il est vrai, qu’elle n’existe plus, la LCR. Elle est morte, enterrée, la Ligue Communiste Révolutionnaire, et avec elle, l’idée même de révolution. Elle a laissé place à une étrangeté, une incongruité nommée : le Nouveau Parti Anticapitaliste. Sans doute pour justifier de sa présence à des élections dites démocratiques. Ce leurre, cet enfumage qu’est le suffrage universel. Mais qu’en ont-ils à faire, des velléités révolutionnaires (d’antan), ces gens qui promènent leurs barquettes de frites entre la Grande Scène et le Village Numérique ? Qui sont-ils ? Où vont-ils ? Et pourquoi ?
Je ne sais pas.
Je préfère me concentrer sur les slogans, nombreux, qui trônent en haut des tentes et des stands. Parfois, ils m’amusent, comme ce :
Un Marx, et ça repart !”.
Je me dis que si Brice Hortefeux passait par là, il dirait que :
Un ça va ! C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes !”.
Mais il n’y en aura pas. De problèmes. Marx est mort. Pour toujours.
Alors, on erre de plus belle, on marche, on se balade, même on fait des découvertes ; le Parti du Travail, par exemple. Tiens donc ! Ainsi, il y aurait des "cocos" en Suisse ? Ben oui ! Il y en a même en Syrie, en Iran, en Algérie, au Maroc, au Cameroun, au Brésil, dans le Val-de-Marne (“Le Val-de-Marne, plus qu’un département, un service public !”) et .. au Sahara ! Ça, j’dois dire que ça m’a fait, et l’après-midi, et bien rire, d’apprendre qu’il y avait des communistes dans ... le désert ! En revanche, il ne semble pas y en avoir au Luxembourg et aux États-Unis. Le seul américain présent à cette Fête de l’Humanité, c’est un mort ; c’est Michael Jackson. Les enceintes le crachent pendant que nous avalons des "empenadas". Tant mieux. Je préfère encore me fader Michael Jackson que Maxime le Forestier, celui-là même qui chantait “Parachutiste” et qui, aujourd’hui, milite pour la loi Hadopi, avec d’autres bourgeois de compagnie, comme Arditi et la mère Gréco. La Gauche bobo. La Gauche Ramatuelle. Et d’ailleurs, quelques sifflets retentiront quand, introduisant l’auteur de “San Francisco” et de '”Ambalaba”, le speaker crut bon annoncer que c’est “avec beaucoup d’émotion” que “nous” l’accueillons. Ce qui ne l’empêchera pas de donner concert. Frédéric Mitterrand n’aura pas la même chance. Copieusement hué, il rebroussera chemin. Décidément, entre les cocos et les Mitterrand, ce ne sera jamais simple. Sauf que, c’était François qu’il fallait conspuer, en son temps, pas Frédéric. Le fossoyeur, le flingueur du PCF, et de la gauche en général, c’est Tonton, pas son neveu. Lui au moins, le neveu, n’a jamais renié ses convictions.
De droite.
Et tiens, puisque la voilà, la droite, parlons-en ! Tant elle est présente, ici, à la Courneuve. Un mot, un seul, la résume : Sarkozy. Y’a même un stand-restaurant qui, par une banderole, nous invite à lui résister, et qui, dans la même phrase, nous informe que c’est à volonté qu’on peut en déguster, des fruits de mer.
On le retrouve, Sarkozy, à l’Agora, au bar Louise Michel, au stand de Lutte Ouvrière. On y débat pour savoir, trouver comment le battre. Mais pas dans trois ans, non, demain, tout de suite.
Là, je dois dire, ça devient intéressant. Le problème, et c’est bien emmerdant, je trouve, c’est qu’il n’y a pas foule pour les écouter, ces intervenants, du Parti de Gauche, du Front de Gauche, de la Gauche Unitaire, de LO, des Verts, du PCF, et même, fussent-ils bien rares, du PS et .. du NPA. C’est bien dommage ce manque d’intérêt, car ce qui se dit est bien différent de ce que l’on entend sur les plateaux de télévision.
Ici, on y va crument, on s’exprime cash, sans être importuné, dévié, maltraité par un Franz-Olivier Giesbert ou un Yves Calvi, hérauts de la pensée dominante. La télévision, on ne le dira jamais assez, c’est la fin de tout, y compris de la démocratie. La télévision c’est un outil au service du pouvoir et de la pensée tout faite. Il faut l’éteindre et la fuir. Ainsi que la radio. Il faut sortir, se rendre dans ces lieux où l'on échange. Où la parole est libre. On y entend un tout autre son de cloche que dans “nos” médias formatés (comme des rats). On est surpris de la force (et de la pertinence) des arguments. De la radicalité qui les anime. Ici, pas question de passer un accord avec le PS. Ah non ! Et puis quoi encore ! Ce PS qui nous a trahis en 1997, quand il promit de ne pas privatiser France Télécom et qui l’a fait, une fois au pouvoir ? Ce PS clairement pour le Traité de Lisbonne ? Pour l’économie de marché ? Pas question !
Voilà, ce qui se dit, à l’Agora ou au bar Louise Michel, Fête de l’Humanité. On parle de “construire” une alternative, une vraie gauche, de retrouver l’espoir, celui qui entraîne, une “majorité populaire”, celle (perdue ?) du 29 mai 2005.
On parle de gauche radicale, pas de PS.
Le PS, mais qu’il se démerde avec Bayrou, avec DSK (son futur candidat de 2012. Ça, c’est moi qui le dis, et je prends date !).
Voilà ce qui se dit, sans filet, devant un public clairsemé.
Alors, quand ensuite, j’entends Marie-Georges Buffet, déclarer, en direct de cette même Fête de l’Humanité, devant les caméras de télévision, les micros de la radio, qu’elle souhaite un “immense débat d’idées pour l’émergence” d’un projet via la tenue d’ateliers ouverts à tous, y compris au PS, j’ai comme envie de vomir. Et d’autant plus quand le porte-flingues Bartolone abonde, précisant que “nous (le PS) voulons travailler avec la gauche qui veut prendre ses responsabilités”.
Eh bien travaillez donc ensemble, comme avant, comme toujours, PCF et PS. Tu l’auras ton portefeuille, au transport, camarade (présumé) communiste. En 2017 ou 2022. Mais après, ne viens pas faire ta pleureuse crocodile, te plaindre comme à chaque fois, que tu t’es fait rouler dans la farine par ce que tu nommes la “gauche institutionnelle” (dont visiblement, tu souhaites plus que jamais faire partie), que la politique menée n’était pas de gauche, enfin, pas assez. Ne viens pas, ne viens plus jamais te poser en victime.
Je vais te dire Marie-Georges Buffet : tes ateliers, tu sais où tu peux te les mettre ?
A quoi ça sert, une Fête de l’Humanité, si tu es sourde à ce qui se dit, à ce qui est désiré, voulu ?
As-tu, au moins, fais l’effort, de te déplacer dans ces lieux de débats pour écouter, entendre, comprendre ? Te mêler à la foule, parler avec elle ?
Le téléphone pourra sonner/Il n’y aura plus d’abonnés/Et plus d’idées” [*]
Chante Muriel, sous une tente, accompagnée à l’accordéon par le fils de Jo Privat.
Je sirote une blanche. Tristement. En l’écoutant. Me disant, que ça colle, ces paroles. Malheureusement.
Recommencer, là où le monde a commencé …
Ça c’est une idée !
Mais alors, sans Marie-Georges Buffet.
[*] Extrait de "Le Paradis Blanc" de Michel Berger