Exercices d'admiration : Jean-Philippe Toussaint

Publié le 23 septembre 2009 par Vonsontag
A tous ceux qui se plaignent de l'inexistence d'émissions littéraires digne de ce nom à la télé, je voudrais signaler l'existence de ces documents, mis en ligne de manière certes désordonnée, mais en ligne quand même.

La vidéo ci-dessous qui montre Jean-Philippe Toussaint discutant de littérature dans le poste de sa cuisine est l'oeuvre de Pacal Auger, réalisateur d'un documentaire de 52 mn sur l'écrivain. De Pascal Auger, je ne sais pas grand chose. De Jean-Philippe Toussaint à peine plus. La Salle de bains m'est tombé une dizaine de fois des mains et je l'ai longtemps confondu avec Emmanuel Carrère que je n'avais pas lu non plus. Pas lu non plus Monsieur ou L'appareil photo. J'ai découvert le zig avec La Télévision, qui semble être l'apogée de sa période minimaliste pince sans rire. J'ai beaucoup aimé ce livre sans toutefois le ranger dans mon étagère de chefs d'oeuvre. La révélation est venue avec Fuir et ses suites : Faire l'amour et La Vérité sur Marie.

L'écriture a pris de l'ampleur, la phrase est plus riche. Elle s'allonge, se délie et virevolte davantage, jouant des ruptures rythmiques à d'autres fins qu'humoristiques. A l'inertie bartlebyenne des débuts, Toussaint substitue une sorte d'hébétude. Ses fréquents voyages en extrême-orient y sont peut être pour quelque chose mais le fait est qu'il semble que le monde ait deux vitesses, celle du narrateur de ce triptyque et celle, infiniment plus frénétique, du monde qui l'entoure. Ce décalage induit une prise de distance et un certaine froideur du sujet, mais l'autorise aussi à souffrir, comme il souffre des difficultés relationnelles qui constituent l'essentiel de sa relation avec Marie, figure centrale du triptyque. On voyage, de Paris à Shanghai, pour finir sur l'Îîe d'Elbe, triste Eden où tout est né et où tout s'achève.

Toussaint a quand même un vrai mérite, celui de ne rien nous laisser attendre de lui. Ces ruptures de ton, de style et de contenu que l'on trouve dans la construction de son oeuvre - mais construit-il une oeuvre - sont assez déstabilisante pour qu'à la lecture de la première page de chacun de ses textes on n'espère rien d'autre qu'un bon livre et surtout pas un autre "Toussaint".