Scandale Politique étouffé

Publié le 26 septembre 2009 par Politicoblogue

Vincent Lacroix

En plaidant coupable, Lacroix empêche que toute la lumière soit faite dans l’affaire Norbourg
Maintenant que Vincent Lacroix plaide coupable aux 200 accusations criminelles portées contre lui, les 9200 petits épargnants floués viennent de perdre leur dernière chance de faire toute la lumière sur la plus importante fraude financière de l’histoire du Québec.

En reconnaissant sa culpabilité, Lacroix s’évite ainsi un long procès où de nombreux témoins pouvaient révéler comment ce contournement de plus de 115 millions $ fut possible.

Déjà, en juillet 2008, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) présentait une requête à la Cour supérieure visant à empêcher la communication de la preuve contre Vincent Lacroix et cinq de ses ex-collaborateurs. Autrement dit, on interdisait la diffusion d’éléments potentiellement incriminants pour certains hauts placés en lien avec ce dossier. D’ailleurs, des représentants de la Couronne avoueront que c’était pour ne pas ternir la réputation de politiciens ou hauts fonctionnaires québécois qu’il fallait interdire la diffusion de la preuve.

En agissant ainsi, on laissait flotter un gros nuage au dessus de la tête de tous ceux et celles qui ont été mêlés à Norbourg, tout en protégeant ceux ou celles qui avaient véritablement quelque chose à se reprocher. Vincent Lacroix n’agissait définitivement pas seul.

D’ailleurs, Me Frank Pappas, avocat de Jean Renaud (fonctionnaire à qui Vincent Lacroix dit avoir versé 100,000 $ comptant pour obtenir une subvention d’un million de dollars au ministère des Finances), affirmera que la requête de la Couronne pour bâillonner la preuve visait à protéger l’identité de gens à qui Vincent Lacroix prétend avoir versé des pots-de-vin.
L’avocat de Vincent Lacroix à l’époque, Me Clemente Monterosso, ajouta même : « Ce que je comprends, et je n’en dirai pas plus, est qu’on a parlé beaucoup du scandale financier Norbourg, mais je pense qu’avec la preuve qui s’accumule et les déclarations faites et certains éléments de preuve qui se retrouvent dans les mains de plusieurs personnes, on pourra parler bientôt d’un scandale politique plus que financier. »

Québec refuse l’enquête

Malheureusement, le gouvernement du Québec refuse depuis le début de faire toute lumière sur cette affaire. Il rejette l’idée de tenir une enquête publique et indépendante, comme le réclament l’opposition et les victimes. Il n’est pas intervenu pour donner des instructions au DPCP, comme il en a le pouvoir, afin de rendre la preuve publique. Le gouvernement de Jean Charest ne semble tout simplement pas intéressé de savoir le rôle joué par l’Autorité des marchés financiers, le ministère des Finances et la Caisse de dépôts et de placements dans cette sale affaire. Les trois bras financiers du gouvernement ont trempé dans l’affaire Norbourg et refusent aujourd’hui de nous montrer s’ils ont patte blanche.
Et merci à notre système de justice complaisant avec les bandits à cravate, la Couronne réclame une peine d’emprisonnement d’à peine 14 ans, tandis que la défense suggère 10 à 12 ans. Dans le pire des cas, ce sera donc un sixième de 14 ans, soit 2 ans et 4 mois que purgera Vincent Lacroix. Qui peut nous garantir qu’il ne pourra pas alors aller chercher des dizaines de millions $ cachés dans un coffre-fort en Suisse et profiter d’une retraite dorée qu’il à volé à 9200 épargnants? À titre comparatif, pour avoir escroqué des milliers de fonds de pension aux États-Unis, Bernard Madoff a écopé de 150 ans de prison et ne pourra retrouver la liberté que le 14 novembre 2139!
Décidément, Vincent Lacroix et son complice, volontaire ou non, le gouvernement du Québec, viennent de réussir à étouffer la possibilité de rendre public le volet politique du scandale de Norbourg. Ce n’est pas avec le procès des cinq ex-collaborateurs qu’on pourra faire la lumière puisque leur implication est limitée. Le dernier recours demeure que le gouvernement du Québec fasse volte-face maintenant que Vincent Lacroix a coupé court à son procès pour mettre enfin sur pied une commission d’enquête. Il faut plus que justice dans ce scandale, il faut aussi l’apparence de justice qui présentement fait terriblement défaut.

Éric Duhaime
Consultant en développement démocratique et ex-conseiller politique du chef de l’ADQ, Mario Dumont, de 2003 à 2008

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