Contes de l'ordi sacré : Gudule au centre de la terre 12

Publié le 26 septembre 2009 par Porky

EPISODE 12 : Où la femme maigre se révèle une alliée assez peu efficace en ce qui concerne la protection des animaux ahuris.

Pendant que le caribou fou et Jo la Fine arpentaient en zigzagant les couloirs du centre de la terre, notre vaillante troupe s'était elle aussi mise en marche vers un but assez nébuleux, et un destin encore plus nébuleux.

La femme maigre avait finalement décidé au dernier moment d'emporter ses armes de guerre : son baquet et sa planche à laver. Mais comme les deux instruments étaient à la fois lourds et encombrants, elle avait essayé de les refiler à nos amis.

« Je suis contre l'usage du baquet quand il y a des machines à laver », avait dit Marsupilania en lui tournant le dos. « Va te faire voir chez les grecs, planche toi-même », avait rétorqué la Belle Monogramme, Princesse de conte de fée. « Mon dos ne supporte aucun poids au-delà de vingt grammes », avait expliqué le Prince Logarithme, Charmant, certes, mais bien décidé à ne pas servir d'esclave à leur nouvelle compagne. « Tu peux courir vite et longtemps avant que je t'aide », avait affirmé Myxomatose en lui faisant un bras d'honneur. « C'est trop lourd pour moi qui suis une petite nature », avait murmuré Multimédia avec un sourire qui se voulait relativement aimable. « Mon rôle de guide magique m'interdit de toucher ce genre d'instrument », avait consenti à dire le caribou magique. « Mais je vais faire comment pour porter les deux à la fois ? » avait pleurniché la SFM en tordant ses bras osseux. « Démerde-toi toute seule », fut l'avis unanime qui résonna dans le couloir.

Naturellement, la galanterie quelque peu surannée (et vaguement maso) du Masque de Fer entra immédiatement en action : « Donne-moi cette lourde charge, ô Femme Maigre, lumière de mes yeux, dit-il. Je le porterai jusqu'au bout du monde, pour l'amour de tes os. » « On ne t'en demande pas tant, ahuri, avait assené la Princesse de conte de fée. Maintenant si ça t'amuse de lui servir de domestique... » Et c'est ainsi que notre Masque de fer adoré cheminait lentement dans les divers boyaux du centre de la terre, un baquet dans une main et une planche à laver dans l'autre. Il se sentait un peu ridicule, et en plus, ces machins étaient d'un lourd !... Mais pouvait-il refuser quelque chose à celle dont il était tombé éperdument amoureux ? « Ca rend con, l'amour », murmura Myxomatose à l'oreille de Marsupilania, laquelle leva les yeux au ciel et approuva avec un grognement si puissant qu'on crut à un soudain éboulement.

Au détour du couloir, apparut soudain une forme gigantesque. Une fois qu'on l'eût examinée de plus près, on s'aperçut qu'elle ressemblait nettement à un être humain géant, avec cette particularité cependant qu'au lieu d'avoir deux yeux, elle en avait trois, le surplus étant planté au milieu du front. « C'est marrant, fit Marsupilania. Si on lui enlève les yeux qu'il a sur le côté, on dirait vraiment un cyclope. » « Je suis un cyclope, tas de gélatine, dit la chose en roulant des trois yeux. Simplement, après que ce con d'Ulysse m'en eut crevé un, mon père Poséidon m'en a pourvu de trois, comme ça, je peux m'en faire niquer deux, il m'en restera toujours un. On a compris ou on veut que je répète ? » « On a compris », assura Marsupilania tandis que le reste de la troupe se perdait en commentaires plus ou moins farfelus et malsonnants au sujet de l'étrange créature.

« ON SE TAIT ET ON M'ECOUTE ! » brailla le cyclope, tout à coup énervé par l'inattention de ceux qu'ils devaient molester. « Si vous voulez : 1) passer  2)  et passer vivants  3) et atteindre la sortie de ce couloir, il va falloir m'affronter en combat singulier. » « Vous maniez très mal la langue, dit Multimédia, très docte. Etant donné que nous sommes plusieurs, il faut dire « en combat pluriel ». » « Je ne suis pas d'accord, rétorqua Myxomatose. Singulier prend ici un autre sens. » « Cela ne l'empêche pas de garder son sens premier », rétorqua Multimédia, entêtée. Marsupilania se joignit à la conversation, puis ce fut le tour du Prince Logarithme. La discussion commençait à être très chaude, mais cela n'empêchait pas la Belle Monogramme de vérifier minutieusement l'état de ses ongles tandis que le Masque de fer, ravi de cette interruption de la marche, avait déposé baquet et planche à laver aux pieds de sa bien-aimée et se frottait les muscles des bras avec un évident plaisir. Bien entendu, personne n'écoutait le malheureux cyclope.

« Et merde, tiens ! » fit ce dernier avec un geste de désespoir et il alla s'asseoir sur une pierre et commença à pleurer de ses trois yeux. « Voyons, Polystyrène, ne fais pas cette tête », dit la femme maigre, compatissante. « Polyphème, idiote ! »  répliqua le cyclope en essuyant ses triples orbites. « Si tu veux, admit la SFM, pas contrariante. Tiens, pour te consoler, je vais essayer contre toi le pouvoir de mon baquet et de ma planche à laver. De toutes façons, c'est le seul moyen de te vaincre, tu le sais, hein, tu le sais, ça ? » Le cyclope lui lança trois regards reconnaissants. « Toi, au moins, tu es gentille. Tu ne fais pas semblant de m'ignorer. » « Allons-y », dit la femme maigre et elle disposa ses instruments devant le cyclope, étendit la main sur eux et prononça quelques mots bizarres. La conversation grammaticale s'arrêta net et on regarda avec étonnement et intérêt la SFM se livrer à ses psalmodies magiques.

« Ca marche pas, constata le Cyclope après trois essais infructueux. C'est bête pour vous, je vais devoir vous manger. » « Alors là, tu peux toujours y compter ! affirma la Belle Monogramme. Je suis du genre à te rester éternellement sur l'estomac. » « Si vous recommenciez ? » proposa le caribou magique à la femme maigre, consternée par ses échecs. « Je vais vous aider, ô ma belle SFM, dit le Masque de fer, galant, certes, mais peu disposé à finir en aliment cyclopéen. Récitons ensemble. » « Et si ça ne marche toujours pas, on emploiera le pouvoir des M et on virera au grenier cette chose malsaine », affirma la Princesse de conte de fée en relevant les manches de sa robe.

C'est alors que le cyclope se mit à trembler de tous ses membres. « Non, pas ça ! s'écria-t-il en essayant de couvrir ses trois yeux de ses deux mains, mais c'était raté, il y en avait toujours un qui voyait. Pas le pouvoir des M ! C'est pas dans le contrat qu'on m'a fait signer. Je dois juste affronter le baquet magique et la planche à laver salvatrice et me faire vaincre par eux ! Alors, pas d'entourloupes ! »

(A suivre)

(Comment nos amis arriveront-ils à vaincre cet obstacle ? La femme maigre est-elle vraiment compétente dans le domaine de la magie ? Faudra-t-il avoir recours au pouvoir des M ? Le malheureux cyclope pourra-t-il jouer son rôle jusqu'au bout ? Et la Marsupilania's band arrivera-t-elle à retrouver enfin Gudule, le caribou fou, et Jo la Fine ? Si qu'on faisait comme les transports en commun lyonnais : un petit break ?)